La beauté mystérieuse du chat fascine les artistes depuis l'Antiquité égyptienne. Trois poèmes des Fleurs du Mal célèbrent sa ressemblance...
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La beauté mystérieuse du chat fascine les artistes depuis l'Antiquité égyptienne.
Trois
poèmes des Fleurs du Mal célèbrent sa ressemblance avec la femme aimée, sa noblesse
sensuelle qui lui attire l'affection des « amoureux fervents » et des « savants austères »
(Sonnet LXVI).
Charles Cros, contemporain de Baudelaire, mari déçu par sa femme et
scientifique méconnu, aimait lui aussi les chats.
Dans son recueil Le Coffret de santal un poème, « Berceuse », peint son amitié pour l'un
d'entre eux.
L'originalité réside ici dans l'identité parfaite entre l'homme et l'animal,
soumis également à la cruauté de la femme.
Mais leur tragédie est traitée sur un ton
léger, adoucie par la tendresse de leur sommeil commun.
En effet, trois thèmes se mêlent dans cette série de six strophes : la complicité du poète
et de son compagnon, la déception due à un amour trahi et la recherche d'une
consolation.
« Berceuse » décrit un couple uni, omniprésent, dont les relations hésitent entre l'amour
et l'amitié.
Comme dans un poème d'amour, les pronoms lient le poète et son chat : « je » ou « moi
», « tu » ou « toi » alternent, le « nous » apparaît au début et à la fin.
La scène retrace
une nuit passée dans le même lit, comme s'il s'agissait d'époux habitués à dormir
ensemble depuis longtemps, mais qui goûtent encore le plaisir de ce partage tendre.
Les
deux êtres vivent dans un parallélisme parfait.
Chaque sizain retrace une étape de la min
: le coucher (strophes 1 et 2), un rêve en trois parties (s.
3, 1 il 5) qui s'achève pour
chacun en un cauchemar semblable, puis le réveil au matin (s.
6).
Au sein des strophes 3
et 4, chacun des tercets est consacré au chat puis à l'homme, mais la monotonie d'un tel
procédé s'estompe dans les autres sizains, où ils se partagent les vers de façon moins
symétrique.
Enfin, les deux partenaires sont présents dans un même vers au début et à
la fin du texte (v.
1 et 35).
Cette communion survit à l'aube : l'un et l'autre s'alimentent
; même séparés ils agissent à l'unisson (s.
6).
Au vers 16, « Comme chaque nuit »
confirme qu'ils vivent ensemble depuis longtemps.
Le parallélisme est accentué par la tendresse, que montrent l'hommage de l'homme à la
beauté physique du chat (« tes yeux fins», v.
13), sa connaissance approfondie des actes
qu'il va commettre, ou du contenu de ses rêves.
Réciproquement, l'auteur n'a pas besoin
d'expliquer à son ami l'identité de la mystérieuse « Elle ».
L'intimité est présente par la
douceur des gestes quotidiens et des sentiments.
Le confort règne dans le cérémonial du
coucher : l'homme a éteint la douce lumière d'une bougie (v.
2-3), le lit est « bien
chauffé » (v.
8), tout se prête au repos puisque ni l'un ni l'autre n'ont bu un café (v.
7)
qui aurait pu les tenir éveillés.
L'impératif « Endormons-nous » se trouve donc confirmé
ensuite par des futurs qui traduisent la certitude de plonger dans le sommeil : « Tu vas
penser » (v.
4), « Nous dormirons » (v.
10), « Tu ronronneras » (v.
11), « J'oublierai
l'heure» (v.
12).
La douceur de ces instants où la conscience s'assoupit est suggérée par
le ronron du chat, signe de bien-être, ses yeux « appesantis » (v.
13), et la position des
corps, tendrement enlacés « pattes dans bras » (v.
10).
Ce couple n'est cependant pas un couple d'amoureux traditionnels.
L'originalité de C.
Cros est déjouer sur l'ambiguïté de l'identité du chat et de leurs relations.
Certains détails
assimilent l'animal à un être humain : le vers « Nous n'avons pas pris de café » (v.
7),
l'emploi du mot savant « oaristys ».
La condition féline s'efface presque au centre du
poème : les vers 13 et 14, 19 à 21, 25 et 26 pourraient s'appliquer à un humain.
Seuls la
gouttière et le toit évoquent discrètement le décor familier des chats ; « griffé, mordu »
illustrent la violence des combats d'animaux.
L'art du poète nous fait passer, par un
enjambement, de l'univers humain des oaristys au paysage familier du chat de «
gouttière » (v.
14-15).
Inversement, toujours au milieu du poème, la femme pleure
comme un crocodile (v.
23-24).
Mais le début et la fin mentionnent nettement la nature
du compagnon : « petit chat noir » et « matou » encadrent le texte.
Le verbe «
ronronneras », les « oiseaux », les « félins museaux » et les «souris» évoquent
clairement les caractéristiques de ce mammifère.
L'expression «pattes dans bras»
évoque une position amoureuse tout en la niant par le rappel de l'identité réelle des
partenaires.
Rien ne suggère une véritable sensualité.
Seule les unit une complicité amicale et tendre.
Il s'agit en fait de deux mâles (« l'homme et le matou », v.
35) qui aiment ailleurs :
l'amour n'est présent que par le couple brisé qu'ils forment avec la femme et la chatte
infidèles qui hantent leurs rêves.
Cet amour est plus banal que la relation du poète et de son chat.
Pour l'auteur, il s'agit
d'un fait autobiographique, comme en témoigne ailleurs dans son œuvre un court texte
en prose, L'homme qui a trouvé.
On pourrait résumer l'aventure en quelques lignes :
l'épouse de C.
Cros le trompe avec un homme qu'elle prétend son cousin, le chat est
trahi par une femelle qui lui préfère un rival.
Les deux esseulés tentent de se consoler
dans l'alcool et l'amitié, mais font des cauchemars où l'amant les tue.
L'auteur cependant
ne s'exprime pas aussi crûment.
Sans doute a-t-U d'ailleurs inventé à son chat une telle
aventure pour pouvoir évoquer plus discrètement la sienne.
L'art de la suggestion consiste ici à ne révéler la trahison que progressivement, par
l'intermédiaire du parallèle avec le chat et à travers les imprécisions d'un rêve.
Les
indices sont d'abord vagues : seule la majuscule du pronom « Elle », au vers 6, indique
qu'il s'agit de la femme aimée.
Dans la seconde strophe, une parenthèse énigmatique, «
(Qui veille pleure) », introduit l'idée de la....
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