L'homme manipulé De même que les images estompent notre savoir, leur multiplication et leur précision engendrent la confusion de nos...
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L'homme manipulé
De même que les images estompent notre savoir, leur multiplication et
leur précision engendrent la confusion de nos vouloirs et de nos .
désirs.
Les techniques perfectionnées du commerce ne permettent-elles pas aux
fabricants de connaître mieux que nous nos aspirations? Les notions de
désir et de fonction sont entachées d'ambiguïté.
Le public souhaite-t-il
vraiment des ailerons sur les nouveaux modèles d'automobiles? Si les aile
rons satisfont un désir du public, ne sont-ils pas en quelque manière fonc
tionnels? Dans un système économique en pleine expansion, dont les produits
sont de moins en moins de première nécessité, nos désirs deviennent de
plus en plus confus.
Dès lors, nous lisons les réclames pour préciser ou pour accroître nos
désirs.
Nous sommes toujours prêts (sinon emptessés) à découvrir, dans
l'annonce d'un produit nouveau, ce que nous avons toujours souhaité
inconsciemment.
[...
]
Un symptôme de cette confusion entre nos désirs et nos inventions, due
à l'importance des images, est l'intérêt accru qu'on porte à l'opinion
publique, et surtout aux enquêtes d'opinion publique ...
Le péril le plus
menaçant des sondages vient de leur exactitude et non pas de leur impré
cision.
Si cette pratique devient assez scientifique pour prévoir avec justesse
les opinions qui sortiront de l'urne, elle perdra du même coup son intérêt.
Et du même coup aussi, le vote lui-même devient superflu.
Les partisans
de ces sondages, comme Gallup, les déclarent précieux - voire essentiels parce qu'ils définissent notre gouvernement représentatif comme : « Celui
qui représente l'opinion moyenne de l'humanité ».
Le vaste problème qu'illustre la naissanèe de l'intérêt pour l'opinion
publique et pour ses votes, c'est celui de l'avènement des images et de
leur puissance sur nos façons de nous considérer nous-mêmes.
Nous exagé
rons ce que nous attendons du pouvoir qu'ont ces consultations de nous
prédire nos propres décisions.
Plus les enquêteurs nous convainquent de
leur possibilité de nous offrir une image de nos croyances réelles ou de nos
choix futurs, plus confuse devient la notion de ce que nous préférons réelle
ment en tant qu'électeurs.
C'est ainsi que se créent certaines de nos notions les plus confuses, à
partir des images les plus précisément fabriquées.
A l'instar du monde des
nouvelles où le rôle de l'acteur et celui du reporter sont de plus en plus
interchangeables ( dans les conférences de presse, les nouvelles préfabri
quées), ainsi le fabricant et le consommateur voient leurs fonctions emmêlées,
il en va de même pour le chef politique et ses partisans, pour l'homme
d'État et le citoyen.
Désormais le consommateur peut consulter les réclames
pour voir ce qu'il désire « vraiment »; les fabricants les plus sérieux ne
cc sortent » que des produits dont ils sont convaincus que le consommateur
a réellement besoin.
Ainsi le citoyen peut-il s'observer lui-même dans le
miroir des sondages d'opinion.
Ayant donné son point de vue en tant
que représentant de l'opinion publique, il peut alors lire les résultats et y
découvrir ce qu'il pense.
Les enquêtes devenant de plus en plus scienti
fiques et détaillées {par groupes professionnels ou religieux, par catégories
de revenus, par circonscriptions administratives) le citoyen peut partir à
la découverte de lui-même (et des opinions qu'il « devrait » professer, ou
qu'il est vraisemblable qu'il professe) à travers les idées qui se révèlent....
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