« Le roman» : une préface pour Pierre et Jean Le texte intitulé « Le roman» qui figure en tête...
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«
« Le roman» :
une préface
pour Pierre et Jean
Le texte intitulé « Le roman» qui figure en tête des éditions de Pier
re et Jean, est assez célèbre.
D'abord, parce que Maupassant s'est
rarement expliqué sur sa conception du roman, et que ce texte est
riche à cet égard.
Ensuite, parce qu'il peut se lire de manière indé
pendante, comme une réflexion sur un genre qui, à cette époque,
connaissait une profonde remise en caus�.
Enfin, parce qu'il entre
tient avec le récit des rapports assez complexes.
RÉSUMÉ DU « ROMAN »
La préface de Pierre et Jean n'a pas réellement pour but de pré
senter le roman qui suit.
Son propos est plus vaste:" Je veux m'oc
cuper du roman en général » (p.
45).
Qu'est-ce qu'un roma�?
et qu'est-ce qu'un critique?
Chaque fois qu'un auteur publie un livre, les critiques formulent le
même reproche : « Le plus grand défaut de cette œuvre, c'est qu'el
le n'est pas un roman à proprement parler » (p.
45).
Mais qu'est-ce
au juste qu'un roman ? Ce terme est extrêmement flou.
D'abord, l'in
finie diversité des romans interdit d'avoir une idée trop précise du
genre.
Ensuite, les critiques prétendent juger de la qualité d'un
roman au nom de certaines règles.
Mais celles-ci n'existent pas
(« Quelles sont ces fameuses règles ? D'où viennent-elles ? Qui les
a établies ? », p.
46).
Vouloir tirer, de romans déjà publiés, des
« règles invariables de composition » (p.
47), c'est être toujours en
retard sur son temps et hostile à la nouveauté.
Le bon critique devrait
utiliser, chaque fois, des critères appropriés au roman qu'il lit.
Il
devrait s'adapter au tempérament de l'artiste.
l 1déalistes
1,
naturalistes2 et symbolistesa
Comment les critiques doivent-ils juger un roman idéaliste? En
devenant eux-mêmes
«
poétiquement exaltés
»
(p.
49).
Comment
doivent-ils lire un roman naturaliste ? En étudiant sa fidélité à la réalité : ils doivent se demander si ce texte est vrai.
En effet, si, chez un
écrivain idéaliste, la vraisemblance peut être un défaut, à l'inverse,
dans un roman réaliste, la fidélité au réel est une qualité.
Il faut cependant être conscient que restituer la réalité exige de
l'auteur une part de création.
D'une part, parce que dire le vrai, c'est
résumer et choisir : ce n'est pas dire tout, mais mettre en avant certains éléments.
Loin de rester neutre, l'auteur réaliste opère donc un
choix.
D'autre part, le vrai reste toujours une illusion.
La réalité est
différente pour chacun de nous.
Les auteurs réalistes sont en fait des
«illusionnistes», capables d'« impos[er] à l'humanité leur illusion particulière » (p.
53).
Un dernier courant littéraire vient d'apparaître : le courant symboliste.
Cette école a pour qualité d'être attentive aux problèmes de
l'art et de réfléchir sur le beau.
En ce sens, les écrivains symbolistes
se rapprochent de l'exigence d'un Louis Bouilhet et d'un Gustave
Flaubert, qui furent les maîtres de Maupassant.
Mais Bouilhet ou Flaubert avaient pour règle l'observation et la
simplicité, tandis que l'écriture des symbolistes est maniérée et factice.
Or, il n'est pas de plus grande valeur que la simplicité, qui s'accorde si parfaitement à la nature de la langue française.
1.
Contrairement au symbolisme et au naturalisme, l'idéalisme n'est pas un mouvement
littéraire.
C'est une tendance de l'artiste qui consiste à privilégier la vision intérieure par
rapport à la fidélité au réel.
2 • Les écrivains naturalistes (comme Zola) se donnent pour but l'observation quasi
scientifique de la réalité.
3.
Les écrivains symbolistes (comme Mallarmé) veulent exploiter la fonction poétique et
magique du langage.
Jean Moréas publie dans le supplément littéraire du Figaro du
18 septembre 1886 un article considéré comme l'acte de naissance du symbolisme.
PROBLÉMATIQUES ESSENTIELLES 7 9
LES CHOIX LITT~RAIRES
DE MAUPASSANT
Maupassant parle dans
«
Le roman " de la création en général.
Il
peut donc faire état de ses préférences ou de ses réticences à
l'égard de certains écrivains.
1Pour la simplicité
À deux reprises, Maupassant cite Boileau (1636-1711 ).
Cet auteur
du siècle de Louis XIV est le symbole du classicisme, dont il a fixé les
limites dans son célèbre Art poétique.
Le classicisme est une école
de rigueur, de mesure, d'ordre et d'équilibre.
II préconise le naturel et
la sobriété.
li n'est donc pas surprenant que Maupassant cite Boileau
pour faire l'éloge de la vraisemblance (p.
51) et de la simplicité
(p.
59).
II s'inscrit du même coup dans une tradition littéraire qui possède depuis longtemps ses lettres de noblesse.
Maupassant insiste également sur l'héritage de Louis Bouilhet
(1821r1869) et de Gustave Flaubert (1821-1880).
Le premier n'est
plus guère connu aujourd'hui.
Le second est l'auteur célèbre de
Madame Bovary (1857), L.:Éducation sentimentale (1869) et des Trois
Contes (1877).
Son influence a été considérable non seulement sur
ses successeurs immédiats, mais sur tout le xxe siècle.
C'est probablement à lui que songe Maupassant quand il parle du
«
romancier
d'aujourd'hui» (p.
51).
Ce« romancier d'aujourd'hui» s'intéresse peu
à l'intrigue et aux rebondissements multiples.
Comme Flaubert, il
écrit plutôt« l'histoire du cœur [•.•] à l'état normal» (p.
51).
Par principe il ne choisit pas les hommes d'exception et les situations éxtravagantes.
Des êtres simples tirés de la réalité sont pour lui de vrais
sujets d'art.
Dans cette préface, Flaubert est présenté comme un ami
et comme un maître.
C'est lui qui a guidé Maupassant en lui enseignant le prix du travail et le culte de la perfection.
C'est également
par référence à Flaubert que Maupassant en vient à critiquer « l'écriture artiste ».
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PROBLÉMATIQUES ESSENTIELLES
1Contre la préciosité
Maupassant ne se sert pas seulement du cc roman» pour exprimer
ses préférences.
Il fait état de ses réserves à l'égard d'une certaine
préciosité qui était alors en vogue.
Maupassant juge sévèrement les
cc clowneries de langage », le « vocabulaire bizarre, compliqué, nombreux et chinois
»
(p.
59).
Qui est visé ici ? L'auteur use de formules
vagues.
Il ironise sur ce style « qu'on nous impose aujourd'hui sous
le nom d'écriture artiste » (p.
59) et se moque des « écrivains maniérés
»
(p.
60).
Mais il ne cite aucun nom.
Edmond de Goncourt se sentit....
»
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