Le Héros De Roman Doit Il Nécessairement Être Un Personnage Capable De Réaliser Des Exploits Extraordinaires ?
Publié le 01/03/2014
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Si dans les épopées et les tragédies anciennes, les héros sont des figures exceptionnelles de bravoure (l'Iliade et l'Odyssée regorgent de ces héros), les héros des oeuvres de l'époquemoderne ont de moins en moins de qualités héroïques.
Madame Bovary, qui est somme toute une femme ordinaire, n'est une héroïne que parce que Flaubert, en en faisant lepersonnage principal du roman, lui donne une épaisseur.
La notion d'antihéros a d 'ailleurs été introduite pour souligner que le héros d'un livre n'a plus rien d'héroïque au sens traditionneldu terme, et peut être un personnage trivial, immoral ou amoral.
C'est pour ces raisons que le sport par exemple a aujourd'hui lui aussi ses héros, et qu'on élève au rang de héros desinconnus qui, pour avoir sauvé une vie où accompli un exploit, se retrouvent déifiés par les médias et la population.
En ce sens, tout le monde est un héros potentiel. Mais une telle universalisation de l'héroïsme tend à désagréger la notion même de héros.
Accomplissent-ils véritablement quelque chose de grand, ces hommes et ces femmes qui unjour battent un record ou se conduisent avec à propos dans une situation difficile ? À quoi bon des héros si ceux-ci ne sont en définitive que des gens ordinaires, qui ne bouleversent pasle cours de l'histoire et qui sont appeléF, à être oubliés le lendemain même de leur acte « héroïque » Ce qu'un tel constat amène à se demander, c'est si l'utilité des héros tient réellement à l'action qu'ils accomplissent ou si la reconnaissance de l'héroïsme ne correspond pas à unvéritable besoin.
La prise de conscience de la relativité du héros ne signe pas nécessairement son inutilité.
Le culte des héros en effet, parce qu'il souligne le côté exceptionnel du grandhomme, est une manière d'en faire un demi-dieu, ce qui éloigne le genre humain de l'animalité et le fait basculer du côté de la divinité.
C'est donc une manière pour l'homme d'affirmerson prestige et d'asseoir la grandeur de sa condition.
Plus encore, le culte du héros permet au peuple de se forger une identité, et de se rassembler autour de la figure du grand homme.Il est donc un instrument de communion et signe l'appartenance des hommes qui l'idolâtrent à une même nation.
C'est ainsi que l'émotion que suscite la mort d'un grand homme ne vientpeut-être pas tant du sentiment de perte d'un être exceptionnel, que de l'accord de tout un peuple et de l'esprit de communion que cette mort fait surgir.
Le héros est ainsi le symbole del'unité d'un peuple.
La mise en avant de l'action des héros a en outre pour résultat de rappeler au peuple qu'il est toujours possible de refuser un état de fait et de travailler à la liberté.
Lafigure du général De Gaulle est à ce titre le symbole du refus de la soumission et de la capitulation.
La figure du héros peut ainsi inciter les individus à revendiquer leur liberté lorsquecelle-ci est mise en péril, et peut peut-être servir de modèle dans l'urgence de l'action.
C'est donc moins le héros comme tel qui se révèle utile que la représentation qu'on s'en fait.La figure exceptionnelle du héros rend problématique l'imitation qu'on peut en faire.
Sa singularité le rend en effet tout à fait extra-ordinaire et interdit souvent qu'on en devienne l'égal.Mais c'est précisément ce côté hors du Commun que les hommes aiment à célébrer.
Le héros fait en effet rêver et attise l'imaginaire humain.
Peu importe en ce sens que le héros soit unpersonnage réel ou fictif.
Son côté exceptionnel nous arrache à la monotonie et au quotidien, ce que montre bien la tendance actuelle à rendre héroïques les êtres les plus ordinaires.
Entransformant une action insignifiante ou une conduite admirable en geste héroïque, nous manifestons notre désir « qu'il se passe quelque chose ».
C'est donc l'ennui que le héros vient rompre, mettent ainsi du piquant dans le quotidien.
CONCLUSION L'utilité ou l'inutilité des héros semble bien tourner autour de la question de savoir s'ils sont les véritables moteurs de l'histoire et surtout s'ils imposent durablement leur marque.
Sil'histoire n'a pas de sens, n'est pas orientée, si elle est l'indéfinie répétition du même, la question du rôle des héros prend en effet tout son sens.
À quoi bon un Jean Moulin ou un DeGaulle si le fascisme renaît pour un jour triompher ? La question du rôle des « grands hommes » dans l'histoire peut aussi se poser, au regard des déterminations sous-jacentes quiorientent l'histoire et ne font plus du héros qu'un épiphénomène.
À quoi bon se forger des héros si en dernière instance, ce ne sont pas eux qui font l'histoire ? Il apparaît que l'importancedu héros ne réside pas seulement dans son pouvoir de bouleverser le monde mais aussi en ce qu'il permet de fournir aux individus un idéal moral qui leur donne la possibilité des'arracher à la finitude d'une vie trop rangée.
Si le héros n'existe que par ce qu'on en dit, le risque est évidemment grand de voir accéder au rang de « grand homme » les êtres les plusbanals.
Même si cela manifeste le besoin qu'a l'homme d'accéder à une part de rêve, on peut pourtant y voir le symptôme d'une perte des véritables valeurs au profit cette fois de lacélébration de la médiocrité.
Il faut donc veiller à ne pas étendre trop les critères de l'héroïsme, de peur que l'image du héros en pâtisse, et que la notion elle-même n'ait plus aucuneconsistance.
Car devant la vacuité d'un tel héroïsme, la question « à quoi bon des héros » prendrait alors tout son sens..
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