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La responsabilité et le problème des sanctions.

Publié le 12/11/2016

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La responsabilité et le problème des sanctions.

 

Le mot responsabilité comporte des sens assez différents. Pour fournir un exposé bien clair de la question, et sans méconnaître qu’il puisse exister des liens entre les diverses formes de responsabilité, nous traiterons en premier lieu de l'aspect social et juridique, puis seulement ensuite de l’aspect moral et philosophique.

 

1. — DONNÉES SOCIOLOGIQUES.

 

Comme nous le verrons au chapitre XXXI, le Droit, dans sa forme primitive, est statutaire et répressif. A ce stade rudimentaire, on n’a aucune idée de ce que nous appelons aujourd’hui la responsabilité. Dès qu’il y a violation du status, c’est-à-dire de la coutume, des mœurs, des tabous, etc., — que cette violation soit volontaire ou non, peu importe — le Groupe en éprouve malaise et colère. La faute, le crime, le délit ne se distinguent pas du sacrilège : il y a souillure, impureté ; et, par suite, désir confus, mais violent, d’éliminer tout ce qui se trouve mêlé (fût-ce la victime !) à l’événement. De là aussi le caractère global de la sanction, qui atteint aveuglément la famille, le clan, les descendants, les amis du coupable.

 

Relisons la Bible, non pour en discuter le texte, ce qui serait ridicule, mais pour constater l’état d’esprit. de l’époque où elle fut rédigée : Ydveh (Exode, XX, 5) punit l’iniquité des pères sur les enfants jusqu’à la quatrième génération ». .. Dans Josué (VII, 24) » on prit Achan, qui avait transgressé la loi, ses fils, ses filles, ses bœufs, ses ânes, ses brebis ; on les lapida, puis on les brûla »... De même, dans les lois de Manou, tout voleur est mis à mort, ainsi que ses parents et ses amis ... Dans la Grèce ancienne, on punissait de mort les enfants d'un traître, même si celui-ci avait déjà été exécuté. Au XVIIIe siècle, en France, pour certains crimes, le châtiment s’étendait encore aux parents et aux enfants du coupable.

 

Bref, pendant longtemps, au cours des siècles, la sanction a les caractères d’une vendetta. Si le Droit moderne a naturellement un tout autre aspect, il n’est pas sans intérêt de noter la survivance du sentiment de vendetta dans la mentalité collective : le « déshonneur », ou pire, qui atteint la famille dont un membre a commis tel acte

« 198 PHILOSOPHIE MORALE délictueux ou criminel.

Ce sentiment irréfléchi se retrouve dans cer­ taines manifestations excessives de "l'esprit de corps » : la souillure d'un individu s'étend à tout le sous-groupe dont il faisait partie, -ce qui, en bonne logique, est une absurdité, -et l'on voit parfois ce sous-groupe s'efforcer de dissi muler la faut e, et de " couvrir » le coupab le.

Inversement, mais alors cela n'est qu'un peu ·risible, le sous-groupe se glorifie de l'exploit héroïque, de la réussite brillante d'un de ses membres ...

Pour en revenir à l'aspect juridique, un fait qui prouve bien l'indiffé­ rence primitive à l'égard de la responsabilité vraie, c'est que l'enfant, l' aliéné, l'animal même subissaient la sanction.

C'est une "décharge "• une réaction massive et inintelligente, comme il advient chez ces gens, aveuglés par la colère, qui brisent un objet ' pour se soulager ...

Les sanctions contre des animaux sont fort caractéristiques à cet égard.

" Si un bœuf heurte de sa corne une personne et que celle-ci en meure, le bœuf sera lapidé sans aucun retard.

Et l'on ne mangera pas de sa chair " (Exode, XXI, zS).

Et quand nous parlons de sanctions de ce genre, n'oublions pas qu'il y avait, au Moyen Age et jusqu'au milieu de notre XVII Je sièc le, procès en bonne et due forme (le dernier que nous ayo�s relevé date de 1741 : condamnation à mort d'une vache).

Au XVI Je, quarante jugements analogues furent rendus en France (sans compter ceux dont on n'a pas gardé trace) et avec un tel " sérieux " que certains comportaient même révision et cassa tion.

C'est ainsi que deux jugements concernant l'un une truie, l'autre une ânesse, furent cassés (r6r3 et r62r) : condamnées à être pendues, leur peine fut considérée comme exagérément infâmante, vu quelques circonstances atténuantes : elles furent simplement assommées.

(Quiconque ignore ces vieilles coutumes ne comprend qu'à demi le procès intenté à un chien dans les Plaid eurs, de Racine) .

..

.

Passons vite sur ces jugements et ces exécutions qui se compli­ quaient parfois d'une puérile "loi du talion »(par ex., une truie, ayant causé la mort d'un bébé qu'elle avait mordu à la jambe, puis à la tête, fut, par sentence du tribunal de Falaise en 1385, préalablement mutilée à une patte et à la tête avant d'être pendue) ...

II .

-R ESPONSAB ILITÉ PÉNALE.

Dans les temps modernes, la responsabilité s'est individ ualisée.

Sans négliger la matérialité de l'acte, le tribunal tient compte de l'intention, du mobile, des circonstances aggravantes ou atténuantes, des anté­ cédents, etc.

, concernant le prévenu.

Cela dans le droit pénal ou crimi nel.

La responsabilité civile n'a guère d'intérêt pour notre exposé.

Rappelons seulement en quoi elle consiste : les dommages causés à autrui donnent lieu à répara tion.

La condamnation sanctionne, en principe, une faute commise y compris négligence ou imprudence ; toutefois, l'extension du «principe » va très loin, puisque (art.

1384). »

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