Russie (2003-2004): Triomphe de la «démocratie encadrée» ? Deux élections sans surprise ont ponctué l’année politique russe : législatives en...
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Russie (2003-2004): Triomphe de la «démocratie encadrée» ?
Deux élections sans surprise ont ponctué l’année politique russe : législatives
en décembre 2003, et présidentielle en mars 2004.
Toutes deux ont confirmé le
pouvoir sans partage du président Vladimir Poutine et de «Russie unie»,
communément désignée comme le «parti du pouvoir».
Plus que le résultat des
urnes, c’est le déroulement des campagnes électorales, avec un accès très
inégalitaire aux médias, qui a suscité l’émoi d’une partie de l’intelligentsia
libérale.
Le principal souci du pouvoir aura été d’assurer le taux de participation
nécessaire pour répondre aux exigences du jeu démocratique et d'éviter un trop
fort pourcentage de «contre tous», option de vote permettant à l'électeur
d'exprimer son rejet de l'offre électorale.
Vladimir Poutine a obtenu, le 14
mars, avec une participation de plus de 60 %, 71 % des suffrages (moins de 4 %
optant pour le vote «contre tous»).
Par rapport au scrutin présidentiel de 2000,
le gain a été de presque 20 points ; il n’est pas de région où le président
sortant n'ait recueilli moins de 50 % des voix ; dans toutes, la participation a
été supérieure à 50 %.
Les leaders régionaux se sont appliqués à mobiliser la «ressource
administrative» pour amener les électeurs aux urnes en organisant des concerts
ou des ventes de produits attractifs dans les bureaux de vote, mais aussi en
agitant diverses menaces en cas de non-participation au vote (impossibilité de
passer les examens pour les étudiants, par exemple).
Quant à la Tchétchénie, elle aurait «démontré», en assurant le meilleur score,
que sa normalisation était en bonne voie, comme l’affirmait le pouvoir en dépit
des attentats qui ont endeuillé l’actualité tout au long de l’année, avant que
cette assertion ne soit violemment démentie en mai par l’explosion qui a coûté
la vie au président (de la république de Tchétchénie) Akhmad Kadyrov (élu de
manière très contestée en octobre 2003).
Le paysage politique russe issu des deux scrutins a profondément changé.
Les
législatives ont pratiquement éliminé de la Douma d’État (Parlement) deux partis
considérés comme les chantres du libéralisme, plus tempéré pour l’un (Iabloko,
Grigori Iavlinski) que pour l’autre (Union des forces de droite, Boris Nemtsov).
Bien qu’ayant recueilli à eux deux 8 % des suffrages en décembre, faute d’avoir
réussi à conclure une alliance, ils n’ont pas atteint la barre des 5 % requis
dans le système du scrutin de liste pour être représenté à la Douma.
Pour sa
part, le Parti communiste a été affaibli par l’émergence très tardive (au cours
de l’été) d’un nouveau parti, Rodina (Patrie), qui aurait vu le jour avec la
bienveillance active du Kremlin.
Ce conglomérat a remporté 9 % des suffrages.
Sa
campagne avait visé à la fois l’électorat du Parti communiste (qui n’a remporté
que 12,6 % des suffrages, soit deux fois moins qu’en 1999) et celui de Vladimir
Jirinovski dont le parti, populiste de droite, a néanmoins réussi à se maintenir
(11,6 % des voix).
«Russie unie» triomphe donc avec 306 des 450 députés de la
Douma.
Le principe du multipartisme, auquel la société ne se montrait déjà guère
attachée, est sorti encore plus affaibli de ces élections.
La campagne
électorale n’a pas été un moment de débat public, ne serait-ce que parce que les
partis avaient en fait pratiquement le même programme : lutte contre la
corruption et la pauvreté, partage de la rente pétrolière.
Les principaux ténors
avaient laissé la place à des personnages de second rang.
Les deux seules
personnalités connues en lice – Sergueï Glaziev et Irina Khakamada – l’étaient
sans le soutien de la formation qu’elles représentaient lors des élections de
décembre, respectivement Patrie et l’Union des forces de droite.
Au final, la
société n'est pas dupe du respect apparent des procédures démocratiques, sans
que cela ne la choque vraiment, l'opposition semble introuvable, le parti
«Russie unie» se présente comme un «centre radical» et V.
Poutine serait
l’élément le plus libéral de la classe politique nouvellement élue.
Un libéralisme tempéré ?
Mais V.
Poutine entendait-il mener une telle politique ? L’événement qui a
suscité le plus de conjectures à cet égard est l’affaire Ioukos, compagnie qui
s’apprêtait à devenir un des géants pétroliers mondiaux grâce à sa fusion avec
Sibneft (opération depuis annulée).
Son président, Mikhaïl Khodorkovski, a été
arrêté et incarcéré en octobre 2003, accusé d’escroquerie et d’évasion fiscale.
Les vraies raisons de l’arrestation de ce puissant oligarque auraient été ses
ambitions politiques affichées et son financement aux partis d’opposition,
violant ainsi l’accord tacite de 2000 qui impliquait la séparation du politique
et de l’économique.
Après cette attaque, craignant une révision des
privatisations, l’Union des entrepreneurs et des industriels a redoublé les
preuves d’allégeance, s'engageant notamment à participer à la lutte contre la
pauvreté.
M.
Khodorkovski lui-même, de sa prison moscovite, a fait paraître en
avril 2004 une lettre décrivant la crise et les erreurs du libéralisme en
Russie, ce qu’une partie de l’opinion a accueilli comme une marque de repentir.
L’affaire Ioukos était-elle une mise au pas ciblée, ou le prélude à des
opérations de plus grande envergure ? Elle a certes entraîné l’éviction des
membres de l’équipe présidentielle qui avaient manifesté leur désaccord avec les
poursuites menées contre M.
Khodorkovski, Alexandre Volochine, le chef de
l’Administration présidentielle, et Mikhaïl Kasianov, le Premier ministre, mais
le profil de leurs successeurs n’a pas confirmé la crainte de voir arriver aux
commandes les siloviki, ces hommes des structures dites de force (armée, police
et organes de sécurité – dont est issu V.
Poutine), en qui certains voient une
nouvelle oligarchie.
L’équipe gouvernementale a en fait peu changé, le nouveau
Premier ministre, Mikhaïl Fradkov étant un technocrate sans couleur politique
particulière.
L’interminable chantier des réformes
V.
Poutine aurait, selon certains analystes, constitué une équipe «kamikaze»,
appelée à prendre les mesures impopulaires, jusqu’alors différées, qu’implique
la libéralisation grandissante du secteur public.
Augmentation des tarifs dans
les....
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