L'illustration du Décaméron a tenté plus d'un artiste. Ci-dessus, l'une des quatre peintures de Botticelli, illustrant La Chasse infernale (Cinquième...
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L'illustration du Décaméron a tenté plus d'un artiste.
Ci-dessus, l'une des quatre peintures de Botticelli, illustrant La Chasse infernale
(Cinquième Journée, 8), histoire de la vision terrifiante qu'eut un jeune homme de Ravenne, Nastagio degli Honesti, et qu'il fit partager à la
demoiselle insensible qu'il aimait : le châtiment éternel d'une amante infidèle, condamnée à être pourchassée et tuée par son amant et à
voir son cœur dévoré par des chiens affamés.
Effrayée, /'insensible jeune fille céda à Nastagio et, nous dit Boccace, " la frayeur ébranla à
tel point toutes les femmes de Ravenne, qu'elles furent plus dociles que par le passé aux plaisirs des hommes ».
854 LA NOUVELLE ET LE ROMAN EN ITALIE
854.1 - BOCCACE.
A - Avant Boccace : les débuts
de la littérature en prose.
a) Le XIIIe siècle.
Lorsque débute l"histoire de la littérature italienne, la
prose, c'est-à-dire la langue écrite non mesurée, qu'elle
soit « prose vulgaire » ou « prose d'art » (littéraire) ne
sert qu'à la compilation et à la vulgarisation des œuvres
latines et françaises.
• En latin : traités de théologie et de philosophie
(saint Thomas d'Aquin, saint Bonaventure), traités de
rhétorique (Guido Faba), chroniques, vies de saints
(comme La Legenda aurea, Légende dorée, de Iacopo
da Varazze dit Jacques de Voragine, 1228 ?-1298),
textes scientifiques et juridiques, etc.
siècle : Le Livre des sept sages (Libro dei Sette Savi;
quinze récits d'origine orientale - indienne - traduits
du français), Les Contes des anciens chevaliers (Conti
di antichi cavalieri) et le recueil de nouvelles intitulé
Il Nove/lino qui contient cent récits (d'origine floren
tine et gibeline) d'inspiration variée (biblique, mytho
logique, orientale, classique, locale, médiévale, etc.),
replacés dans l'ambiance de l'époque (troubadours,
courtisans, marchands, « barons », etc.).
nais Tommaso Gorradini.
Le Livre de la composition
du monde (libro della composizione del monda), de
Ristoro d'Arezzo, Le Livre des vices et des vertus
(libro dei vizi e delle virtù) de Bono Giamboni, La
Fleur de la Rhétorique (Fiore di retorica), de Guidotto
de Bologne.
• La prose littéraire, c'est-à-dire utilisant les
modèles - encore mal connus - de la rhétorique
latine (phrase rythmée, figures, jeux de mots, etc.),
apparait dans les Lettres de Guittone d'Arezzo (12251294 ; voir ci-dessus, 852.1, B, c), les récits semi
romanesques (Fatti di Cesare, les Actes de César;
Tristan; Historiette troyenne, etc.), la chronique flo
rentine de Ricordano Malispini (1220?-1285? :
Storia fiorentina).
Il faut isoler les contes et nouvelles
que les copistes ont recueillis, anonymement, au XIII•
b) Le XIV• siècle avant Boccace.
• Dante Alighieri a contribué aux progrès de la
prose d'art dans les commentaires qui accompagnent
les poésies de La Vita Nuova.
C'est une prose littéraire,
où l'on retrouve les rythmes, les allitérations, les jeux
de mots que Guittone et Guido Faba avaient introduits
- à partir du latin - au siècle passé.
Mais c'est aussi
une prose lyrique empreinte d'une certaine solennité
religieuse et de gravité, dans laquelle le poète tente
d'expliquer le sens de son amour pour Béatrice.
Néan
moins c'est la langue poétique (celle du dolce stil
nuovo) qui reste, même au temps de Dante, le moyen
littéraire par excellence pour décrire et analyser les
sentiments, évoquer des ambiances et des climats.
La prose du Banquet (Il Convivio) ignore ces arti
fices médiévaux.
C'est une prose « vulgaire », person
nelle, à laquelle Dante imprime un élan original : pour
la première fois dans l'histoire de la littérature italienne,
un écrivain utilise la langue parlée, la langue de tous les
jours, pour exposer, dans un ordre logique et pertinent,
des idées.
• En français (langue d'oil) : La Cronique des
Véniciens par Martino da Canale (vers 1275), Le
Régime du corps, compilation médicale d'Aldobran
dino da Siena (vers 1256), et surtout le récit que fit le
voyageur vénitien Marco Polo (1254-1324) de ses
voyages en Asie (il est resté dix-sept ans à la cour
de Koubilaï khan, grand khan des Mongols, voir
958.1, B, b).
Revenu de Chine, Marco Polo, surnommé
Il Milione, « le Million » à cause des richesses qu'il
avait rapportées de ses pérégrinations, a dicté ce récit
à Rustichello (Rusticien de Pise), lors de sa captivité
chez les Génois en 1298.
Rustichello écrivit ainsi, en
langue d'oil mitigée d'italien, le Livre auquel les pre
miers copistes donnèrent comme titre Le devisement
dou monde de messer March Pol de Venece.
Par la
suite ce texte a connu plusieurs versions (latine, fran
çaise, italienne) et n'a été reconstitué dans sa version
primitive que de nos jours.
• En italien vulgaire : compilations et textes de
vulgarisation ayant trait à la morale ou à la rhétorique.
Citons : les Fiore di virtù (Fleurs de la vertu) du Bolo-
• Les contemporains de Dante n'ont pas
atteint ce niveau.
Ils perfectionnent cependant la
prose vulgaire et l'utilisent pour traduire les classiques :
L 'Énéide, par Ciampolo degli Ugurgieri, Les Métamor
phases d'Ovide par Arrigo Simintendi, les scènes his
u toriques de Salluste par le dominicain Bartolomeo da
San Condordio (t 1347), et de Tite-Live (traduction
qui conduit à la prose de Boccace).
.
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]
).
Premières œuvres.
- 1340-1345 · Retour à Florence.
- 1345-1348 • Ravenne.
• Forli.
• Naples.
Retour à Florence.
- 1350 · Boccace reçoit Pétrarque à Florence; c·est le début
d'une longue amitié.
Pétrarque l'orientera vers l'humanisme.
- 1350-1355 • Composition du Déceméron.
- 1354-1355 • Boccace s'absorbe dans l'étude des classiques
(surtout grecs).
Il s'intéresse moins aux femmes et à l'amour.
davantage aux études humanistes et à la religion.
- 1373 · Boccace.
qui consacre toujours son temps à l'étude
de Dante et des classiques {il découvre les Histoires de Tacite à
!'Abbaye du Mont-Cassin), est chargé de lecture publique de
la Commedia à Florence.
- 21 d6c.
1375 • Mort (après une vieillesse solitaire et
pauvre) , à Certaldo.
b) L'œuvre.
• Œuvres de jeunesse.
- Le Philocole (Il Filocolo), composé à
Naples entre 1326 et 1340.
est une reprise en prose
du roman français Flaire et Blancheflor.
- Le Philostrate (Il Filostrato) est un poème
qui conte la passion malheureuse de Troile, fils de
Priam, pour l'infidèle Criseida; Shakespeare reprendra
le même sujet dans Troilus et Cressida (voir 823.2).
L'histoire personnelle de Boccace avec Fiammetta
transparait.
- La Théséide (Teseida), composée en 133940, est un mélange de poésie épique et de poésie
· amoureuse.
- Le Ninfale d'Ameto est une nouvelle en
prose.
C'est une fable pastorale qui annonce la structure
du Décaméron: le berger Ameto.
amoureux de la nymphe
Lia qu'il a aperçue au bain, écoute, le jour de la fête de
Vénus, sept contes galants dits par sept nymphes (qui sym
bolisent les trois vertus théologales et les quatre vertus
cardinales).
A la fin des récits, la voix de Vénus (sym
bole de Dieu) invite les nymphes à transfigurer Ameto,
dépouillé de ses vêtements, en l'immergeant dans un
bain sacré; il en ressort un nouvel homme, non plus
rustre et ignorant, mais brûlant d'un nouvel amour.
- L 'tlégie de Madame Fiammetta (Elegia di
Madonna Fiammetta, vers 1343) est aussi un roman
en prose, écrit à la première personne par l'héroïne,
Fiammetta, qui conte avec nostalgie l'histoire de son
amour pour le jeune Panfilo, son désespoir lorsque
celui-ci la quitte pour retourner à Florence où il l'oublie
dans les bras d'une autre, sa joie lorsqu'il revient vers
elle, après sa tentative de suicide.
Il y a évidemment,
une part d'autobiographie dans ce roman (une auto
biographie corrigée: dans la réalité, c'est Maria d'Aquino
qui a abandonné Boccace, à Naples; ici, les rôles sont
renversés); mais elle est minime.
L'humanisme triomphe
et la psychologie amoureuse, subtile, attentive à tous
les actes.
tous les comportements, toutes les paroles du
bien-aimé, disparait parfois sous les réminiscences
littéraires.
- Le Nymphée de Fiesole (Il Ninfale fiesolano,
vers 1345) est la plus réussie des œuvres de Boccace
antérieures au Décaméron.
Pour nous.
lecteurs du
XXe siècle, habitués depuis James Joyce (voir 826.1)
à découvrir sous les récits les plus réalistes toute une
stratigraphie de significations, ce poème rend un son
moderne.
On y trouve le récit des amours du berger
Africo et de la nymphe Mensola, consacrée au culte de
Diane qu'il séduit; mais Mensola disparait et Africo,
désespéré, se jette dans une rivière qui porte mainte
nant son nom (l'Africo, en Toscane).
Quant à Mensola,
elle met au monde un petit garçon.
Pruneo, mais,
maudite par Diane, elle se noie, elle aussi, dans une
rivière à laquelle son nom a été donné · (la Mensola,
toujours en Toscane).
Pruneo devient le ministre
d'Atalante, fondateur de Fiesole, qui délie les nymphes
de leur vœu de chasteté et répand sur la Toscane les
bienfaits d'une civilisation nouvelle.
Ainsi sont conden
sés en un seul poème les trois thèmes de l'amour
interdit, de l'explication mythologico-géographique et
des origines de la civilisation toscane.
• Le Décaméron.
Voir ci-dessous, C.
• Œuvres d'érudition et humanistes.
Le tour
nant de l'œuvre de Boccace est la violente satire contre
les femmes intitulée Le Songe ou encore Le Laby
rinthe d'amour (Il Corbaccio, 1354-55).
Égaré dans
ce labyrinthe, Boccace rencontre un esprit : c'est un
vieillard grand et maigre, « au poil blanc, sec.
nerveux,
vêtu d'un long et ample manteau de couleur rouge »,
mari défunt d'une veuve facilement consolable et qui
vient de tromper.
précisément, le poète.
Dans la bouche
de ce spectre.
Boccace va placer les pires invectives
contre la gent féminine qu'il a tant aimée.
C'est un
véritable traité de misogynie (// Corbaccio c'est le
« sale corbeau », qui se repait de charognes, dont il
dévore d'abord les yeux et la cervelle : ainsi fait l'Amour
avec les hommes), bien dans le ton des humanistes
(voyez plus tard les invectives d'Érasme et de Rabelais
contre les femmes).
Boccace, par Andrea del Castagno.
Boccace humaniste est l'auteur d'écrits en latin
et notamment d'un remarquable traité de mythologie
classique : De la généalogie des dieux (De genealogiis
deorum gentilium.
1350-1360), dans lequel non seule
ment il se livre à une savante critique philologique,
mais encore entreprend une interprétation des mythes,
y découvrant - selon une tradition qui remonte au ·
Moyen Age - un sens littéral► un sens allégorique et
moral, un sens anagogique et chrétien.
Boccace, érudit moderne, fut le commentateur de
Dante (Trattatel/o in laude di Dante, 1357-1362); il
a tenté d'écrire une biographie spirituelle de l'auteur
de La Commedia.
C - Le Décaméron.
a) Structure.
Le Décaméron (Il Decameron; titre donné à son
œuvre par Boccace lui-même) a été composé aux alen
tours de 1350.
C'est une œuvre de la maturité: l'auteur
avait eu 35 ans en 1348.
Le mot « décaméron » signifie
« les dix journées» (deca = dix et hêmera = journée) :
cela nous amène à considérer le cadre de ce recueil
de contes.
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Le cloitre de Santa Maria Novella, près de Florence, où Boccace aurait écrit le Décaméron.
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• Nous sommes transportés, dès l'introduction.
dans les environs de Florence, en 1348, au cours de
l'épidémie de peste.
Celle-ci est décrite en quelques
pages avec un réalisme et une précision exceptionriels,
témoignant d'un sens prodigieux de l'observation
psychologique et sociale.
Un groupe de jeunes gens sept femmes et trois hommes - se sont réfugiés dans
une maison de campagne et décident de vivre « d'un
cœur léger».
Ainsi vont s'écouler dix journées, au cours
desquelles chacun racontera une histoire.
• Le Décaméron est donc divisé en dix journées,
correspondant à dix fois dix contes, selon la répartition
suivante :
Première journée.
Reine :
Pampinea (« la Florissante»);
jeune femme sage et sOre
d'elle qui a pris l'initiative de
cette partie de campagne et
de plaisir.
« Je désire que chacun
parle librement de ce qui lui
plait le plus.
»
Dt1uxiilme journée.
Reine :
Filomena; caractère voisin de
celui de Pampinea.
« De ceux qui, victimes de
divers tourments, parviennent
cependant, au-delà de tout
espoir à une conclusion
heureuse.
»
Troisième journée.
Reine ;
Neifile; jeune, ardente et in•
génument lascive.
« De ceux qui retrouvent,
par habileté, les choses qu'ils
ont intensément désirées....
»
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