La magie du « mot » dans la phrase littéraire. Essayez d'en rendre compte par des exemples empruntés à des...
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La magie du « mot » dans la phrase littéraire.
Essayez d'en rendre compte par des
exemples empruntés à des textes étudiés en classe.
Introduction :
a) Les arts de littérature s'expriment par des mots, enchaînés dans des phrases, comme la
musique par les notes de la gamme, la peinture par le dessin et les couleurs.
b) D'où l'intérêt d'étudier le mot en lui-même, comme support de la pensée,
c) pour discerner la pluralité — quasi miraculeuse — de ses utilisations, et les conditions de
cette magie verbale.
I.
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Polyvalence directe du mot :
C'est qu'un mot — quelle que soit sa nature : nom, adjectif, verbe, adverbe, etc.
— peut être
doué d'une quadruple valeur : intellectuelle, sensorielle, sentimentale ou musicale.
a) Valeur intellectuelle.
Il est d'abord toujours porteur d'un message pour l'intelligence.
Ainsi,
lorsque nous lisons ces vers du Pauvre Diable :
L'Abbé Trublet avait alors la rage D'être à Paris un petit personnage; Au peu d'esprit que le
bonhomme avait L'esprit d'autrui par supplément servait...
nous saisissons immédiatement les idées du texte; nous savons de qui il s'agit, en quel lieu il
est, quelles sont ses occupations et en quelle estime le tient Voltaire.
b) Valeur sensorielle.
Souvent aussi le mot nous permet de nous représenter une image, en
l'absence de l'objet.
On dit que nous « imaginons », en fonction d'un quelconque de nos sens,
mais plus particulièrement en fonction de la vue.
Comment, en effet, ne pas « imaginer »
Perrette, sur ce début de fable :
Perrette, sur sa tète ayant un pot au lait
Bien posé sur un coussinet, Prétendait arriver sans encombre à la ville.
Légère et court vêtue, elle allait à grands pas, etc..
mais trois vers sur quatre seulement ont cette valeur descriptive.
Le vers 3, qui semble une
réflexion d'auteur, reste purement de valeur intellectuelle et explicative.
c) Valeur sentimentale.
Lié ou non à ces deux premières valeurs, un mot peut encore prendre
une valeur affective agréable ou désagréable.
Les mots triste, tristesse, tristement,
mélancolique, martyr, etc.
ont directement une telle teneur.
Certains écrivains se caractérisent
par le fait qu'ils aiment écrire dans telle tonalité plutôt que dans telle autre : si Victor Hugo,
Chateaubriand, le Flaubert de Salammbô, insistent sur le registre sensoriel, Rousseau,
Lamartine, ne donnent bien souvent à notre esprit que ce retentissement sentimental dont nous
parlons, comme le montre cette période tirée
d'une lettre de Rousseau à M.
de Malesherbes :
« Quand mes douleurs me font tristement mesurer la longueur des nuits, et que l'agitation de
la fièvre m'empêche de goûter un seul instant de sommeil, souvent je me distrais de mon état
présent, en songeant aux divers événements de ma vie; et les repentirs, les doux souvenirs, les
regrets, l'attendrissement se partagent le soin de me faire oublier quelques moments mes
souffrances ».
d) Valeur musicale.
Enfin, en liaison le plus souvent avec son sens, mais aussi quelquefois
avec ses sonorités (par exemple syllabe longue ou brève, ou bien voyelle ouverte ou fermée)
chaque mot est doué d'un pouvoir musical, lui aussi agréable ou désagréable, donc très propre
à marquer tel ou tel sentiment.
Le vocabulaire qu'on a qualifié, d'une façon peut-être exagérée
de poétique : azur, onde, cavale, céruléen, possède souvent cette puissance incantatoire.
Et
tout le monde connaît le fameux sonnet de Mallarmé auquel l'accumulation de mots à
sonorités en i confère un aspect « constrictif » :
Quand du stérile hiver a resplendi l'ennui
ou ce vers crispant, tiré d'un autre sonnet du même auteur :
Aboli bibelot d'inanité sonore,
crispant, car tout entier fondé sur de subtiles dissonances.
Un même mot, en général, peut avoir plusieurs de ces valeurs (c'est ainsi que le passage cité
sur la laitière Perrette est à la fois pittoresque — selon l'art de la litote cher au réalisme
classique — et gai, pimpant grâce aux è ouverts des mots utilisés) il peut même,
exceptionnellement, les avoir toutes.
On voit par là l'importance de tel mot dans telle phrase; donc l'importance du travail, de l'art
dans la phrase littéraire et le sens dans lequel devra se faire la « correction ».
Aussi l'étude des
premiers jets d'auteur, des brouillons successifs, des corrections est-elle significative à ce
point de vue.
II.
— Polyvalence indirecte :
Mais cette polyvalence plus ou moins directe de chaque mot se double d'une polyvalence
indirecte, fondée sur les mécanismes complexes de l'activité cérébrale.
On parle alors
d'imagination mais dans un tout autre sens que précédemment, car on n'imagine plus la chose
que représente le mot mais une autre chose qui est liée souvent subtilement à la première.
Ainsi les sonorités d'un mot peuvent suggérer un sentiment, une sensation, une idée, qui,
même abstraite peut susciter à son tour un sentiment, voire une sensation comme dans cette
image épique de Victor Hugo :
Impossible d'afficher l'image liée.
Le fichier a peut-être été déplacé, renommé ou supprimé.
Vérifiez que la liaison pointe v ers le fichier et l'emplacement corrects.
Ainsi dans le sommeil, notre âme d'effroi
Parfois, s'évade et sent derrière elle l'haleine
De quelque noir cheval de l'ombre et de la nuit.
(L'Aigle du Casque)
A la base de ces suggestions se trouvent généralement : 1) une
association d'idées : par exemple le son du cor évoquant pour Vigny la
mort héroïque de Roland (Le Cor); ou « le bois retentissant sur le pavé
des cours » devenant pour Baudelaire, dans Chant d'Automne....
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