«Pour être lilne,faut-il savoir ce que l'onfait?» Annonce du plan La formulation même de la question«pour être libre, faut-il savoir...
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«
«Pour être lilne,faut-il savoir ce que l'onfait?»
Annonce du plan
La formulation même de la question«pour être libre, faut-il savoir
ce que l'on fait?» peut sembler paradoxale, car si la liberté est l'ab
sence de contrainte, comment justifier l'exigence exprimée dans l'ex
pression «il faut»? Cette obligation de «savoir ce que l'on fait»
n'est-elle pas une condition extrêmement dure, qui rendrait presque
la liberté impossible? Car sait-on vraiment jamais ce que l'on fait,
peut-on le mesurer jusque dans ses dernières conséquences?
Pourtant, et réciproquement, si être libre, c'est pouvoir faire ce que
l'on veut, il semble bien que cela suppose de savoir ce que l'on fait.
Comment pourrait-on vouloir faire quelque chose, sans savoir en quoi
ce quelque chose consiste? Ne serait-ce pas contradictoire?
On examinera d'abord l'idée d'une liberté pure, dénuée de toute
contrainte, et l'on essayera de faire apparaître le caractère contradic
toire de cette idée, qui mène à la négation de la liberté.
On pourra alors,
dans un second temps, examiner en quoi, en effet, il faut savoir ce que
l'on fait si l'on veut pouvoir se dire libre, puisque pour pouvoir agir
efficacement, il faut être capable d'ajuster les moyens aux fins recher
chées.
On verra que cette exigence comporte deux aspects, l'un
concernant la connaissance du monde sur lequel on agit, l'autre, en
amont de l'action, concernant les motifs qui nous font agir.
Cependant,
on pourra se demander dans un troisième temps s'il n'y a pas aussi des
cas où cette connaissance, cette conscience de ce que l'on est en train
de faire, devient, paradoxalement, un obstacle à l'action.
1 '" partie: les
contradictions
de la notion de
liberté absolue
«Savoir ce que l'on fait», n'est-ce pas une exigence trop grande
pour laisser place à la liberté? On ne peut pas manquer de remarquer
la contradiction de la question posée: si l'on est libre, «il ne faut» rien.
Telle est la liberté.
C'est l'absence de contrainte, donc, en principe,
Introduction
Contradiction
interne du sujet:
paradoxe
Justification
du sujet
Première
définition
de la liberté
Référence
Conséquence
Illustration
Examen du
problème posé
par cette
première
hypothèse
Nécessité
de modifier
notre première
définition de la
liberté
l'absence de devoir, d'obligation, quelle qu'elle soit.
Être libre c'est
donc faire ce que bon nous semble, faire n'importe quoi éventuelle
ment, ne pas se donner de plan, ne pas se contrôler soi-même.
« Carpe
diem», «profite du jour», dit la morale hédoniste qui assimile bon
heur et plaisir: manière de dire que l'on ne sait jamais ce qui se pas
sera demain, qu'aucun calcul sur l'avenir n'est vraiment possible, et
qu'il faut saisir les occasions quand elles se présentent.
C'est le bon
heur qui est ici défini, mais il est défini comme cette liberté par rap
port aux soucis qu'entraînerait une volonté de savoir, de mesurer les
conséquences de ce que l'on fait, de s'interroger indéfiniment sur nos
motivations.
Mieux vaut mettre en suspens toutes ces interrogations
et jouir de la vie.
Dans cette logique, le savoir semble avoir une influence néfaste
sur le «faire».
Savoir, c'est, ici, se représenter ce que l'on fait.
Mais la
représentation - re-présentation redouble nos actes et, en quelque
sorte, les alourdit, provoque des frictions en les rendant moins effi
caces.
Harnlet, le personnage de Shakespeare, dans le fameux mono
logue «to be or not to be», s'interroge sur les raisons qui le retiennent
d'assassiner son oncle (meurtrier de son père).
C'est la peur de la mort,
dit-il, qui nous retient de mener des actions risquées.
«Ainsi:, dit-il,
la conscience fait-elle de nous tous des lâches, et les entreprises de
grande envergure, à cause de ces considérations, leurs courants se
tarissent et elles perdent le nom d'action».
(Shakespeare, Ham/et) Car
savoir ce que l'on fait, cela veut dire avoir une claire représentation
des risques que l'on court: mais ce savoir modifie les conditions de
l'action.
Et éventuellement même, c'est ce que dit Hamlet, cette
conscience finit par empêcher tout à fait l'action.
Faut-il pour autant dire: Soyons fous, soyons ignorants, fermons
les yeux, c'est la seule manière d'être libres! Un indice du fait que les
choses ne peuvent pas être si simples, c'est que cette phrase elle
même, tout comme le «carpe diem», est un impératif.
On retombe
donc sur la même contradiction logique rencontrée dès le début: celui
qui voudra dire en quoi consiste la liberté sera bien obligé de pres
crire un certain type de comportement, et donc de sembler immé
diatement se contredire lui-même.
Mais ce n'est le cas que si l'on a une conception trop stricte de la
notion de liberté comme absence de contrainte.
Il est vrai que les deux
concepts s'opposent, mais toutes les contraintes n'ont pas le même
statut.
Qye donnerait l'absence effective de toute contrainte? À quoi
cela ressemblerait-il? « La colombe légère, dit Kant, lorsque dans son
libre vol, elle fend l'air dont elle sent la résistance, pourrait s'imagi-
Transition
vers la 2°partie.
2• partie:
le savoir
au service
de la liberté
Citation
pennettant
d'illustrer
la 26 hypothèse
ner qu'elle réussirait bien mieux encore dans le vide».
Mais dans le
vide, elle ne pourrait pas voler du tout! I.:absence totale de contrainte,
cela supposerait qu'il n'y ait plus rien dans le monde qui me résiste.
À la limite, il ne faut plus que j'aie de corps, car mon propre corps
me limite.
Et plus de conscience, car la forme de ma conscience me
limite aussi.
Alors? Qye reste-t-il? Rien.
La liberté absolue, pensée
comme absence totale de contrainte, c'est la non-existence: c'est la
mort.
Et la mort, c'est en fait l'absence totale de liberté, puisque, une
fois mort, je ne peux plus rien faire.
Ainsi, on s'aperçoit que la définition de la liberté comme absence
de contrainte se retourne contre elle-même.
La liberté n'est pas pen
sable hors d'un champ de contraintes qui structure les possibilités de
l'action.
Il suffit de penser par exemple aux règles d'un jeu: les règles
sont des contraintes, mais c'est grâce à elle que le jeu est possible.
De
même, les règles de grammaire du langage: si elles n'existaient pas il
riy aurait pas de communication possible.
Les contraintes sont donc
peut-être ressenties comme des entraves à la liberté, il riempêche que
dans certains cas, elles sont ce qui rend possible d'agir.
Si elles riétaient
pas là, on ne pourrait pas agir, et il serait difficile alors de considérer
que l'on est libre.
C'est pourquoi le savoir, l'exigence de savoir ce que l'on fait, riest
pas irrémédiablement incompatible avec l'idée de liberté, loin de là.
Ce qui nous amène au second temps de notre réflexion.
Descartes expliquait que «l'indifférence est le plus bas degré de la
liberté» (quatrième des Méditations métaphysiques).
Cette phrase pro
longe la critiqut;: de la notion d'une liberté qui serait absence de toute
détermination.
En ce sens, pour Descartes, on est d'autant plus libre
que l'on sait ce que l'on fait.
I.:exemple que prend Descartes pour jus
tifier son propos est celui de l'âne de Buridan: on imagine un âne qui
aurait également faim et également soif, et qui serait exactement à
égale distance d'un seau d'avoine et d'un seau d'eau: comme rien ne
le pousserait à aller plus vers l'un que vers l'autre, il se laisserait mourir
de faim et de soif entre les deux.
Ainsi Descartes fait comprendre que
l'indifférence, c'est-à-dire l'indétermination, n'est pas propice à la
liberté.
La liberté, c'est peut-être faire ce que l'on veut, mais encore
faut-il avoir pour cela un «vouloir» déterminé: et qu'est-ce qui déter
mine ce que je veux, c'est mon savoir, c'est-à-dire une représentation
claire de ce qui est bon pour moi.
Si je suis indifférent, je ne «veux»
plus rien, et donc je ne «fais» plus rien, et donc je ne « fais pas ce que
je veux», donc je ne suis pas libre.
(Il ne faut pas confondre ce cas avec
Examen
des limites
de cette thèse
Références
complémentaires
le cas où l'on veut ne rien faire: dans ce cas, la volonté est déterminée
vers le rien, par exemple, on veut être paresseux: la volonté est claire.
Ce n'est pas la même chose que « ne rien vouloir faire» : l'ordre des
mots change ici la signification).
On comprend alors pourquoi le savoir
est le meilleur allié de la liberté.
C'est parce que l'on connaît le monde,
que l'on connaît ses propres forces, que l'on sait avec précision le but
que l'on recherche, que l'on parvient à ce but: on se fixe un objectif,
on étudie la situation, on voit quels sont les moyens accessibles, on les
met en œuvre, et l'on atteint son but.
C'est l'intelligence technique de
l'homme qui lui permet ainsi de dominer la nature, de s'en rendre
«maître et possesseur» comme dit Descartes, et, par exemple, d'aller
sur la lune, de traverser les mers, de communiquer à distance etc.
Le
savoir décuple le pouvoir et augmente donc bien la liberté.....
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