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Les tragédies modernes 1 - TRADITION ET MODERNITÉ • Les temps tragiques Le siècle des «Lumières», de Voltaire, de I'Encyclopédie,...

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« Les tragédies modernes 1 - TRADITION ET MODERNITÉ • Les temps tragiques Le siècle des «Lumières», de Voltaire, de I'Encyclopédie, de la Raison philosophique avait parié pour le bonheur des hommes, à forger ici bas, et le progrès, son indissociable auxiliaire.

Le XIX' siècle, héritier des Lumières et de la Révolution, s'était voulu, lui aussi, optimiste et progressiste, avec ses bourgeois prosaïques et affairistes, avec ses utopies et ses doctrines humanitaires. Mais les nombreux bouleversements historiques - six révolutions ou changements de régime dans la France de l'époque! -, les guerres entre nations, la lutte des classes, qu'on appelait alors la «question sociale», les tares et les cruautés de l_a société indus­ trielle (paupérisme, esclavagisme moderne ...), les pessimismes ou nihilismes indéracinables, réactivés même (le «mal du siècle» romantique, le «spleen» baudelairien) montraient à l'évidence que le tragique continuait à couver sous la cendre, que les vieilles fatalités savaient s'adapter à la modernité. La cruauté des temps modernes, loin de s'atténuer au XX• siècle, semble flamber plus haut que jamais.

Les deux grandes guerres mondiales, des barbaries et des crimes sans précé­ dent (génocides, camps de concentration), des systèmes totali­ taires et des idéologies démoniaques (nazisme, stalinisme ...

), les divagations et les périls de la science (la bombe atomique par exemple), les maladies mortelles toujours renaissantes, la déshumanisation des rapports entre les individus, tous ces fléaux terrifiants, tous ces monstres menaçants, tous ces orages et ces déchaînements de !'Histoire ont si bien contredit les humanismes et les optimismes passés qu'on assiste à un «retour du tragique" (Jean-Marie Domenach), à la réapparition d'une conscience tragique.

L'absurde, ou le sentiment de l'ab­ surde, se révèle la clé de ce siècle de fer, et « dans l'homme moderne, contradictoire, déchiré, désormais conscient de l'ambi­ guïté de l'homme et de son histoire" Camus n'hésite pas à reconnaître • l'homme tragique par excellence•.

Certes l'on n'écrira plus de ,tragédies ..

, mais tout un théâtre tragique, tout un tragique hors tragédie vont reprendre les vieilles interroga­ tions, les éternelles questions sans réponses: Fatalité ou liberté? Misère ou grandeur de l'homme, etc.

Dans un théâtre nouveau, volontiers iconoclaste, se retrouveront les principales couleurs de la palette tragique: la splendeur mythique, les fastes de la poésie ou de la cérémonie, les paroxysmes de la cruauté, et même l'esthétique ou plutôt la dramaturgie clas­ sique. Les drames mythologiques On constate au XX• siècle un retour des mythes antiques au théâtre, sans parler des mises en scè�e modernes des chefs­ d'œuvre de !'Antiquité.

Le mythe d'Œdipe est traité à la fois par Gide (Œdipe, 1931), qui l'utilise pour débattre de la liberté et de la prédestination, et par Cocteau, qui donne une image surréa­ liste de la fatalité dans La Machine infernale (1934).

Anouilh s'intéresse à la fille d'Œdipe (Antigone, 1944) qu'il transforme en figure emblématique de la Résistance à l'occupant allemand. L'Électre (1937) de Giraudoux est conçue comme un drame de la justice et de la pureté; et Les Mouches (1943) de Sartre font d'Oreste le porte-parole de la philosophie «existentialiste" (l'homme est «condamné à être libre ..

).

Les figures mythiques de Prométhée, Orphée, Thésée ou Médée reprennent aussi du ser­ vice sous la plume des nouveaux dramaturges.

Giraudoux va même jusqu'à faire revivre tous les protagonistes d'Homère dans La guerre de Troie n'aura pas fieu (1935) pour dénoncer la montée des périls dans l'entre-deux-guerres. Dans ce théâtre à thèse les vieux mythes sont prétextes à des variations humoristiques ou ironiques, remplies souvent d'ana­ chronismes savoureux, sortes de paraboles destinées, selon les mots de Gide, davantage à «faire réfléchir" qu'à «faire frémir ou pleurer ...

Au-delà de l'adaptation au monde moderne, le fond du débat reste l'énigme de la condition humaine, sa marge de liberté ou son lot de malheur. • La tentation du classicisme En plein XX• siècle Montherlant ne répugne pas à écrire des tra­ gédies classiques (La Reine morte, 1942; Le Maître de Santiago, 1947; Port-Royal, 1954), drames historiques et chrétiens, dont la langue cérémonieuse oscille entre la rhétorique classique et le lyrisme aussi bien antique que romantique.

Ce moderne se réclame ouvertement de la simplicité racinienne: «J'ai été charmé, dit-il dans la Préface de sa première œuvre, de fabriquer une pièce qui n'existait que par son action intérieure; d'éprouver si elle se suffirait de ne comporter rien qui ne fût nécessaire à cette action; de la faire simple et presque décharnée...

» D'autres dramaturges, même s'ils se veulent résolument nova­ teurs, n'en appliquent pas moins les recettes de la dramaturgie classique, privilégiant en particulier des espaces forgés avec la règle des trois unités.

Dans Huis clos (1944) Sartre emprisonne trois personnages dans une étrange chambre d'hôtel: ce sont des morts, accueillis en enfer, pour s'y déchirer...

à perpétuité! Chacun prisonnier, selon la célèbre formule, du regard des autres.

Le carcan dramaturgique est tout aussi impitoyable dans Le Malentendu (1944) de Camus, drame de l'homme exilé dans un monde qu'il ne comprend pas et au sein duquel il se sent «étranger ...

Ionesco, l'un des grands du «théâtre de l'absurde" (Martin Esslin), donne avec Le Roi se meurt (1962) une tragédie quasi classique, malgré le mélange des tons.

Le flamboyant et lyrique Genet retrouve, lui aussi, le secret des trois unités, voire la «pompe" de l'ancienne tragédie, dans ces autres huis clos meurtriers que sont Les Bonnes (1947) et Haute Survei llance (1949); du même, Le Balcon (1957) enferme toute une société dans une étrange maison close pour une cérémonie à la fois bur- lesque et funèbre.

Quant à Claudel, malgré sa foi, catholique, en la Providence et la Rédemption, qui le pousse à exorciser le tra­ gique, malgré sa dramaturgie qui rompt délibérément avec le théâtre traditionnel (indifférence totale par exemple à l'unité de lieu et à celle de temps), il ne conçoit pas autrement ses pièces que comme de véritables liturgies, parées des splendeurs d'un verbe incantatoire (ainsi dans le Soulier de satin, 1943).

Une tri­ logie, écrite de 1908 à 1916, L'Otage, Le Pain dur, Le Père humi­ lié, se situe dans le droit fil du théâtre d'Eschyle, dont Claudel.... »

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