Japon (1984-1985) Priorité à l'Asie L'année 1984 a été la meilleure qu'ait connue le Japon depuis 1978. Dominée par les...
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Japon (1984-1985)
Priorité à l'Asie
L'année 1984 a été la meilleure qu'ait connue le Japon depuis 1978.
Dominée par
les préoccupations de politique intérieure, elle a été marquée, en novembre, par
la désignation par consensus des dirigeants du Parti libéral-démocrate (PLD) de
M.
Yasuhiro Nakasone comme président du parti - et donc comme Premier ministre pour un nouveau terme de deux ans.
Affaibli par le revers de son parti aux
élections de décembre 1983, M.
Nakasone s'est employé tout au long de l'année
1984 à rétablir sa position et à juguler les ambitions de "nouveaux leaders"
comme MM.
Abe, Miyazawa ou Takeshita, représentants de factions rivales qui
aspiraient tous au poste de chef du Gouvernement.
Il a finalement obtenu sa
renomination sans passer par l'organisation de "primaires" au sein du parti, en
s'imposant comme le seul candidat possible à la direction des affaires.
Il y est
parvenu notamment grâce à l'appui personnel de l'ex-Premier ministre, Kakuei
Tanaka, chef de la plus puissante des factions du PLD (qui l'avait porté au
pouvoir en 1982).
Malgré la condamnation de M.
Tanaka pour corruption en 1983,
et les promesses de M.
Nakasone de réduire son influence sur la vie politique,
la relation entre les deux hommes est demeurée étroite, et leur alliance a
dominé le parti au pouvoir.
Réarmement moral ...
et militaire
M.
Nakasone a mis l'accent sur des thèmes de politique intérieure chers aux
Japonais.
Exploitant le désarroi provoqué dans les familles par la
multiplication, ces dernières années, d'actes de violence ou de vandalisme dans
les écoles, des suicides d'adolescents et de conflits parents-enfants, il a fait
de la "réforme du système éducatif" une des priorités de son action.
En
septembre 1984, il a mis sur pied un Conseil extraordinaire chargé d'élaborer
une réforme en profondeur du système mis en place après la guerre par les
Américains.
Cette initiative a été violemment critiquée par le syndicat des
enseignants, qui a accusé le Premier ministre de vouloir restaurer certains
éléments du système éducatif impérial d'avant-guerre.
Mais elle a été bien
accueillie dans la population, de même que la poursuite des efforts du
gouvernement pour restaurer les finances publiques par la "réforme
administrative" - c'est-à-dire le dégraissage de l'administration et la
dénationalisation de certaines entreprises publiques.
Cette "réforme administrative" a connu sa première application avec l'adoption
par la Diète (Parlement), à la fin 1984, du projet de loi privatisant la Nippon
Telegraph & Telephone (NTT), entreprise nationale de télécommunications qui
emploie 350 000 personnes.
Cette privatisation, effective en avril 1985, doit
être suivie d'opérations similaires touchant le Japan National Railways (chemins
de fer nationaux) et le monopole des tabacs et du sel.
Au début de 1984, le
gouvernement avait également fait adopter une réforme du système
d'assurances-maladie ayant pour effet d'augmenter le ticket modérateur.
Tout en poursuivant sa lutte pour l'assainissement des finances publiques, M.
Nakasone a mis en avant les succès technologiques et la puissance économique du
pays, mais aussi les valeurs "traditionnelles" japonaises, pour affirmer la
nécessité d'une révision des valeurs et des systèmes imposés après la défaite de
1945 par l'occupation américaine.
L'Exposition internationale des sciences et
des techniques, qui a ouvert ses portes le 16 mars 1985 à Tsukuba, près de
Tokyo, a symbolisé cette aspiration du Japon à jouer un rôle de "leader"
technologique, doublée d'une réaffirmation de l'identité japonaise.
Début 1985, M.
Nakasone a provoqué de nouvelles controverses en étant le premier
chef de gouvernement de l'après-guerre à participer aux cérémonies du 11
février, date de la fondation de l'Empire et jour de la fête nationale avant
1945.
Il restait néanmoins le dirigeant le plus populaire depuis dix ans avec
58% d'opinions favorables, en décembre 1984.
Poursuivant une évolution accélérée dès son arrivée au pouvoir à la fin de 1982,
M.
Nakasone a par ailleurs continué d'augmenter les crédits accordés à la
défense nationale et de renforcer les liens entre les Forces d'autodéfense
(forces armées japonaises) et les forces américaines dans le Pacifique.
Selon le
projet de budget 1985, les dépenses militaires devaient atteindre 12,5 milliards
de dollars, soit une augmentation de 7% sur l'année précédente (alors que
l'ensemble du budget ne progressait que de 0,4%).
Le plafond symbolique (adopté
en 1976), qui limitait à 1% du PNB les dépenses de défense, sera donc
certainement crevé en 1985.
La priorité a continué d'être donnée au renforcement
des capacités japonaises de lutte anti-aérienne et de lutte anti-sous-marins,
dans l'objectif de donner à l'armée les moyens de contrôler les voies maritimes
dans un rayon de 1 000 miles (1 600 kilomètres) autour de l'archipel,
conformément aux engagements souscrits auprès des États-Unis par M.
Nakasone, à
son arrivée au pouvoir.
Selon la presse japonaise, le gouvernement aurait
décidé, en novembre 1984, d'installer une importante base militaire sur l'île
d'Iwojima, à 1 000 kilomètres au sud de Tokyo.
La poursuite de cet effort de réarmement est allée de pair avec une évolution
sensible, quoique discrète, dans l'attitude du Japon à l'égard des armes
nucléaires.
Tout en affirmant sa fidélité aux "trois principes non nucléaires"
(ne pas fabriquer, ne pas importer, ne pas stocker d'armes atomiques), M.
Nakasone a en fait autorisé implicitement le mouillage de navires de la marine
américaine porteurs d'engins nucléaires dans les ports japonais, comme l'a
illustré la visite, en décembre 1984, du porte-avions à propulsion nucléaire
Carl Vinson dans le port de Yokosuka.
Certains responsables japonais sont même
allés jusqu'à défendre la possibilité d'utilisation d'armes nucléaires tactiques
sur le sol japonais en cas d'invasion du pays.
L'intégration croissante de cette défense japonaise, renforcée, dans le
dispositif stratégique américain, s'est manifestée en 1984, comme en 1983, par
la multiplication des manoeuvres conjointes entre troupes américaines et
japonaises, ainsi que par des réunions de coordination et de planification de
plus en plus fréquentes entre responsables des deux armées.
De manière moins
visible, la coopération militaire nippo-américaine s'est traduite par la mise en
route du processus de transfert de technologies à usage militaire, du Japon vers
les États-Unis.
Plusieurs missions du Pentagone se sont rendues à Tokyo dans le
courant de l'année 1984 pour y discuter de ce programme, autorisé par M.
Nakasone l'année précédente.
Il pourrait se développer en particulier dans le
cadre du projet de défense dans l'espace ("Guerre des étoiles") lancé par le
président américain Ronald Reagan.
M.
Nakasone a exprimé sa "pleine
compréhension" pour ce projet, qualifié de "système révolutionnaire" pouvant
aboutir au désarmement nucléaire.
L'intérêt pour le Japon d'un système de
défense qui dépasserait la génération du nucléaire est manifeste.
Un rôle nouveau en Asie
C'est à l'occasion de sa rencontre au sommet avec le président Reagan, à Los
Angeles, le 2 janvier 1985, que M.
Nakasone a fait connaître son intérêt pour le
projet américain.
Ce sommet, le cinquième en cinq ans, a confirmé l'étroitesse
de la relation entre les deux hommes et les deux pays.
Il a été l'occasion de
relancer le concept de "Communauté du Pacifique" qui est devenu, en 1984, une
des bases de la politique étrangère japonaise.
Tout en se défendant de vouloir
oeuvrer à la construction d'une organisation structurée à objectifs militaires
ou politiques sur le modèle de la CEE ou de l'OTAN, le Japon ne cache pas son
intention de "prendre des initiatives" pour favoriser la coopération économique,
scientifique et culturelle entre les pays de la région, dans le but
d'"harmoniser" leur développement.
Il s'agit évidemment pour Tokyo de renforcer
ses liens et d'étendre son influence dans une zone où le Japon tire la majorité
de ses matières premières, avec laquelle il réalise déjà des échanges plus
importants qu'avec l'Amérique du Nord ou l'Europe, et dans laquelle il est
devenu le premier investisseur, le premier partenaire et le premier donneur
d'aide (l'Asie reçoit 50% de l'aide japonaise au développement).
L'action diplomatique du Japon a donc été tournée de plus en plus vers l'Asie.
En septembre, M.
Nakasone a reçu à Tokyo le président sud-coréen, Chun Doo Hwan,
premier chef d'État coréen à visiter le pays depuis un millénaire.
Ce voyage,
hautement symbolique - il a donné lieu à une rencontre entre l'empereur Hiro
Hito et M.
Chun -, a consolidé la relation stratégique de plus en plus étroite
entre les....
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