Statut de la démarche scientifique obstacles et limites ■ L'IRRATIONNEL. REPÈRES L'IRRATIONNEL: QUELQUES REMARQUES. - L'avènement successif de savoirs rigoureux...
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Statut de la démarche scientifique
obstacles et limites
■ L'IRRATIONNEL.
REPÈRES
L'IRRATIONNEL: QUELQUES REMARQUES.
- L'avènement successif de savoirs rigoureux et rationnels dans les
différents domaines de recherche n'a pas supprimé ipso facto l'ensemble
des croyances et des mythologies collectives qui leur préexistaient.
Ainsi, à côté des espaces où la rationalité de l'explication scientifique a
établi son emprise - sans toutefois pouvoir y liquider toute représenta
tion non scientifique - demeurent de vastes zones d'irrationalité.
- L'irrationnel doit une grande part de sa ténacité au fait qu'il est
étroitement solidaire de la subjectivité humaine.
Celle-ci, constamment
portée à se projeter dans le monde et à s'y investir, façonne des mythes
et des rumeurs où les angoisses collectives et individuelles, les espéran
ces et les craintes, liées plus ou moins à l'ignorance, se représentent et
se systématisent tout à la fois.
L'extrapolation de faits divers, les
divagations sur les phénomènes encore inexpliqués, mais aussi toutes
les formes d'obscurantisme tendent à entraver - ou à faire régresser les acquis de lucidité que permet le travail de la science et de l'esprit
critique.
- Mais l'irrationnel n'est pas seulement ce qui s'oppose à la raison
discursive de la science.
Ce peut être, en un autre sens qui l'apparente à
l'imaginaire poétique, tout ce qui, à travers et par la stratification des
images et des expériences de l'enfance et de la vie personnelle, hante
notre sensibilité sous des formes qu'aucun discours ne peut totalement
ressaisir et qui nourrissent notre personnalité (préférences affectives,
goûts, craintes sélectives, etc.).
Ces données irrationnelles ne sont pas,
en elles-mêmes, négatives ou néfastes, tant qu'elles n'interviennent pas
dans la recherche rigoureuse de la vérité, ou qu'elles n'ont pas pour effet
de démobiliser l'esprit critique.
Leurs effets, souvent inaperçus, consti-
tuent ce que Bachelard appelle des obstacles épistémologiques (cf.
rubrique science) dont la présence doit être élucidée et totalement
maîtrisée.
Science et poésie ne peuvent d'ailleurs coexister et préserver
leur spécificité respective qu'en évitant toute interférence, tout empiète
ment réciproque (cf.
Bachelard, avant-propos de La Psychanalyse du feu).
- Il reste donc capital de ne pas confondre l'irrationnel qui alimente
la création - ou la rêverie - poétique et celui qui voue l'esprit à
l'obscurantisme par un recours continuel aux racontards et aux affabula
tions de toutes sortes.
D'autant que l'ignorance - qui est souvent le
corollaire des croyances irrationnelles - est savamment entretenue,
avec son cortège de superstitions, par ceux qui ont intérêt à la maintenir
pour préserver un pouvoir (cf.
Spinoza.
critique des théologiens) ou tout
simplement l'exploiter commercialement (cf.
la sous-littérature de la
parapsychologie, des « extraterrestres ».
des prévisions astrologiques,
etc.).
De ce point de vue, les mises en garde de Spinoza dans sa
correspondance avec Hugo Boxel sur les fantômes n'ont rien perdu de
leur actualité.
■
LAVÉRITÉ.
REPÈRES
QUELQUES ÉLÉMENTS DE RÉFLEXION.
- Le vrai.
le faux, l'idée de vérité.
Un texte très éclairant de Spinoza peut guider le travail de définition
(cf.
Pensées métaphysiques, première partie, Éditions Garnier-Flamma
rion, pages 352-353).
• Vrai et faux ne qualifient pas d'abord les choses, mais le discours qui
est tenu sur elles.
Ainsi, on dit d'un récit qu'il est vrai « quand le fait
raconté est réellement arrivé », « faux », « quand le fait raconté n'est
arrivé nulle part ».
• Par extension, les philosophes disent d'une idée qu'elle est vraie
quand elle s'accorde avec son objet : « On appelle Idée vraie celle qui
montre une chose comme elle est en elle-même.
»
• Par métaphore, parler d'or vrai, c'est en fait énoncer un jugement sur
une réalité donnée:« ce métal est bien de l'or ».
• L'idée de vérité n'est rien en dehors de l'idée vraie (la blancheur n'est
rien en dehors du corps blanc).
- Formulation classique des critères de la vérité.
Il semble y avoir en fait deux problèmes
a) Le vrai qualifie-t-il des jugements ou des idées ? On sait que
Descartes et Spinoza répondent différemment à une telle question.
Pour Descartes.
seul le jugement peut être dit vrai ou faux, alors que
pour Spinoza une idée vraie est toujours consciente d'elle-même, et n'a
pas à être justifiée par autre chose qu'elle-même ( verum index sui: le vrai
est à lui-même son propre critère).
b) Comment la vérité d'une connaissance peut-elle être établie ?
La cohérence d'une théorie ne suffit pas à la qualifier comme
connaissance.
La philosophie classique définit donc généralement deux
critères fondamentaux de vérité pour toute théorie à prétention explica-
tive: la cohérence interne et l'adéquation au réel.
Mais cette adéquation
reste problématique dans la mesure où elle doit s'inscrire dans une
conception qui évite à la fois l'illusion empirique et la spéculation
abstraite et arbitraire (cf.
le problème de l'évidence chez Spinoza et
Descartes).
Comment la pratique du savant lui-même répond-elle à
cette difficulté ? Nécessité d'une réflexion de type épistémologique.
- Approche épistémologique.
Dans la pratique scientifique, le problème du critère de la vérité se
diversifie selon les types de savoir.
a) Dans les disciplines mathématiques, qui ne sont pas tenues
d'expliquer le réel, le critère de cohérence formelle est décisif.
Les
théories mathématiques sont le plus souvent représentées comme des
axiomatiques, c'est-à-dire des« systèmes hypothético-déductifs» où le
choix des hypothèses de départ n'est pas normé par une exigence éle
conformité au réel.
b) Dans les sciences expérimentales, le critère du vrai n'est pas
séparable de l'objet visé par la théorie explicative (cf.
plus loin la rubrique
théorie et expérience).
Les critères d'une expérimentation permettant
de tester la validité d'une hypothèse explicative sont intégrés dans la
théorie elle-même.
Le« critère des faits » (Claude Bernard) ne peut être
pertinent qu'à cette condition.
Un exemple de montage expérimental combinant, selon les termes
de Pascal, « la raison et l'expérience>> : l'expérimentation du Puy-de
Dôme, conçue par Pascal pour vérifier l'hypothèse de l'existence du
vide, en liaison avec les variations de la pression atmosphérique selon
l'altitude.
L'observation méthodique d'un effet attendu confirme la
valeur objective de la théorie.
- Vérité et vérité...
Une réflexion philosophique sur le concept de vérité ne peut éviter la
question des enjeux et des domaines concrets pour lesquels s'effectue le
travail de définition.
S'agit-il d'accéder à la vérité dans tel ou tel domaine
particulier de la science, ou dans ce que Kant appelait« l'usage courant
de l'entendement», c'est-à-dire le tout de l'existence, saisi comme lieu
à conquérir par une pensée critique consciente des enjeux pratiques de la
lucidité philosophique ? Dans ce dernier cas, la recherche de la vérité
prend une signification à la fois plus large et plus complexe, car illusions
et intérêts de toutes sortes n'en finissent pas de produire leurs effets
trompeurs et/ou démobilisateurs.
C'est pourquoi il convient d'affirmer,
contre les prétentions scientistes et technocratiques, le caractère émi
nemment philosophique du problème de la vérité.
Pas plus qu'aucun
autre domaine de l'activité humaine, la pratique scientifique ne peut - ni
ne doit - échapper à une réflexion critique sur les fondements et les
finalités, réflexion sans laquelle la recherche de la vérité ne peut avoir de
sens.
[POLYNÉSIE B]
Peut-il y avoir des vérités partielles ?
[PARIS-CRÉTEIL-VERSAILLES CDE)
Faut-il ne tenir pour vrai que ce qui peut être prouvé?
[MAROC-DAKAR-DJIBOUTI B]
La vérité s'enseigne-t-elle?
MONTPELLIER BJ
L'évidence est-elle un critère de vérité ?
[CLERMONT-FERRAND FGH]
Commenter cette affirmation d'un philosophe : • Les convictions sont des
ennemies de la vérité plus dangereuses que les mensonges ».
CORRIGÉ
RÉFLEXION PRÉPARATOIRE
ET MISE EN PLACE D'UN PROBLÈME
(
• Explicitation du sujet : analyse de la citation et de ses
implications.
L'opposition des deux termes, convictions et mensonges,
est fondamentale dans la citation.
On s'attachera donc à définir
rigoureusement le contenu et les implications de cette opposi
tion dans le contexte de la phrase.
Ce travail prendre un sens
philosophique dans la mesure où l'on aura constitué explicite
ment un problème permettant de le situer, de le mettre en
perspective, en dégageant son enjeu et sa portée.
- L'opposition convictions/mensonges peut être envisa
gée de deux points de vue complémentaires
■
réflexion sur la réalité du rapport qui existe entre un
sujet et ses propres représentations ou opinions explicites.
Mise en jeu de conceptions différentes de ce rapport, que l'on
pourra préciser en posant quelques questions.
Par exemple :
suis-je maître de mes propres représentations ? Celles-ci déter
minent-elles en moi, et à mon insu, des fixations mentales qui
conditionnent et modèlent mes idées et mes opinions ? Y a-t-il
au contraire en moi un pouvoir de distanciation dont ma volonté
est l'instrument dans la mesure où elle reste libre de statuer sur
les représentations, d'orienter « délibérément » la formulation
des jugements dans un sens ou dans l'autre ? etc ...
■
réflexion sur les enjeux de la conception que l'on se
fait de l'opposition convictions/mensonges, notamment
dans des domaines définis où l'on peut en apprécier les consé
quences : domaine pratique (ou moral) où la question de la vérité
prend un sens par rapport aux finalités de l'action humaine, à la
fidélité plus ou moins grande des mobiles réels aux principes
invoqués etc...
; domaine de la production des connaissances,
où l'on envisage les préjugés et blocages de toutes sortes
comme des blocages que doit surmonter l'exigence de vérité.
- Étude notionnelle succincte.
mensonge : implique un choix délibéré, comme dans ce
■
qu'on appelle la« mauvaise foi }l.
L'opposition de la conscience
et de l'inconscient peut néanmoins apporter des nuances à cette
caractérisation.
(Cf.
les remarques de Sartre sur la conception
freudienne de l'inconscient : une intention peut être implicite
tout en étant consciente, mais vécue sur un mode tel que le sujet
refuse d'en assurer la responsabilité et, par exemple, sera prêt à
nier qu'elle était sienne dès que son explication se produira.
Cf.
la mauvaise fo,1.
Le mensonge, de façon générale, recouvre donc
l'idée d'un acte délibéré destiné à tromper, à masquer la vérité,
ou à la taire (mensonge par omission).
■
conviction : implique une adhésion intense à une idée, à
une conception.
Ce qui semble exclure la distanciation, donc le
pouvoir de remettre en question, le pouvoir réflexif et critique.
Certitude intime, relativement inébranlable, et assez résistante à
l'argumentation rationnelle, dans la mesure où elle est souvent
solidaire de valorisations affectives, d'intérêts inconscients.
■
l'expression « ennemis de la vérité J> : est ennemi de la
vérité non seulement ce qui lui fait obstacle (acception réduc
trice, dans la mesure où l'obstacle est passif) mais ce qui
constitue une puissance« positive», capable de s'opposer acti
vement à la recherche de la....
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