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Révolution scientifique La science ne constitue pas une description et une explication exactes de la réalité, mais une représenta­ tion...

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« Révolution scientifique La science ne constitue pas une description et une explication exactes de la réalité, mais une représenta­ tion que les êtres humains construisent, par Je raison­ nement, à partir de leurs perceptions.

La représentation spontanée que l'individu se forme initialement est rare­ ment conforme à l'explication scientifique qu'il devra assimiler par la suite.

Cette représentation initiale est souvent un obstacle dont il lui faudra s'affranchir, sans jamais y parvenir totalement. Pour rendre compte des propriétés d'une catégorie de l'univers matériel, la communauté scientifique se construit un modèle, opératoire et efficace dans des limites précises.

Quand son domaine de validité est dépassé, quand des contradictions insurmontables apparaissent, un autre modèle est nécessaire.

Si la rupture est importante, le passage de l'un à l'autre se traduit par une révolution scientifique, d'amplitude variable.

L'exemple type d'une révolution globale est la révolution copernicienne (1543 - fin du XV/le siècle). Certains auteurs (/'Américain T.

S.

Kuhn, par exemple) utilisent des concepts différents, notam­ ment celui de paradigme emprunté à la linguistique. La représentation de l'évolution des sciences qui est retenue aujourd'hui est celle d'un progrès parfois continu, coupé par des mutations périodiques.

Il s'agit, bien sûr, de la thèse épistémologique actuelle­ ment la plus répandue pour décrire l'évolution des idées scientifiques.

Ce n'est pas une loi établie, ni de l'histoire, ni - encore moins - de la nature. Le public contemporain, inondé d'informations par des médias souvent à la recherche du sensationnel, n'est plus étonné d'apprendre telle découverte ou telle innovation technologique extraordinaire.

Par ailleurs, le terme « révolution» est galvaudé au point d'en être complètement affadi.

Ce qui nous intéresse ici n'est cependant pas de savoir si les sciences progressent grâce à une succession de «découvertes» et s'il en a toujours été ainsi.

Il suffit d'ailleurs de jeter un coup d'œil sur l'un des tableaux chronologiques qui figùrent à la fin d'un ouvrage sur l'histoire des sciences, pour constater que le processus n'est pas aussi simple.

Pour peu que l'on soit à même de juger de l'importance des différents événements, on voit rapidement que certains d'entre eux sont plus marquants, plus « révolutionnaires» que d'autres. Les objectifs de cet article sont de préciser ce que sont les sciences (ce qui n'est pas aussi évident qu'il peut paraître au premier abord), et comment elles changent. Il y a eu, au début du présent siècle et à propos de l'histoire des sciences, deux thèses opposées : celle des continuistes et celle des discontinuistes. La première - dont le représentant le plus éminent était le physico-chimiste français Pierre Duhem - prétendait que les sciences progressent grâce à une accumulation de trouvailles et de théories successives, sans que ce processus connaisse de ruptures. La seconde - dont les partisans sont A.

Koyré, Paul Langevin, Gaston Bachelard et tous les historiens des sciences d'inspiration marxiste - pensaient que les transformations se produisent par des accumulations régulières, séparées par des mutations brutales, d'ampleurs et d'importances différentes.

Il n'y a plus guère de défenseurs des idées de Pierre Duhem.

De la même façon, personne ne prétend plus que les sciences évoluent en vase clos, sans interactions avec l'histoire des sociétés. Que sont les sciences? Au XIX 0 siècle, s'est constituée, s'inspirant pour partie de la philosophie des Lumières du XVIII 0 siècle, une idéologie - le scientisme - dont les chantres ont souvent été, notamment en France, les disciples du philosophe Auguste Comte (les positivistes).

Parmi ses inspirateurs figurait aussi Saint-Simon (dont Comte fut d'ailleurs, un temps, le secrétaire), auteur du Système industriel, dans lequel il prônait l'avènement d'un capitalisme harmonieux, où s'uniraient les forces du capital et celles du travail. En France, le courant scientiste, porté par la bourgeoisie triomphante, rassemblait des intellectuels très influents, comme Ernest Renan, Littré, etc.

En résumant sa doctrine, on peut la réduire à une phrase: les sciences (et leurs applications technologiques) sont capables de tout résoudre.

Cela conduit, en fait, à une religion où la science remplace Dieu, mais une science que l'on a privée de l'esprit critique qui en fait la force. Une science à laquelle on a, en même temps, imposé des limitations assez étroites.

Elle doit, par exemple, expliquer les processus en évitant de s'interroger sur leurs causes.

Et, pour reprendre une formule de Renan, « Elle est indépendante de toute forme sociale», donc de la société. Le but de la science ainsi conçue est de «dire le Vrai».

Elle permet tout, y comprjs de gouverner.

La forme du capitalisme de la fin du XIXe et du début du xxe (le taylorisme en est une composante idéologique marquante) l'a associée, sur le plan économique et social, à un productivisme industriel sans frein, dont le tiers monde paie aujourd'hui les frais, ainsi que l'environnement dans les pays industrialisés.

Influencés comme les autres, les groupes et les mouvements d'opposition ont été aussi scientistes et productivistes que leurs adversaires. Les applications militaires monstrueuses du xxe siècle, plusieurs catastrophes (l' Amoco-Cadiz, Bhopal, Tchernobyl...) ont amené quelques interrogations mais le scientisme subsiste, même s'il prend des formes plus subtiles que précédemment. Témoin l'Appel d'Heidelberg, signé par près de 500 personnalités en 1991 pour contrer !'Appel de Rio sur l'environnement (pourtant peu fiable du fait des réserves émises par des pays industrialisés parmi les plus puissants, notamment les U.S.A.). Le taylorisme Le taylorisme est un système basé sur les idées de l'ingéni~ur américain Taylor (1856-1915), visant à produire davantage et à moindre coût grâce à une utilisation optimale des machines et des hommes, à une spécialisation très pointue de ces derniers, devenus de simples exécutants dans un processus dont ils ignoraient l'amont comme l'aval.

Une illustration du taylorisme est l'organisation des chaînes de montage des automobiles, notamment dans les usines Ford (cf.

le film de Charlie Chaplin, Les Temps Modernes). Pour définir les sciences, il serait justifié de généraliser les définitiôns que Max Planck (père de l'hypothèse quantique) appliquait à la physique.

Il écrivait : il existe trois mondes~ le monde réel, présent indépendamment de nous et de la conscience que nous en avons; le monde de nos sens, constitué par ce que nous percevons et par la représentation que nous nous en faisons spontanément; le monde de la science, qui est construit par les scientifiques pour essayer de rendre compte et d'expliquer le monde réel.

La science est donc une construction de l'esprit humain (ou, plutôt, de la collectivité scientifique - ou de ce qui en tenait lieu - à un moment donné de l'histoire). La science n'est pas la réalité, mais elle tend à s'en approcher au fur et à mesure où elle progresse.

Elle est « l 'asymptote de la vérité», écrivait Victor Hugo. Une asymptote Une asymptote est une courbe qui se rapproche indéfiniment d'une autre courbe (ou d'un axe de référence), étant de plus en plus près, mais sans jamais l'atteindre.

Un exemple simple en est l'hyperbole (y= 1/x). :\__ ------+------+X \~v. Le cas des mathématiques étant un peu mis à part (à 1•exception des mathématiques anciennes), le critère de -validité d'une hypothèse et d'une théorie scientifique est, au bout d'un certain temps, l'adéquation à la réalité.

Dans quantité de domaines, cette adéquation se traduit de plus en plus fréquemment par la possibilité d'applications technologiques (voir art 23).

Autrement dit, pour reprendre un exemple développé dans un autre article, la théorie de l'émission stimulée (ou induite) d'Einstein e~t confirmée par la réalisation du pompage optique (Kastler et Brosse!, 1950) et ultérieurement par celle du laser (1958-1960) (voir art_ 13). L'obstacle de la perception première « Quand il s'intéresse aux sciences, écrivait Gaston Bachelard, l'esprit est toujours vieux.

li a l'âge de ses préjugés.» Depuis la publication par ce philosophe français, en 1930, de La Formation de l'esprit scientifique, les didacticiens se sont intéressés, notamment au cours des dernières décennies, à « l'obstacle épistémologique» (l'expression est de Bachelard) que constitue l'observation spontanée, commune, d'un phénomène.

Constatant (ou croyant constater) pour la première fois un fait - ou ce qu'il pense être un fait, l'individu s'en construit mentalement une représentation.

Il en retient certaines caractéristiques, ébauche inconsciemment une première explication, etc.

A l'époque actuelle, les médias (et surtout la télévision) participent largement à l'information de l'intéressé. Le milieu dans lequel il vit peut accentuer sa perception, ou au contraire la combattre.

Le domaine scientifique concerné peut se prêter plus ou moins à la confection de ces représentations: la physique, par exemple, y est en général assez appropriée.

Un exemple caractéristique est celui, étudié dans ce livre, des modèles de l'univers et du mouvement de la Terre (voir art.

20). La question n'est pas inhérente à la seule compréhension scientifique et Bachelard n'est pas le premier dans l'histoire à avoir attiré l'attention sur ce phénomène.

Lénine, par exemple, met en garde contre ce qu'il appelle la spontanéité dans le domaine politique et montre qu'il s'agit, pour l'essentiel, d'une réaction dictée par l'idéologie dominante_ Mais le statut de l'expérience première est, du moins pour les événements que l'individu est à même de rencontrer dans la vie courante, particulièrement important dans le domaine scientifique.

L'apprentissage des sciences, par la suite, doit tenir compte de l'existence, chez l'élève, de ces représentations. La plupart du temps, l'enfant (ou l'adolescent) est amené (avec l'aide du professeur si ce dernier est conscient de leur existence) à se construire ses représentations scientifiques en luttant contre ses figurations spontanées antérieures et en les évacuant le plus possible.

Des psychologues ont montré que· parfois, même chez des scientifiques confirmés, la représentation première subsiste, à côté du modèle scientifique devenu dominant, en le perturbant parfois. Modèles et paradigmes Pour se représenter un objet scientifique quelconque («objet» étant pris ici au sens large et pouvant figurer un ensemble de phénomènes se rapportant à une même catégorie du réel), le chercheur se construit un modèle.

Celui-ci peut être, pour une première approche, uniquement ce que le physicien et didacticien F.

Halbwachs appelle un «modèle-image», c'est-àdire une représentation figurative et qui, dans un cas simple, se limite à cette figuration.

Exemple: l'atome des philosophes grecs ou même des chimistes du XIXe siècle.

Les connaissances progressant, ce schéma peut continuer à convenir, mais il devient insuffisant.

Le modèle inclut alors toutes les propriétés, les lois que l'on connaît.

Le modèle de l'atome de carbone de 1890, par exemple, inclut les propriétés que l'on connaît depuis l'apparition de la stéréochimie (voir art.

2). Puis, tout au moins dans un certain domaine, ce modèle, même complexifié, ne convient plus.

C'est, pour l'exemple choisi, quand on découvre l'électron, puis la radioactivité.

Certaines des utilisations du modèle ancien peuvent rester valables - par exemple les structures, où les atomes sont figurés par des sphères de couleur, qu'utilisent les enseignants de chimie organique pour montrer l'ordonnancement de certaines substances - mais les scientifiques savent que la représentation doit inclure l'existence des particules découvertes. Les « modèles planétaires», notamment celui de Bohr, peuvent être partiellement considérés comme des «modèles-images». On peut effectivement les dessiner, à condition de préciser par écrit le nombre de protons et de neutrons dans le noyau, le nombre d'électrons sur les différentes orbites, etc. Au-delà de Bohr et de Sommerfeld, aucune image, quelque peu représentative, n'a de valeur scientifique.

Les niveaux d'énergie, les nombres quantiques, cela peut s'écrire, figurer dans un tableau, mais n'entre pas dans un dessin.

Le physicien a toujours son modèle, mais c'est un ensemble complexe (voir art.

1 et 2).

Encore, dans ce cas, certains modèles figurables peuvent-ils encore servir, mais à condition de bien préciser leur champ de validité. Pour d'autres phénomènes, un modèle peut être tout entier mathématique..... »

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