Le temps Dès lors qu'il est accusé, K. voit son avenir entièrement centré sur son jugement. Le temps, qui le...
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«
Le temps
Dès lors qu'il est accusé, K.
voit son avenir entièrement centré
sur son jugement.
Le temps, qui le conduit inexorablement vers
son exécution, est donc facteur d'angoisse.
Dans Le Procès, ce
temps est double : à la fois repérage précis et attente.
Par ailleurs,
le film de Welles repose sur une autre forme de temporalité : le
temps de la mémoire.
LES DEUX TEMPORALITÉS DU PROCÈS
Le temps du Procès repose sur deux caractéristiques opposées
mais complémentaires : une précision quantitative, faite de repé
rages précis et ponctuels ; un étalement, qui se manifeste par la
durée et l'attente.
1 Des repères temporels précis
Le roman, contrairement au film, est construit sur des repérages
temporels précis.
Peu nombreux, leur présence n'est jamais gra
tuite.
La précision du temps a en général deux fonctions.
D'abord,
offrir à K.
des critères de normalité auxquels se raccrocher.
Par
exemple, au début du roman, si la situation est anormale c'est
parce que Mme Grubach n'est pas là « à huit heures » pour
apporter le déjeuner (p.
23).
K.
essaie de donner une forme de
normalité à son étrange convocation en se rendant au tribunal « à
neuf heures " (p.
70), heure à laquelle la justice fonctionne d'ha
bitude.
Seconde fonction des indices de temporalité : renforcer une
thématique.
L'heure tardive à laquelle rentre Mlle Bürstner -
«
onze heures et demie » (p.
49) - confirme les soupçons de
Mme Grubach (p.
47), jette une lumière ambiguë sur ce personnage, et illustre le thème de la duplicité des personnages féminins
(➔ PROBLÉMATIQUE
4, p.
76).
K.
est convoqué pour son premier
interrogatoire un dimanche (p.
68), jour de repos.
Cette indication
temporelle souligne l'anormalité du tribunal ; elle rend également
possible une interprétation religieuse : K.
se rendrait-il devant le
tribunal d~ Dieu ? (➔ PROBLÉMATIQUE 6, p.
93).
Par leur fonction de repérage temporel précis, et par leur rôle
actif dans la thématique du roman, ces indices de temporalité
constituent des seuils de normalit~ et de signification objectivè.
Leur mélange à des éléments d'étrangeté confère au récit son
caractère surréel et onirique.
IL'attente
Le temps dans Le Procès prend une autre forme importante :
celle du déroulement, de l'étalement.
C'est elle qui permet de définir l'essence de la condition d'accusé.
Une procédure est en effet
un déroulement temporel :
«
La sentence ne vient pas d'un seul
» (p.
261).
L'accusé
coup, la procédure y aboutit petit à petit 1
doit donc attendre cet aboutissement, ce qui permet de définir Le
Procès, d'une certaine façon, comme un roman de l'attente.
De f§it, l'attente est une caractéristique majeure du personnage,
toujours à attendre quelque chose : son jugement, une explication, cl_e l'aide••• Dans les chapitres I et Il, K.
ne cesse de guetter
Mlle Bürstner : « Je vous attends déjà depuis deux heures »
(p.
50),
«
il lui disait [ .••] qu'il attendrait chez lui tout le dimanche
suivant un signe d'elle
»
(p.
59).
Cette attente est l'une des prin-
cipales causes de l'angoisse du protagoniste : son avenir étant
plein d'incertitudes, le temps pèse sur lui.
1.
C'est nous qui soulignons.
PROBLÉMATIQUES
ESSENTIELLES
105
TEMPS ET CULPABILITÉ
L:'attente fait de K.
un prisonnier, une victime du temps.
On peut
alors se demander si ce dernier ne constitue pas une forme de
châtiment.
1Le temps, un châtiment ?
Le rôle du temps dans Le Procès peut, dans une certaine mesure, recevoir une explication théologique.
La temporalité est en
effet, dans la religion judéo-chrétienne, une conséquence de la
faute originelle : avant la chute, l'homme, fait à l'image de Dieu,
vivait dans un hors-temps édénique.
De plus, dans la Bible, le
temps de la chute est associé au travail : une fois chassé du paradis, l'homme doit trouver sa subsistance à la sueur de son front
(voir Genèse, Ill, 22-23).
Or tout le début du chapitre IX,
cathédrale
»,
portable du temps du travail :
«
»
À la
énormes soucis » que lui cause
" toute heure passée hors du bureau
retard
«
montre K.
écrasé par l'attente et l'angoisse insup-
(p.
246), peur
»
«
d'être en
à un rendez-vous d'affaire (p.
252), etc.
Les indications
d'heures abondent : K.
devait « se trouver à la cathédrale deux
heures plus tard, à dix heures environ
tuel, dix heures sonnaient [ .•.]
»
»
(p.
250),
«
K.
était ponc-
(p.
253).
Dans ce chapitre, juste
avant de prendre connaissance de la parabole de la Loi, le temps
se densifie au point d'écraser le protagoniste, prenant ainsi la
forme d'un châtiment.
1Le délai infini
L:'homme de la Légende subit devant les portes de la Loi de
«
longues années d'attente
»
(p.
264).
Le temps du Procès relè-
ve én effet de l'idée, obsessionnelle chez Kafka (voir La Muraille de
Chine), de l'infini.
Cette idée conditionne l'esthétique même du....
»
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