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Pères et fils La civilisation courtoise accorde une grande importance à la bienséance des comportements, non seulement en société mais...

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« Pères et fils La civilisation courtoise accorde une grande importance à la bienséance des comportements, non seulement en société mais aussi en famille.

Dans Le Chevalier de la charrette, écrit pour la cour de Champagne, Chrétien de Troyes évoque le problème des conflits de générations : le motif de la révolte filiale contre l'autorité paternelle, illustré par différents couples de personnages, parcourt le roman dans sa totalité.

Deux types de filiation sont évoqués : la filiation biologique, qui procède des liens du sang; la filiation symbolique, qui peut être vassalique (elle lie le chevalier à son suzerain) ou spiri­ tuelle (elle naît d'une affinité morale). LA FILIATION BIOLOGIQUE Le personnage de Lancelot, dans Le Chevalier de la char­ rette, n'a pas de passé familial : on ne sait de qui il est né.

En revanche, il rencontre, au cours de son errance, plusieurs pères en présence de leurs fils. La prairie des jeux : une révolte éphémère La première rencontre a lieu dans une prairie où des jeunes gens sont en train de se divertir.

Lancelot doit y défendre une demoiselle contre un prétendant qui veut la prendre de force.

Le père du jeune homme, « un chevalier déjà touché par l'âge» (v.

1649), s'emploie d'une part à réfréner l'ardeur sexuelle de son fils, d'autre part à le dissuader de se mesu­ rer à Lancelot par les armes.

Le vieillard incarne le droit et la sagesse.

Mais, face à la folie et à I' « orgueil » du jeune homme (v.

1782-1783), toute prière est vaine (v.

1766); le père doit donc recourir à la force pour se faire obéir : il ordonne aux autres chevaliers de se saisir « de son fils qu'il ne peut corriger» (v.

1775).

L'.autorité paternelle est efficace: la jeune femme est épargnée.

Quant au fils rebelle, il revient bien vite à la raison.

Parti avec son père à la suite de Lancelot, il entend le moine raconter le miracle accompli par celui-ci au cimetière : aussitôt, en accord avec son père, il reconnaît la supériorité de son adversaire et renonce à le suivre : Puisque vous le voulez, faisons demi-tour. (V. 1995).' La soumission du jeune homme s'accomplit dans le désir de satisfaire la volonté de son père. Les vavasseurs et leurs fils : un modèle familial Le désir de plaire à leur père caractérise les fils du vavasseur qui offre l'hospitalité à Lancelot.

L'.un d'eux s'empresse d'aller préparer la maison pour accueillir leur hôte: il obéit à son père « avec plaisir et dans la joie» (v.

2040).

Ses frères et sœurs entourent Lancelot de nombreux égards, par complaisance pour leur père : tous savaient bien que leur père voulait les voir agir ainsi. (v.

2064-2065). La vie de la maison s'organise autour du chef de famille.

Celuici apparaît comme le garant de l'harmonie entre les jeunes et leurs aînés.

La même atmosphère de paix et de solidarité se dégage aussi d'une autre famille « bien éduquée» (v.

2544) qui invite Lancelot à sa table. A travers ces exemples, Chrétien de Troyes semble vouloir nous suggérer un idéal, en contrepoint du conflit qui oppose Bademagu et Méléagant. Bademagu et Méléagant : la rupture Bademagu et Méléagant sont unis par le sang royal : leur première apparition commune se situe en haut d'une tour. Celle-ci symbolise, au Moyen Age, la puissance politique. Ce décor les présente donc respectivement comme le roi et le prince héritier. Or Méléagant est un fils rebelle, qui refuse de se soumettre à l'autorité de son père.

Leur antagonisme a pour objet la reine Guenièvre.

Bademagu interdit à son fils de la posséder« charnellement» (v.

3363-3367), et lui ordonne de la rendre à Lancelot sans combat (v.

3201-3205): s'il a obtenu gain de cause sur le premier point, sa seconde exigence se , heurte à un refus catégorique. L'opposition du père et du fils s'exprime à travers de violentes disputes (v.

3185-3302, v.

3423-3476, v.

3818-3874, v.

5026-5043, v.

6255-6374).

Par le recours à l'apostrophe (« mon fils», v.

3187, 3234, 3428, 6264, 6304, 6327) et par le tutoiement, Bademagu exprime à la fois sa supériorité et sa tendresse. Car le père ne se réduit pas à une présence sévère.

Il «souffre» (v.

3248) de voir son fils sombrer dans l'erreur; il « a le cœur triste et saisi de pitié » (v.

3760) quand, dans le combat, Lancelot malmène Méléagant.

Pour aider celui-ci, Bademagu multiplie les conseils, lui « fait la leçon» (v.

3186) et cherche à le « raisonner» (v.

3875).

Dans ses avertissements (nommés « chastiements » en ancien français, où le mot n'avait pas encore acquis le sens actuel de châtiment), Bademagu fait preuve d'une grande habileté.

Il connaît la fierté de son fils, « le fond de [son] cœur » (v.

6356), et sait flatter son amour-propre.

Ainsi, dans le second affrontement qui l'oppose à Lancelot, Méléagant, pourtant acharné, consent à lâcher son adversaire sur l'invitation de Bademagu.

Car le roi suggère à son fils de se réserver pour le combat prévu devant la cour d'Arthur, où il trouvera l'occasion d'une plus grande gloire (v.

5035-5040). Mais leur opposition est trop grande pour que puisse s'édifier une réconciliation durable.

Bien souvent, leur discussion se solde par un échec, et Bademagu renonce à poursuivre d'inutiles efforts (v.

3297).

Leur dernière querelle s'achève sur un double reniement : Méléagant renie son père (v.

6346-6348) ; à son tour, Bademagu « se tait» (v.

6374), abandonnant le rebelle à sa faute et à sa mort expiatoire.

Car Bademagu n'est pas seulement un père, mais aussi un roi ; il sait que la raison du cœur doit parfois se taire devant de plus hautes valeurs. LA FILIATION SYMBOLIQUE La filiation vassalique La cour royale apparaît comme une famille unie par les liens du seNice féodal : les vassaux doivent respect et obéissance au roi, leur suzerain; en échange, le roi les assure de son amour et de sa protection.

C'est à la cour d'Arthur que se manifeste le plus clairement cette filiation vassalique.

Au début du roman, Chrétien décrit le roi attablé avec ses « compagnons» (v.

35), « un jour de !'Ascension» (v.

30).

Cette fête commémore le moment où le Christ a rejoint son père au ciel.

Elle contribue, symboliquement, à faire des chevaliers présents les fils du roi Arthur.

Mais cette cohésion familiale est menacée par des dissensions internes. • Arthur et Keu : un caprice sévèrement puni Le sénéchal Keu se comporte.... »

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