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Pour la plupart des philosophes du XVIIIe siècle, le progrès scientifique et technique qu'ils appelaient de leurs vœux devait nécessairement...

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« Pour la plupart des philosophes du XVIIIe siècle, le progrès scientifique et technique qu'ils appelaient de leurs vœux devait nécessairement s'accompagner d'un progrès moral de l'humanité tout entière, le second étant d'ailleurs conditionné par le premier.

À chaque pas accompli par l'homme dans le champ du savoir, à chaque progrès de l'esprit, devait logiquement correspondre une évolution positive dans le domaine des mœurs.

Les penseurs des Lumières comptaient ainsi sur le génie scientifique pour libérer l'homme du préjugé et de l'erreur et pour lui permettre d'être en plus parfaite harmonie avec le monde qui l'entoure.

Cette vision optimiste a difficilement résisté aux chocs des différentes révolutions industrielles qui ont jalonné l'histoire des deux derniers siècles.

En constatant la persistance des guerres et des maux de tous ordres affectant les sociétés techniquement développées, on en est venu à séparer, comme deux domaines étrangers, le terrain de la science et celui de la morale.

Aujourd'hui, les progrès réalisés dans le domaine des sciences et des techniques suscitent autant de craintes et d'interrogations que d'enthousiasmes.

C'est que l'homme de la rue s'interroge, somme toute légitimement, sur les conséquences nouvelles de ces « progrès » dans sa vie quotidienne.

S'il se sent parfois pris au piège de cette évolution, il sait aussi en reconnaître les mérites.

Il faut surtout qu'il soit informé afin de prendre ses responsabilités dans un domaine qui trop souvent lui échappe. À l'heure des « villes tentaculaires », des machines apparemment souveraines, des arsenaux nucléaires, la corrélation entre le progrès technique et le progrès moral apparaît très problématique.

Il n'y a pas de progrès moral si l'homme ne se sent pas délivré des entraves et des craintes qui pèsent sur sa vie.

Il n'est pas heureux si son existence est menacée ou aliénée. Au siècle des Lumières, les pas de géant accomplis par la science dans le domaine médical, les innovations en agriculture marquant une rémission dans le cycle douloureux des famines, les explorations de pays lointains rendues possibles par les progrès de la navigation, toutes ces avancées de l'esprit humain avaient fait naître un immense espoir. L'humanisme du XVIIIe siècle croyait en une amélioration de la condition de l'homme, espérait une libération, imaginait le bonheur.

Mais, un siècle plus tard, s'il existe encore des optimistes (on les appelle « positivistes » ou « scientistes ») pour croire en un progrès moral consécutif au progrès technique, force est de constater que de nombreux esprits s'inquiètent des évolutions de la civilisation humaine, industrielle et urbaine. C'est en effet essentiellement autour des machines nouvelles suscitées par l'industrie et autour du développement souvent anarchique des grandes villes modernes que se cristallisent les angoisses des sociétés techniciennes.

Le roman de Zola, la Bête humaine, consacré à l'univers des chemins de fer, est très révélateur de la fascination mêlée de peur qui s'exprime à la fin du XIXe siècle devant le progrès technique.

Dans ce livre, le train est un beau monstre, certes capable de transporter des centaines de passagers mais aussi capable de tuer, de dérailler et de faire « dérailler » ceux qui l'approchent. Son conducteur, Jacques Lantier, est d'ailleurs un déséquilibré.

Ce qui est en cause dans La bête humaine comme d'ailleurs dans le film de Charlie Chaplin, Les temps modernes, c'est le danger d'une déshumanisation par le travail, suscitée par l'évolution accélérée des techniques. Dans cette même perspective s'inscrit la réflexion de Jean-Marie Domenach (article du Monde, décembre 1976) à propos des progrès de la vitesse dans notre civilisation : le perfectionnement des automobiles et des trains leur permet d'atteindre des vitesses toujours plus grandes.

Mais pour quel progrès humain ? « Les coûts, les nuisances, les accidents » remettent en cause cette prétendue amélioration. À l'heure actuelle, les avancées de la science dans le domaine de la génétique suscitent également des polémiques et font redouter de dangereuses et imprévisibles manipulations du « matériau » humain. On peut enfin évoquer les critiques adressées à la civilisation des écrans, c'est-à-dire au règne des nouvelles communications à distance qui appauvriraient les relations humaines en isolant toujours plus les individus. Loin d'engendrer un progrès moral, le progrès technique serait donc coupable de dégrader le tissu social et de menacer le bonheur de l'homme.

On en vient même à reprocher aux savants leur absence de sens moral et l'on franchit parfois le pas en les décrivant comme de redoutables apprentis sorciers capables de détruire la planète ou d'en devenir les maîtres.

On peut expliquer cette mythologie de science-fiction en constatant que chaque période de mutation technique engendre une instabilité des valeurs, une remise en cause des traditions et des certitudes acquises et, par conséquent, un malaise du profane devant un univers nouveau qui le dépasse.

Pourtant, il est possible de relever des conséquences positives du progrès technique. Ainsi, en.... »

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