Jean-Paul Sartre 1905-1980 ou /'Existence en face Essai de définition La parution de la Nausée en 1938 est une date...

« Jean-Paul Sartre 1905-1980 ou /'Existence en face Essai de définition La parution de la Nausée en 1938 est une date dans l'histoire de !'Existentialisme.

Cette doctrine philosophique, dont l'initiateur avait été le philosophe danois Sôren Kierkegaard (1813-1855), et que les philosophes allemands Karl Jaspers (1883-1969) et Martin Heidegger (1889-1976) avaient reprise et continuée, prend avec Jean-Paul Sartre en France un aspect particulier.

De théorie abstraite, elle devient expérience concrète.

C'est pourquoi !'Existentialisme s'exprime chez Sartre non seulement dans ses œuvres authentiquement philosophiques, mais aussi, et surtout, dans ses romans et dans ses pièces de théâtre. Traditionnellement, la pensée philosophique s'est tournée vers les Idées abstraites (les Idées mathématiques ou l'Idée du Beau).

Au contraire, !'Existentialisme s'intéresse aux situations concrètes (celles de l'homme dans sa vie quotidienne) et aux expériences affectives immédiates (la solitude, le désespoir de l'homme plongé dans le monde, l'angoisse, la nausée).

Depuis les années 20, !'Existentialisme, phénomène européen, tend à substituer à la réflexion philosophique de type cartésien, intellectuelle, une dynamique qui corresponde mieux à la réalité.

C'est ainsi que Roquentin, le héros de la Nausée de Sartre, expérimente son existence et celle des objets quotidiens à travers une réaction affective coupée de l'esprit purement logique. Ce qui prime, c'est le fait d'exister, de se sentir présent sur cette terre et dans le monde.

Quant à notre nature, notre réalité profonde, elles résultent de notre action : je suis jeté dans le monde, je me construis et me forge en même temps.

En somme, ma nature est le fruit de ma totale liberté.

Pour cette raison, Sartre affirme que l'existence précède et crée l'essence (je me crée à travers les différentes situations, lâche ou courageux, travailleur ou paresseux, etc.). Les notions de destin et de déterminisme sont réfutées : il n'y a plus que des « existants » en train de se faire eux-mêmes.

Comme il est possible à tout moment qu'une chose arrive ou non, c'est dans leur choix que réside leur liberté.

Ils sont les artisans de leur propre existence. Mais un tel processus comporte des risques.

Il accentue la fragilité de l'homme qui appréhende ce nouvel exercice de sa liberté avec le désespoir de ceux qui ont à décider pour eux-mêmes.

Il peut en résulter un sentiment de solitude ou d'incommunicabilité avec les autres qui rend cet existant étranger à ses semblables et risque de le faire basculer dans l'angoisse du néant.

La solidarité est alors capable d'agir et de transformer l'Existentialisme en un véritable humanisme. Philosophie et roman Normalien, agrégé de philosophie, Jean-Paul Sartre acquiert au cours de ses études et de sa carrière professorale une connaissance approfondie de la pensée des grands philosophes.

Lors d'un séjour à l'Institut français de Berlin (1933-1934), il suit les cours du philosophe allemand Edmund Husserl (1859-1938), fondateur de la phénoménologie', dont les recherches ont un retentissement considérable sur lui. Sartre exposera les éléments de sa propre doctrine dans un ouvrage capital, l'Être et le néant (1943).

Mais, dans ces années fiévreuses de l'après-guerre, où la jeunesse attend une réponse à ses aspirations encore inquiètes et à son légitime élan de liberté, Sartre s'est déjà imposé avec la Nausée comme un maître à penser. 1.

Doctrine qui repose sur l'éveil de la conscience par le moyen de l'expérience. La toile de fond du roman, c'est la province.

Sartre y a vécu, à La Rochelle d'abord, où il a suivi sa mère en 1916, au Havre ensuite où il a enseigné et qu'il décrit à présent sous le nom de Bouville.

Son héros, Antoine Roquentin, s'accommode de la médiocrité qui l'environne, occasion pour Sartre de caricaturer cette hiérarchie sociale et bourgeoise qu'il hait'.

Roquentin constate que les gens ont besoin de vivre ensemble, de « se mettre à plusieurs » pour exister, alors que lui est« entièrement seul », occupé à écrire une biographie historique.

Un jour, il est saisi d'une envie de vomir, d'une nausée 2• li lui faudra longtemps pour la définir comme une «illumination », comme une « aveuglante évidence».

Tout ce qui l'entoure, et plus particuliè· rement les objets, lui donne le sentiment qu'il existe : « J'étais apparu au hasard, j'existais comme une pierre, comme une plante, comme un microbe.

Ma vie poussait au petit bonheur et dans tous les sens.

» Il inscrit dans son journal les menus faits quotidiens qui font progressivement éclater la vérité, le «J'existe» répété inlassablement de page en page, le secret de son existence captée «en train de naître». Plus tard, Sartre conclura son essai sur Baudelaire (1947) par ces mots:« Le choix libre que l'homme fait de soi-même s'identifie absolument avec ce qu'on appelle sa destinée.» Tel sera le thème des trois romans que Sartre réunit sous le titre des Chemins de la liberté (1945, l'Age de raison; 1945, le Sursis; 1949, la Mort dans l'âme) : il y développe l'idée que sans action collective, le sentiment de l'existence est absurde.

Il tente de définir une morale athée et anticonformiste de la liberté.

Déjà les cinq nouvelles réunies dans le Mur (1939) offraient un tableau saisissant de la condition humaine et des choix déchirants devant lesquels le libre arbitre place l'homme. 1.

La Nausée porte la marque des romans de Céline, parus de 1932 à 1936. 2.

Le premier titre proposé par Sartre était Melancho/ia.

C'est son éditeur, Gaston Gallimard, qui a choisi celui de /a Nausée. Le théâtre Les pièces de Sartre proclament ces mêmes idées avec une véhémence plus grande encore.

Dans les Mouches (1943), pièce créée sous l'occupation allemande, on voit Oreste jeter un défi aux dieux et aux tyrans.

Au-delà du cri de révolte contre le régime qui sévissait alors, c'est contre toutes les oppressions que s'élève Sartre dans un appel à la liberté.

Oreste, poursuivi par les «mouches», les Erinyes, détourne sur lui fautes et remords (cf.p.

83), afin que les autres puissent enfin tenter de vivre. Morts sans sépulture et la Putain respectueuse préparent le drame politique des Mains sales (1948) où s'affrontent deux idéologies de l'action.

Le militant Hoede-rer, qui n'a pas peur de« se salir les mains», agit dans un souci d'efficacité politique (il privilégie le succès de son entreprise).

Quant à Hugo, c'est un pur idéaliste et un réaliste.

Les pièces qui suivront (le Diable et le Bon Dieu, Nekrassov, les Séquestrés d'Altona) n'atteindront pas cette densité tragique. En 1964, Sartre relate dans les Mots les souvenirs de son enfance et l'éveil de sa vocation philosophique. Dans les sept volumes des Situations, il rassemble des textes qui constituent le bilan de son expérience littéraire et politique.

Ecrivain des « temps modernes», titre de la revue qu'il a fondée, il restera comme le théoricien, le romancier et le dramaturge d'une morale de l'action et de la liberté en laquelle il voyait l'essentiel de l'humanisme d'aujourd'hui. Jean-Paul Sartre ou /'Existence en face 1905-1980 Essai de définition La parution de la Nausée en 1938 est une date dans l'histoire de !'Existentialisme.

Cette doctrine philosophique, dont l'initiateur avait été le philosophe danois Sôren Kierkegaard (1813-1855), et que les philosophes alle­ mands Karl Jaspers (1883-1969) et Martin Heidegger (1889-1976) avaient reprise et continuée, prend avec Jean-Paul Sartre en France un aspect particulier.

De théorie abstraite, elle devient expérience concrète.

C'est pourquoi !'Existentialisme s'exprime chez Sartre non seulement dans ses œuvres authentiquement philosophi­ ques, mais aussi, et surtout, dans ses.... »