Littérature et passé culturel On voit des auteurs qui font de très beaux livres pour nous dire qu'il faut se...
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Littérature et passé culturel
On voit des auteurs qui font de très beaux livres pour nous dire qu'il
faut se méfier des lines, les jeter au feu et préférer la vivante Vie, la Vie
mangée crue sans sel et sans poivre, aux illusions pâlies et moroses de la
littérature.
Whitman, Nietzsche, Gide, D.- H.
Lawrence se sont assis à
une table pour nous dire qu'il était très malsain de rester assis à une
table, et ils ont fait imprimer d'éloquentes déclamations contre les hom
mes qui se nourrissent d'imprimés au lieu de se nourrir de chair fraîche.
Les gens dont le plaisir et le métier est de faire de la littérature nous
expliquent parfois, très gravement, qu'il y a une chose dont ils ont hor
reur par-dessus tout, c'est la littérature.
Le papier souffre tout, et notam
ment qu'on dise du mal du papier.
Mais il y a quelque chose d'un peu
comique dans ces écrits qui prétendent nous dégoûter des écrits, comme
dans les systèmes savamment abstraits qui veulent nous démontrer que
toute abstraction est mensongère.
Pourtant on n'a pas envie de sourire
quand Pascal oppose aux artifices de la rhétorique ce qu'il nomme « le
style naturel : on est tout étonné et ravi, car on s'attendait de voir un
auteur, et on trouve un homme ».
La culture n'est véritable que lorsqu'elle
permet de « trouver un homme», que lorsqu'elle est un des moyens d'éta
blir la communication.
Certains voudraient que celle-ci ne puisse s'établir
qu'avec ceux qui sont les habitants d'un même temps.
Ils affirment volon
tiers leur ennui des classiques, leur dédain des précurseurs, et leur igno
rance des émules.
Ils se veulent intacts, vierges, toujours à eux-mêmes
naissant, préservés d'influences, originels, originaux.
Ils entretiennent ja
lousement en eux le culte attentif de la table rase.
Ils ne veulent rien
devoir à personne.
Comme les frileux ont peur des courants d'air, ils
craignent les courants d'esprit, les précédents ou les parallèles.
Ils vivent
dans l'appréhension d'une contagion qui menacerait leur personnalité,
d'une irruption d'autrui qui les contaminerait.
Ceux-là ne relisent pas.
Ils
ne lisent pas non plus.
Ils ne consentent à se servir de la table de multipli
cation que s'ils l'ont d'abord inventée.
C'est une étrange folie.
Le com
merce suivi de quelques vivants que je crois proches du génie (et probable
ment plus que proches)....
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