Les sentiments moraux. — Le Devoir, la Valeur et le Bien.
Publié le 12/11/2016
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I. — LES SENTIMENTS MORAUX.
Les sentiments moraux sont associés à des représentations, à des idées, voire à des théories. Sans doute, au point de départ on trouvera toujours une forme confuse, non encore éclairée par la pensée réfléchie. Ces sentiments sont alors plutôt sentis que représentés (cf. G. Belot, lect). Il est donc difficile de les définir, puisque, pour ainsi dire, ils sont... ce qu'ils deviennent. L’homme, à mesure qu'il est une « personne », veut se comprendre lui-même. Et, en s’interprétant, il se transforme, il se crée. Cela est vrai non seulement de la personne, mais aussi du groupe : en tant que la collectivité se pense elle-même, sous un certain aspect, elle tend à se réaliser telle qu’elle se conçoit. C’est à cet ensemble de phénomènes psycho-sociaux que notre bon maître Gustave Belot donnait le nom de récurrence ».
Les sentiments dont il s’agit ici ont donc un caractère social. Ils se communiquent par une sorte de contagion imitative. Mais à mesure que l’intervention de l’intelligence s'y accentue, le véhicule idéologique aide à leur diffusion.
Le sentiment social serait, selon Aug. CoMTE, une extension du sentiment familial. D’autres auteurs voient son origine dans un
instinct de sympathie ; et même, ils soutiennent que sentiment familial et sentiment social seraient antagonistes.
Le sentiment de sympathie se constate déjà, nous l'avons vu, chez l’Animal. Mais le sentiment social n'existe au sens fort que si la sympathie, au lieu de se borner à des rapports inter-individuels, s’étend à un vaste ensemble. Ici, intervient un nouveau facteur : en effet, la collectivité ne peut être embrassée directement par la pensée ; elle sera donc saisie symboliquement (drapeau, etc.). Mais cela s’intellectualise et se spiritualise dans la conscience du sujet, à mesure qu’il se cultive et réfléchit.
Le rapport entre le sentiment social et le sentiment moral est étroit. Le sentiment moral ne se manifeste guère, en effet, que dans les rapports sociaux. Mais le sentiment social n’implique que la communication des consciences, tandis que le sentiment moral suppose une
«
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PHILOSOPHIE MORALE
détermin ation de la volonté tendue vers le Bien.
Si les sentiments
moraux n'avaient pas leur • germe » dans les tendances naturelles, il
serait lnalaisé d'en expliquer l'apparition .
La sympathie sociale est un
rudiment du vouloir moral.
Si l'on se demande quel put être, au cours des siècles, le rapport
entre le sentiment moral et le sentiment religieux, on soutiendrait
volontiers avec DuRKHEIM qu'ils ont été fondus l'un dans l'autre,
primitiv ement.
Il n'en est pas moins vrai que les deux fonctions
(fonc tion morale et fonction religieuse) sont, en droit, séparables.
Admettant que, au début de la vie, les sentiments moraux ne sont,
chez le jeune sujet, que la traduct ion d'impératifs qui lui sont comme
extéri eurs, nous pouvons penser que, plus la personne se précise et se
con solide, plus la moralité est sentie non comme obéissance, mais
comme liberté.
Le sentiment de la dignité personnelle consiste précisément dans la
conscience que prend le sujet d'avoir une valeur propre, indépen
damment du groupe social.
Sans se détacher de la communau té, il se
sent des devoirs envers lui-même .
Il cherche à mériter sa propre
estime .
II .
- LE DEVO IR.
Le concept de devoir est d'un usage si courant que l'on oublie
parfois de l'analyser.
G.
BEL OT (cf.
lect.) y a distingué très utilement
deux notions, deux problèmes : ré gulation et motivati on.
La régulation est surtout sociale, objective, théorique, imper sonnelle ;
tand is que la motivation est surtout psyc hologique, individuelle,
pédagogique et pratique (ce demier mot indiquant l'action).
Ce sont là deux notions différentes, bien qu'elles soient complé
ment aires.
Indépend amment -et sans contradiction avec d'autres motifs
{religieux, sentimentaux, etc.) -G.
Belot préconise de réaliser
psychologiquement ce qu'il appelle un motif « vrai •, élémentaire ,
très simple : à savoir l'intelligence des raisons qui motivent la règle.
L'évolution de la morale s'est faite en tenant compte précisément
de la motivation logique.
Au point que des prescriptions religieuses
qui ne sont plus comprises tombent en désuétud e.
On trouverait
fa cilement dans la Bible (Deutértmome) des commandements dont aucun
chrétien ne se soucie depuis longtemps, à supposer qu'il en connai sse
l'e xistence.
(Ex.
: chap .
XIV, 6.
• Vous mangerez, d'entre les bêtes,
de toutes celles qui ont l'ongle divisé, qui ont le pied fourchu et qui
ruminent ...
Vous ne mangerez pas l'aigle, le faucon , la chauve -souris,
etc.
Suit une longue énumér ation ; ...
Chap.
XV, 19 : Tu ne laboureras
pas avec le premier-né de ta vache ; chap.
XII, 9 : Tu ne planteras
pas ta vigne de diverses sortes de plants ; ibid.
10 : Tu ne laboureras
pas avec un bœuf et un âne attelés à la même charrue ; ibid.
II :.
»
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