Les mutations des relations internationales entre 1890 et 1945.
Publié le 03/03/2014
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évidemment la fin de l'Entente. Pour les grandes puissances, la tentation est donc grande de lier tous les problèmes, d'aboutir à des réglements globaux au travers d'un marchandage hétéroclite[7]: cela marche pour lerapprochement franco-britannique, puis russo-britannique; mais le processus est si complexe que l'échec est fréquent.
Et, du coup, la solution des questions plus limitées est retardée.
C/ Naissance de la solidarité internationale
Simultanément apparaissent pourtant les premières organisations authentiquement internationales, concentrées sur la recherche de la paix, et qui annoncent l'avenir; certaines subsistentd'ailleurs.
Ainsi, en 1885, est constituée une Union Interparlementaire, où dialoguent les députés.
En 1892, à Berne, est créé un Bureau International de la Paix.
En 1899, puis en 1907 seréunissent deux Conférences de la Paix, à La Haye (Pays-Bas), qui débouchent en particulier sur une Cour de Justice Internationale chargée d'arbitrer les contentieux (en particulierterritoriaux) entre États.
Lors de la montée des tensions internationales, à partir de 1905, la IIe Internationale (socialiste, fondée en 1889) tente d'opposer principes (solidaritétransfrontière des travailleurs) autant que stratégie (propagande pacifiste, grève générale en cas de conflit) au danger de guerre. Intellectuellement, le terrain est préparé par des intellectuels et hommes politiques de renom, qui se situent souvent dans la tradition du philosophe allemand Immanuel Kant (1724-1804),dont le traité Sur la paix perpétuelle (1795) préconise gouvernement républicain, droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, fédéralisme, mise hors-la-loi des politiques d'agression etdésarmement concerté comme voies de la pacification universelle.
Dès 1867, Victor Hugo et Giuseppe Garibaldi fondent la revue États-Unis d'Europe, qui survit jusqu'en 1888.
En 1878se réunit un forum sur une possible Fédération européenne, à l'initiative de Britanniques.
En 1889, le Premier Congrès pacifiste international se réunit en Grande-Bretagne.
D/ Les premiers pas du droit humanitaire
La période est marquée par la peur de la guerre.
Si personne n'avait imaginé qu'un conflit paneuropéen puisse durer plus de quatre années, on avait prévu qu'il serait terriblementmeurtrier.
Cette certitude provient du caractère dévastateur des dernières grandes guerres livrées dans des pays industrialisés: conflit franco-prussien de 1870-71, et plus encore guerrede Sécession (1861-65), responsable de 500 000 victimes — plus que toutes celles de toutes les guerres réunies que livrèrent les États-Unis.
On attribuait cette cruauté audéveloppement de la puissance de feu.
Or celle-ci, dans les décennies suivantes, avait à l'évidence encore beaucoup progressé. Dans ces conditions, il n'est pas étonnant que les premiers efforts de concertation humanitaire internationale aient porté sur les armements.
En 1868 une conférence réunie par legouvernement russe à Saint-Petersbourg prohiba les balles explosives ou incendiaires; la déclaration finale jetait des principes fondamentaux: "Le seul but légitime dans une guerre estl'affaiblissement de la puissance militaire de l'ennemi (...) Cet objectif n'autorise pas l'usage d'armes qui aggraveraient inutilement les souffrances des blessés, ou rendraient leur mortinévitable (...) Dans ces conditions, l'emploi de ces armes serait contraire aux lois de l'humanité".
Les conférences de La Haye de 1899 et 1907 élargissaient l'interdiction aux "poisons etarmes empoisonnées", ce qui aurait dû empêcher l'utilisation des gaz quelques années après.
La Convention de 1907 prohibait aussi le bombardements de civils sans défense, le pillage"même après l'enlèvement d'une place par assaut", la destruction des biens de l'ennemi, et l'utilisation de la traîtrise pour atteindre l'adversaire. Parallèlement on se préoccupa d'améliorer les soins aux soldats blessés et malades: le Suisse Henri Dunant fonda en 1863 le Comité International de la Croix Rouge, que songouvernement appuya l'année suivante, à Genève, par une conférence internationale.
Il fut alors décidé que personnels et infrastructures médicales devraient être considérés commeneutres dans les conflits.
Des Croix Rouges nationales allaient ensuite essaimer un peu partout, jusqu'au Japon dès 1886, et amélioreront considérablement les soins aux armées encampagne: la guerre russo-japonaise (1904-05) fut probablement la première de l'histoire où l'on ne mourut pas plus de maladie ou de blessures mal soignées que des combats !Simultanément le Comité International, depuis la Suisse neutre, se préoccupait d'améliorer le sort des prisonniers de guerre: inspection des lieux de détention, échange de prisonniers, etde civils des pays opposés internés; acheminement du courrier aux familles, de colis envoyés par elles, et informations sur le sort du prisonnier - ce qui fut capital pour des millions depersonnes. La guerre russo-japonaise fut aussi sans doute la première où une réglementation très stricte définit le statut des prisonniers de guerre.
Le gouvernement japonais l'adoptaunilatéralement: la conférence de La Haye de 1899 avait discuté de la question, mais sans adopter de résolution.
Les principes sont clairs: "Les prisonniers de guerre seront traités avechumanité: on ne les insultera ni ne les brutalisera (...) Hormis quand la discipline militaire l'imposera, ils ne seront soumis à aucune contrainte physique".
Les mesures d'application necontredisent pas ces principes: respect des grades, attribution d'une solde au moins égale aux grades japonais équivalents, droit à la correspondance, possibilité de conserver sesarmes, mais "sans munition", sanctions disciplinaires mais non pénales en cas de tentative d'évasion, et possibilité de libération sur parole.
Le résultat fut probant: sur 70 000 prisonniersrusses, à peine 500 moururent en détention.
La Convention de La Haye d'Octobre 1907 allait faire de principes très semblables une loi internationale, en y ajoutant l'interdiction del'utilisation de prisonniers pour des travaux d'utilité militaire et leur égalité de traitement en tous points avec les troupes du pays.
L'exécution de prisonniers après leur reddition étaitexpressément condamnée.
II — Sécurité collective et droit international : 1914-1933
Ces deux décennies forment une période contrastée.
Elles débutent par les quelque dix millions de victimes de l'atroce Grande Guerre - qui ne vit pourtant pas les principaux belligérantsrenier complètement les principes humanitaires auxquels ils avaient souscrit, en ce qui concerne le respect des civils et des prisonniers de guerre[8].
Elles continuent avec la mise enplace d'un nouvel ordre international fondé sur l'égalité et le rejet de la violence.
Mais la SDN n'a quelque crédibilité que durant une petite quinzaine d'années, et ne parvient pas à réagirlors des remises en cause des traités internationaux par les futures puissances de l'Axe (Allemagne, Italie, Japon), à partir de 1931.
A/ La Grande Guerre: une césure
On n'évoquera pratiquement pas ici les évènements militaires, que l'on espère connus, et qui font l'objet d'innombrables récits.
On se penchera sur les conséquences du conflit pour lamondialisation, telle que nous l'avons vu commencer à se mettre en place.
a) Une guerre accidentelle?
À l'inverse d'une opinion courante, on soulignera l'absence de continuité entre la diplomatie d'avant 1914 et la Première Guerre mondiale: celle-ci, dans sa violence radicale, continue àreprésenter une manière de mystère.
Certes, on sous-estimait la longueur d'un conflit européen, et la dissuasion nucléaire n'existait pas: l'acceptation de la transgression guerrièreapparaissait moins scandaleuse qu'aujourd'hui.
Mais personne n'a vraiment voulu la guerre, ou même accepté clairement l'idée d'y recourir.
Dans une Allemagne qui pourtant joua unrôle funeste fin juillet 1914, quand une partie de l'État-major (dont le fameux général Schlieffen, auteur de la stratégie suivie en 1914) suggère en 1905 une guerre préventive contre laFrance, en profitant de l'affaiblissement momentané de son allié russe battu par le Japon, le chancelier Bülow refuse fermement.
Après la seconde crise marocaine (1911), Jules Cambon(1845-1935), ambassadeur de France à Berlin, croit pouvoir assurer: "Au fond, personne en Europe ne veut la guerre, et l'on cherchera tous les prétextes pour s'y dérober".
Et GuillaumeII, encore en octobre 1913, remarque: "Ni la France ni la Russie ne veulent la guerre." C'est sans doute la pratique de la "diplomatie du bord du gouffre", lors des crises (on fait monter lesenjeux pour gagner davantage), qui fait finalement sauter la machine infernale.
En tout cas le contraste est on ne peut plus frappant avec le processus menant à la Seconde Guerremondiale, dans lequel la volonté guerrière d'Hitler est éclatante.
La diplomatie n'est plus pour lui que l'habillage d'une doctrine d'agression.
La théorisation de la guerre rédemptrice,passage obligé, voire expérience désirable, est au coeur de la vision du monde d'un Hitler, d'un Mussolini, d'un Tojo, et avec quelques nuances (c'est pour lui la guerre civile qui emplitl'horizon) d'un Staline.
b) La fin de la vieille Europe
La guerre signe l'échec des espoirs mis en une réconciliation progressive des Européens au travers des subtilités de la diplomatie secrète, mais aussi par l'entente des acteurséconomiques: banques françaises et allemandes venaient en juin 1914 de conclure un vaste accord pour la mise en valeur commune de l'économie marocaine.
L'affrontement, demanière encore plus irréversible, va marquer la fin de deux caractéristiques séculaires de l'ordre européen: la domination absolue des grands États, et la relative similitude de leurssystèmes politiques aussi bien qu'économiques.
La tendance au fractionnement est particulièrement frappante: les empires les plus fragiles (Autriche-Hongrie, Russie, Turquie)explosent, en donnant naissance à de nombreux nouveaux États à l'est du continent et au Proche-Orient; le Royaume-Uni lui-même devra laisser partir l'Irlande; les territoires cédés parl'Allemagne vont essentiellement à des pays petits ou moyens (Belgique, Danemark et surtout Pologne), même si la France récupère l'Alsace-Moselle.
L'instabilité des relationsinternationales en sera fortement accrue, jusqu'à ce que la guerre froide, puis la construction européenne viennent, après 1945, restaurer la prééminence des grands ensemblesétatiques.
La révolution russe — sous bien des aspects, conséquence la plus importante de la guerre — donne naissance à un régime de type entièrement nouveau, et introduit l'ère destotalitarismes, qui marque le reste du siècle, jusqu'aux réformes de Deng Xiaoping et de Gorbatchev (cf chapitre communisme, fascicule 2). Les contemporains — en tout cas ceux du camp des vainqueurs, celui de l'Entente — pouvaient cependant à bon droit partager une vision plus optimiste.
Le triomphe, en 1918, du droitdes peuples à disposer d'eux-mêmes en Europe pouvait apparaître la base solide d'une reconstruction internationale plus équitable.
Simultanément, sous l'égide de l'idéaliste présidentaméricain Wilson, la guerre a pris l'allure d'une première "croisade des démocraties": les quatre empires européens, plus ou moins marqués d'autoritarisme, s'effondrent; le principerépublicain — limité en 1914 en Europe à la France, la Suisse et le Portugal — triomphe presque partout, les monarchies subsistantes étant significativement soit strictementconstitutionnelles, soit (dans les Balkans) contraintes d'amorcer une démocratisation.
Pour pérenniser le bond en avant de cette dernière, les États les plus solidement démocratiques dutemps décident la fondation de la SDN.
Quant à la "dissidence" de la Russie bolchevique, sa gravité semble limitée et par les lourdes pertes territoriales subies par l'ancien empire destsars, et par les énormes difficultés internes (guerres civiles au moins jusqu'en 1922, catastrophe économique, famines) dans lesquelles elle se débat. C'est progressivement — pour une large part pas avant les années trente — qu'on a saisi pleinement les dangers de la nouvelle configuration.
La reconstitution des puissancesallemande et soviétique sur une base expansionniste et militariste rendit de plus en plus aléatoire l'indépendance de la poussière d'États coincés entre elles.
La démocratisation rapidedes nouveaux pays, parfois peu cohérents ethniquement (Pologne, Yougoslavie en particulier), et peu développés économiquement (hormis la Tchécoslovaquie et l'Autriche), euttendance à conduire au pouvoir démagogues nationalistes et/ou populistes, puis, de plus en plus, fascisants.
L'application tant glorifiée du "principe des nationalités" conduit souvent àl'impasse dans une Europe centrale et orientale où elles sont à la fois nombreuses et entremêlées: ainsi les minorités ethniques constituent presque toujours une partie considérable dela population, et leur sort se détériore plutôt par rapport à ce qu'il était dans les empires défunts.
C'est le cas, à peu près partout, des Allemands et des Juifs (qui ensemble constituentune grande part de la population urbaine, et plus encore des élites), ainsi que des Tziganes.
Plusieurs nationalités, compactes mais de taille restreinte, ont été "privées d'État", et seconsidèrent plus ou moins légitimement comme opprimées par l'ethnie majoritaire: Croates de Yougoslavie, Slovaques et Ruthènes de Tchécoslovaquie.
Enfin les pays vaincus ont le.
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