La structure sociale et ses déterminations : les facteurs de la dynamique historique
Publié le 01/05/2014
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REMARQUES PRÉLIMINAIRES.
Le rapport social n'est pas une simple dimension « supplé¬mentaire � de l'individu, dont nous avons vu, au cours de l'étude du rapport entre nature et culture, qu'il n'est pas dissociable du groupe ni des activités que celui-ci développe et organise. L'édu¬cation, notamment, constitue en grande partie un processus d'assimilation culturelle par lequel l'individu se forme et se cons¬titue. Les données de l'existence sociale sont donc apparues, à tous les niveaux, comme essentielles.
n S'il est vrai que l'homme est un être d'histoire (celle-ci n'étant pas une « simple aventure temporelle � qui adviendrait à une essence prédéfinie), les données originaires de l'existence, et notamment celles du rapport dialectique entre nature et culture, sont elles-mêmes engagées dans un processus de redéfinition constante. L'homme (ou plutôt les hommes, assignés dans des rapports sociaux historiquement déterminés) transforme la nature et, ce faisant, transforme les conditions dans lesquelles il évo¬luera ultérieurement. Le développement de l'activité matérielle et des forces productives n'ouvre pas seulement aux hommes la maîtrise de la nature ; il les « engage � dans une histoire mouve¬mentée, où se succ�dent des modes de production différents et, partant, des types de rapports sociaux distincts. Ainsi, le déve¬loppement de la division sociale du travail et des échanges tend à assurer la progression des forces productives en même temps qu'il « redistribue � les cartes au niveau des classes sociales elles-mêmes, compte tenu de leurs positions respectives dans la production et dans les rapports de propriété au sein desquels elle s'organise. L'évolution des sociétés met d'ailleurs en relief ce qu'on peut appeler les facteurs de la dynamique historique : dé¬veloppement des forces productives et contradictions pouvant en résulter périodiquement au sein des rapports sociaux. On comprend ici que l'étude de la société requi�re une attention particuli�re portée aux échanges et à la division sociale du tra¬vail qui en est le corollaire.
n La constitution de classes sociales aux intérêts distincts, voire opposés, entraîne une lutte pour le pouvoir. Pouvoir réel bien sûr, qui consiste dans la maîtrise des institutions qui permettent de régler la vie sociale selon certains crit�res (l'État), et sanc¬tionne un rapport de forces existant d'ores et déjà au niveau social. Le rôle de la violence dans l'histoire ne doit pas s'enten¬dre au sens restrictif de violence physique. La lutte des classes, même si elle ne prend pas une forme violente apparente, n'en est pas moins déterminante dans la mesure où elle tend à défi¬nir, à chaque étape, des relations de domination et de servitude.
n Mais, comme le fait remarquer Rousseau, « le plus fort n'est jamais assez fort pour être toujours le maître, s'il ne transforme sa force en droit, et l'obéissance en devoir � (Contrat social, livre I, chapitre 3). L'analyse des différents types de sociétés qui se sont succédés à partir de l'av�nement de la division sociale du travail montre que toutes les puissances établies ont « sé¬crété � leur propre droit, c'est-à-dire ont cherché à codifier dans des textes à valeur normative et justificative le rapport de force sur lequel elles reposaient. On comprend ainsi la diversité des conceptions du droit et des critiques dont elles ont pu faire périodiquement l'objet chaque fois qu'un penseur a pu déceler, pour des raisons historiques précises, l'entreprise de justification qui se cachait sous les textes (cf. Pascal : « Ne pouvant faire que ce qui est juste fût fort, on a fait que ce qui est fort fût juste � ; cf. aussi Rousseau et Marx). On comprend d�s lors le statut ambivalent et même contradictoire de la justice : une aspiration toujours renaissante en fait une représentation à caract�re absolu et irréductible ; mais les rapports de force réels la codifient et la réduisent dans des institutions toutes relatives dont le contenu normatif tend à être le plus conforme possible aux exigences de l'ordre établi.
n Il n'en reste pas moins vrai que des aspirations morales ont pu se faire jour périodiquement, mais dans des formes et des modalités qui n'échappaient nullement au contexte. L'idée d'un devoir, moral ou politique, a pu, dans certaines circontances, constituer un facteur décisif de transformation et de dépasse¬ment du réel, ne serait-ce qu'au niveau des mobiles concrets qui semblent avoir animé les hommes. (Cf. Hegel : La raison dans l'histoire ; cf. l'exemple concret de l'éthique propre à la Résis¬tance anti-nazie pendant la derni�re guerre.) La fonction de l'es-prit critique pourra être justement de veiller à dissocier ce que cette idée peut recouvrir de positif des entreprises de mystifica¬tion qu'elle a pu servir.
n De ce point de vue, il semble difficile de rejeter globalement comme idéaliste l'idée de personne humaine. Celle-ci n'est pas obligatoirement solidaire de l'individualisme forcené qui est issu de l'av�nement de la société capitaliste. Comme le note Marx, il
peut être nécessaire, tour. à tour, de défendre les droits de la personne (contre des institutions aliénantes) et les droits de la collectivité (contre des groupes d'intérêts particuliers tout-puis-sants). L'antinomie morale de la personne individuelle et de la collectivité Sociale n'est peut-être elle-même qu'un effet explica¬ble historiquement. (Cf. L'idéologie allemande.)
n Au terme d'un itinéraire qui nous a conduit à saisir l'étonnante diversité des conditions sociales d'existence, il semble bien diffi¬cile de « remplir � la notion commune de « bonheur � d'un contenu tr�s précis et aisément formulable. S'il est vrai qu'avec le devenir historique, ce sont aussi les besoins, les désirs, les formes de sensibilité et de représentation qui varient et se modi¬fient sans cesse, l'idée même de bonheur ne semble pas suscep¬tible d'une définition unique et générale, car elle dépend des modes de satisfaction que l'homme envisage à chaque étape de son histoire, ainsi que des désirs et des types d'aspiration qu'il est amené à développer.
En bref, la présentation ordonnée des sujets et des corrigés qui correspondent à cette partie de nos Annales s'effectuera selon l'ordre suivant, qui résulte des principaux éléments d'ana¬lyse thématique que nous venons de rappeler :
1. La structure sociale, donnée constitutive.
• La société.
• Les échanges.
• Le pouvoir.
2. Rapports sociaux et institutions : l'expresssion politique des rapports de force.
• La violence.
• L'État.
3. La codification des rapports sociaux et les variations du droit.
• Le droit.
• La justice.
4. Les représentations normales et l'approche des données per-sonnelles.
• Le devoir.
• La personne.
• Le bonheur.
«
• La constitution de classes sociales aux 1nterets distincts, voire opposés, entraîne une lutte pour le pouvoir.
Pouvoir réel bien
sûr, qui consiste dans la maîtrise des institutions qui permettent de régler la vie sociale selon certains critères (l'État), et sanc tionne un rapport de forces existant d'ores et déjà au niveau social.
Le rôle de la violence dans l'histoire ne doit pas s'enten dre au sens restrictif de violence physique.
La lutte des classes, même si elle ne prend pas une forme violente apparente, n'en est pas moins déterminante dans la mesure où elle tend à défi nir, à chaque étape, des relations de domination et de servitude.
• Mais, comme le fait remarquer Rousseau, «le plus fort n'est jamais assez fort pour être toujours le maître, s'il ne transforme sa force en droit, et l'obéissance en devoir» (Contrat social, livre 1, chapitre 3).
L'analyse des différents types de sociétés qui se sont succédés à partir de l'avènement de la division sociale du travail montre que toutes les puissances établies ont « sé crété » leur propre droit, c· est-à-dire ont cherché à codifier dans des textes à valeur normative et justificative le rapport de force sur lequel elles reposaient.
On comprend ainsi la diversité des conceptions du droit et des critiques dont elles ont pu faire périodiquement l'objet chaque fois qu'un penseur a pu déceler, pour des raisons historiques précises, l'entreprise de justification qui se cachait sous les textes (cf.
Pascal : « Ne pouvant faire que ce qui est juste fût fort, on a fait que ce qui est fort fût juste » ; cf.
aussi Rousseau et Marx).
On comprend dès lors le statut ambivalent et même contradictoire de la justice : une aspiration toujours renaissante en fait ~me représentation à caractère absolu et irréductible ; mais les rapports de force réels la codifient et la réduisent dans des institutions toutes relatives dont le contenu normatif tend à être le plus conforme possible aux exigences de r ordre établi.
• Il n'en reste pas moins vrai que des aspirations morales ont pu se faire jour périodiquement, mais dans des formes et des modalités qui n'échappaient nullement au contexte.
L'idée d'un devoir, moral ou politique, a pu, dans certaines circontances, constituer un facteur décisif de transformation et de dépasse ment du réel, ne serait-ce qu'au niveau des mobiles concrets qui semblent avoir animé les hommes.
(Cf.
Hegel : La raison dans /'histoire; cf.
lexemple concret de léthique propre à la Résis tance anti-nazie pendant la dernière guerre.) La fonction de l'es prit critique pourra être justement de veiller à dissocier ce que cette idée peut recouvrir de positif des entreprises de mystifica tion qu'elle a pu servir.
• De ce point de vue, il semble difficile de rejeter globalement comme idéaliste l'idée de personne humaine.
Celle-ci n'est pas obligatoirement solidaire de l'individualisme forcené qui est issu de l'avènement de la société capitaliste.
Comme le note Marx, il
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