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Le Roi de France ... 5 10 15 20 25 Ne crois pas que je puisse, quant à présent, te...

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« Le Roi de France ... 5 10 15 20 25 Ne crois pas que je puisse, quant à présent, te parler à fond des mœurs et df!S coutumes européennes ; je n'en ai moi-même qu'une légère idée, et je n'ai eu à peine que le temps de m'étonner. Le Roi de France est le plus puissant prince de l'Europe.

Il n'a point de mines d'or comme le roi d'Espagne, son voisin; mais il a plus de richesses que lui, parce qu'il les tire de la vanité de ses sujets, plus inépuisable que les mines.

On lui a vu entreprendre ou soutenir de grandes guerres, n'ayant d'autres fonds que des titres d'honneur à vendre, et, par un prodige de l'orgueil humain, ses troupes se trouvaient payées, ses places munies et ses flottes équipées. D'ailleurs ce roi est un grand magicien: il exerce son empire sur l'esprit même de ses sujets; il les fait penser comme il veut.

S'il n'a qu'un million d'écus dans son trésor, et qu'il en ait besoin de deux, il n'a qu'à leur persuader qu'un écu en vaut deux, et ils le croient.

S'il a une guerre difficile à soutenir, et qu'il n'ait point d'argent, il n'a qu'à leur mettre dans la tête qu'un morceau de papier est de l'argent, et ils en sont aussitôt convaincus.

Il va même jusqu'à leur faire croire qu'il les guérit de toutes sortes de maux en les touchant, tant est grande la force et la puissance qu'il a sur les esprits. Ce que je te dis de ce prince ne doit pas t'étonner: il y a un autre magicien, plus fort que lui, qui n'est pas moins maître de son esprit qu'il l'est lui-même de celui des autres.

Ce magicien s'appelle le Pape.

Tantôt il lui fait croire que trois ne sont qu'un, que le pain qu'on mange n'est pas du pain, ou que le vin qu'on boit n'est pas du vin, et mille autres choses de cette espèce. 30 35 40 45 Et, pour le tenir toujours en haleine et ne point lui laisser perdre l'habitude de croire, il lui donne de temps en temps, pour l'exercer, de certains articles de croyance.

Il y a deux ans qu'il lui envoya un grand écrit, qu'il appela Constitution, et voulut obliger, sous de grandes peines, ce prince et ses sujets de croire tout ce qui y étoit contenu.

Il réussit à l'égard du Prince, qui se soumit aussitôt et donna l'exemple à ses sujets.

Mais quelques-uns d'entre eux se révoltèrent et dirent qu'ils ne vouloient rien croire de tout ce qui étoit dans cet écrit.

Ce sont les femmes qui ont été les motrices de toute cette révolte, qui divise toute la Cour, tout le Royaume et toutes les familles.

Cette Constitution leur défend de lire un livre que tous les Chrétiens disent avoir été apporté du Ciel : c'est proprement leur Alcoran.

Les femmes indignées de l'outrage fait à leur sexe, soulèvent tout contre la Constitution ; elles ont mis les hommes de leur parti, qui, dans cette occasion, ne veulent point avoir de privilège.

On doit pourtant avouer que ce moufti ne raisonne par mal, et, par le grand Hali, il faut qu'il ait été instruit des principes de notre sainte Loi.

Car, puisque les femmes sont d'une création inférieure à la nôtre, et que nos prophètes nous disent qu'elles n'entreront point dans le paradis, pourquoi faut-il qu'elles se mêlent de lire un livre qui n'est fait que pour apprendre le chemin du Paradis? Lettre XXIV - (Extrait) ------QUESTIONS-----1 - Un même verbe est fréquemment répété au fil du texte, en particulier aux paragraphes 3, 4, et 5.

Identifiez-le et commentezen l'emploi. Le verbe fréquemment répété aux paragraphes 3, 4 et 5, est le verbe "croire".

On en trouve en effet six occurrences sans compter les dérivés ("croyance") et synonymes ("ils sont convaincus", "il les fait penser comme il veut", "puissance...

sur les esprits" etc).

La répétition de ce terme et de ses synonymes a évidemment pour effet de souligner la crédulité des uns et l'impudence des autres. 2 - L'expression ''par un prodige de l'esprit humain'~ au paragraphe 2, doit-elle être prise au pied de la lettre ? De toute évidence l'expression "par un prodige de l'esprit humain" ne doit pas être prise au pied de la lettre.

L'admiration ici exprimée est en réalité ironique ; il s'agit d'une antiphrase.

Montesquieu, à travers l'attitude faussement admirative de Rica, condamne la vanité des sujets du roi de France. - - - - COMMENTAIRE COMPOSÉ - - - Introduction - Présentation du texte -Annonce du plan Exploitant une veine à la mode Oes Français sont, depuis la fin du xvrre siècle, friands d'histoires orientales), Montesquieu publie en 1721 les Lettres Persanes, recueil de lettres prétendument éch~gées entre Usbek et Rica, venus découvrir l'Europe, et leurs correspondants d'Ispahan ou de Smyrne.

Dans la lettre XXIV dont cette page est tirée, Rica adresse à son lointain ami Ibben les réflexions que lui inspire son premier contact avec la monarchie française telle qu'elle lui apparaît à la fin du règne de Louis XIV. Cette relation ayant pour but essentiel de permettre l'expression d'une satire visant le gouvernement de la France et la religion catholique, il sera intéressant d'apprécier les coups qui sont ici portés ; mais il importe auparavant de s'attarder sur le détour choisi par Montesquieu et sur l'observateur qu'il a campé pour donner à la satire une pleine efficacité. Il n'y a rien de tel, on le sait en particulier depuis Montaigne qui emprunta dans ses Essais le regard d'authentiques cannibales venus à Rouen sous Charles 1 - Un procédé IX, que d'épouser la vision neuve de témoins étrangers classique pour se débarrasser de la cécité dont est affligée toute communauté à l'égard de son fonctionnement et de ses valeurs lorsque, faute de recul et de point de comparai- 1-Le détour son, ils lui apparaissent comme les seuls possibles.

Il est . intéressant de constater à cet égard que chaque fois que les Européens sont entrés en communication avec un autre modèle social, Nouveau Monde, Extrême Orient, Polynésie (qu'on songe au Supplément au voyage de Bougainville de Diderot), il s'est trouvé un écrivain pour sauter sur l'occasion ainsi offerte de démasquer l'organisation sociale à laquelle il appartenait. C'est bien ici le jeu auquel se livre Montesquieu qui se donne le plaisir à travers ses témoins persans d'observer la France comme s'il s'agissait d'une contrée habitée par d'étranges autochtones.

Cette pratique, à l'évidence, porte à l'irrespect tout en ne trompant personne, et surtout pas les censeurs.

Il reste que pour 2 - La couleur obtenir un bon fonctionnement du procédé, il est souorientale haitable que lui soit accordée une crédibilité de surface : ceci explique notamment la façon dont est daté l'envoi de Rica à Ibben dans notre texte qui se clôt par une indication exhalant une incontestable odeur orientale : "De Paris, le 4 de la lune de Rediab". 3 - Psychologie A ce procédé déjà classique en 1721, Montesquieu de Rica a cependant apporté un certain nombre de raffinements supplémentaires.

Il est clair en effet que la personnalité de Rica entre en jeu dans l'application de la technique ici mise en œuvre : on découvre très vite que celui-ci est animé par le désir de briller aux yeux de son correspondant, voire de l'épater.

Ainsi faut-il _désir d'étonner interpréter la précaution de langage initiale ("je n'ai eu à peine que le temps de m'étonner") qui laisse entendre que les énormités qui vont suivre relèvent de l'avant-goût; le même effet peut être observé au début du quatrième paragraphe où l'expression "Ce que je te dis de ce prince ne doit point t'étonner" promet des révélations encore plus surprenantes.

''.Je ne t'ai encore rien montré ..." semble ainsi glisser à son correspondant, un Rica dont il faut noter, outre le désir de se faire -volonté de valoir, une certaine mauvaise foi simplificatrice non dénigrer dépourvue de chauvinisme, mâtinée d'un incontestable désir de dénigrement, attitude peu étrangère au - des préjugés Transition commun des touristes ...

C'est ainsi qu'on le voit manier l'admiration goguenarde (.... »

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