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La violence La violence fait partie du décor habituel des romans médié­ vaux. Si Chrétien de Troyes lui accorde une...

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« La violence La violence fait partie du décor habituel des romans médié­ vaux.

Si Chrétien de Troyes lui accorde une place importante, c'est pour répondre aux goûts et aux besoins de son public: non pas ceux de la comtesse Marie de Champagne, mais plutôt des jeunes nobles.

futurs chevaliers promis à une car­ rière militaire, et qui puisaient leurs modèles dans les récits d'aventures.

Le romancier leur offre des exemples négatifs ou positifs, qu'il convient de repousser ou d'imiter.

Ainsi, à un mauvais usage de la violence, il oppose une utilisation légitime, qui prend parfois la forme d'un jeu. DU MAUVAIS USAGE DE LA VIOLENCE Le suicide L'.amour contrarié peut conduire au désespoir et au sui­ cide des amants.

Croyant Lancelot mort, Guenièvre se laisse dépérir en refusant de boire et de manger (v.

4171-4182). De son côté, Lancelot cherche deux fois à se détruire.

« se faisant ainsi l'ennemi de lui-même» (v.

4303). Il tente de se jeter du haut d'une fenêtre (v.

566-567) puis de s'étrangler avec sa ceinture (v.

4285-4294).

Cette vio­ lence perpétrée contre soi va à l'encontre de la morale chré­ tienne.

Mais l'auteur ne semble pas la condamner du point de vue religieux.

Pour lui, le suicide viole plutôt la morale civique car il est un acte égoïste : l'individu satisfait lâche­ ment son besoin de repos, de fuite devant les tourments personnels, sans égards pour la collectivité qu'il doit ser­ vir.

La reine Guenièvre.

otage de Méléagant.

manque à la solidarité qui doit la lier à son peuple, et en particulier aux autres captifs à qui elle est censée montrer l'exemple d'une attitude courageuse.

Plus grave encore, le suicide de Lancelot priverait le roi Arthur d'un chevalier, d'un vassal prêt à lui porter secours en cas d'attaque militaire.

La violence suicidaire est donc condamnable par son aspect « sans retenue» (v.

4180), irréfléchi. La fureur verbale et gestuelle La violence mal employée provient d'une incapacité à se maîtriser.

L'orgueil en est le principal responsable. Il s'exprime d'abord à travers la violence verbale.

Lorsque Méléagant, au début du Chevalier de la charrette, fait son entrée fracassante à la cour d'Arthur, il défie le roi« sans le saluer» (v.

50).

Son impolitesse contraste avec le raffinement de la société courtoise, en particulier avec les conversations tenues par les dames « en langue française» (v.

40), c'est-à-dire dans le langage de l'Ile-de-France, considéré au Moyen Age comme une marque d'élégance. L'orgueilleux ne maîtrise pas ses propos.

En témoigne le chevalier qui dispute à Lancelot la possession d'une jeune fille: par l'insistance du pronom «je», qui revient comme un leitmotiv tout au long de son discours (v.

1582-1592), il se met en avant, et assène à Lancelot une provocation verbale, avant d'en venir aux armes.

Face à cette assurance excessive, le héros incarne la mesure.

« Sans se vanter» (v.

1595), il relève le défi en invitant son adversaire à modérer son langage : Évitez de parler en l'air et gardez plus de retenue dans vos propos. (v.

1598-1599). A ce fanfaron, qui ne connaît d'autre loi que sa propre brutalité («je vous emmènerai», dit-il à la jeune fille au vers 1591), Lancelot répond dans un style impersonnel, où le «je» s'efface devant le droit (v.

1600). La violence verbale précède la violence gestuelle.

Le défi et les injures annoncent un combat arbitraire, sans motif légitime.

Au moment de franchir le Passage des Pierres, Lancelot est accueilli par« des termes injurieux» (v.

2213) que rien ne semble justifier: cette agressivité à l'état pur fonctionne comme un écho des forces du mal qui dominent le pays où a pénétré le héros, c'est-à-dire le royaume de Méléagant.

Or le Moyen Age compte la colère au nombre des manifestations de Satan : elle est un piège que le diable tend aux hommes pour affaiblir leur résistance devant le péché.

Le recours à l'injure traduit cette faiblesse morale, à laquelle même les meilleurs chevaliers ne résistent pas toujours.

A la fin du roman, Lancelot, incapable de contenir davantage sa « haine » (v.

7004) envers Méléagant, cède à la violence verbale lors du dernier combat qui l'oppose à son adversaire: Mais avant de venir frapper, il l'a menacé à voix haute: « Venez par là, je vous défie ! » (V.

7005--7007). La violence gestuelle qui naît de l'orgueil prive l'homme de toute dignité, et le rabaisse à l'animalité.

Incapable de limiter ses pulsions, l'orgueilleux assouvit son instinct de violence à la manière des bêtes, sans le contrôle de la raison. Chrétien suggère cette animalisation par le mot« rage», dont il se sert en particulier pour qualifier Méléagant (v.

7069). Elle entraîne la «colère» (v.

7081 ), la «folie» (v.

7084), et toute forme d' « égarement » (v.

3829) qui sont autant de symptômes d'une violence irresponsable.

Aveuglé par sa fureur, Méléagant refuse de cesser le combat lorsque la reine Guenièvre le _demande, et doit être «éloigné» (v.

3842) de force, maîtrisé comme un animal rebelle.

Bien plus, au cours de son dernier duel avec Lancelot, Méléagant, qui a déjà perdu une main et plusieurs dents, ne daigne pas implorer la grâce du vainqueur (v.

7083) : la violence mal employée se retourne contre celui qui l'exerce. Le viol La violence sexuelle traduit, elle aussi, une pulsion mal contrôlée.

C'est une réalité qui parcourt la société médiévale : dans ce monde essentiellement masculin et guerrier, la femme est à la merci de l'homme, qui trouve en elle le moyen de satisfaire son désir.

Le beau rêve courtois, où la dame exerce sa domination, ne parvient pas à masquer la brutalité du réel, dont Chrétien nous donne un aperçu dans Le Chevalier de la charrette. Le prétendant orgueilleux contre qui Lancelot protège une jeune fille considère celle-ci comme un objet : il en reven­ dique la possession « sans autre contrainte » (v.

1589).

Si la présence de Lancelot empêche ici le prétendant d'exercer sa violence, il n'en est pas de même dans l'épisode où le héros doit assister, malgré lui, au viol de la demoiselle qui lui a offert l'hospitalité : [ ...

] droit devant lui, il a le spectacle de la demoiselle renversée par un chevalier qui la tenait en travers du lit amplement retroussée. (V.

1064-1067). Le spectacle de la malheureuse « dénudée jusqu'au nom­ bril » (v.

1082) remplit le héros de honte et suscite son inter­ vention contre l'agresseur et ses serviteurs complices. La fascination des romanciers médiévaux pour les scènes de viol ne provient pas d'un voyeurisme malsain.

Il faut y voir un procédé narratif : les femmes doivent être attaquées pour que les héros trouvent une occasion de s'illustrer en les défendant.

Cet usage romanesque du motif apparaît clai­ rement dans le dénouement de l'épisode précédemment cité.

On y apprend que le viol n'était qu'une simulation, orga­ nisée par la demoiselle elle-même pour mesurer le courage et la vaillance de Lancelot; la tragédie prend fin avec le ren­ voi des acteurs par celle qui a assuré toute la mise en scène (v.

1184-1187).

Le stratagème a bien fonctionné: la mau­ vaise violence en a suscité une meilleure, salvatrice. LA VIOLENCE LÉGITIME Droit coutumier et loi judiciaire Si le royaume d'Arthur se définit comme celui de la paix où la guerre est remplacée par l'aventure, il fonde cepen­ dant son équilibre sur la pratique d'une violence légitime. Cette violence est due à la fois aux coutumes qui règnent sur le sol arthurien, et aux règles du systême judiciaire. Les coutumes obligent le chevalier à interrompre son errance et à répandre le sang dans de violents combats. Lancelot doit se battre pour franchir le gué périlleux placé sous haute surveillance ou pour défendre une jeune fille qu'il escorte.

Ainsi s'exprime la menace du mal sur le royaume arthurien.

Dès son entrée à la cour d'Arthur, Méléagant se présente comme l'exécuteur d'une coutume qui appelle la violence : le royaume de Gorre retient prisonniers des chevaliers, des dames et des jeunes filles de Logres, dont la libération ne pourra être obtenue que par la force des armes.

A aucun moment, il n'est question de négocier pacifiquement la reddition des otages. Car la justice médiévale autorise le recours à la violence pour punir la violence.

Le duel judiciaire, où s'affrontent les champions de deux causes contraires, débouche sur l'expression du droit divin : Dieu accorde la victoire à celui qui la mérite.

Les litiges se règlent par.... »

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