Introduction On peut introduire sur le problème de la création littéraire: alors que, dans la création romanesque, il semble bien...
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Introduction
On peut introduire sur le problème de la création littéraire: alors que, dans la création
romanesque, il semble bien que ce soit avant tout ses personnages que rencontre
l'auteur (en lui et dans la vie), un dramaturge contemporain estime que ce ne sont pas
les personnages qui s'imposent d'abord au créateur théâtral, mais un réseau de relations
humaines et poétiques, ce qu'il appelle pièce » : « Une pièce n'est pas faite pour les
personnages, mais les personnages pour la pièce », affirme en effet Armand Salacrou.
On voit le caractère un peu paradoxal de la formule, surtout si l'on pense à l'explication «
psychologique » à laquelle le théâtre classique a habitué le spectateur; mais, à la
réflexion, il apparaît que très souvent le dramaturge a une « mélodie » scénique à jouer
plus que des personnages à faire vivre, ce qui veut pas dire que le personnage théâtral
ne vit pas, mais il vit dune manière particulière, dans un monde particulier.
I.
La primauté des liens scéniques.
Ecarter des cas intéressants, mais faciles, où l'auteur veut appliquer des théories ou
exposer des idées.)
1.
Primauté du système théâtral.
De nombreuses pièces doivent le jour à la volonté
d'illustrer une dramaturgie; par exemple, entre : :i d'autres, la Cléopâtre de Jodelle et
surtout divers drames romantiques : Hernani de Hugo, Othello de Vigny, etc....
2.
Primauté d'un système d'idées.
D'autres auteurs veulent illustrer me thèse :
certains défendent un véritable système philosophique Curel, Gabriel Marcel, Gide, etc.),
mais, sans même aller si loin, la plupart sont préoccupés d'étudier un certain type de
rapports humains qui, généralement, caractérise leur théâtre : Corneille semble plus
soucieux d'enfermer Chimène, Rodrigue, Don Diègue et Don Gormas dans un mécanisme
où éclateront leur gloire » et leur « générosité » que de peindre en détail un héros de son
choix.
La meilleure preuve en est qu'il peut faire jouer ion système théâtral avec des
individus moralement méprisables, comme la Cléopâtre de Rodogune.
C'est que le
théâtre, plus que lente et fine psychologie, est rapports entre les personnages.
On
parlera plus facilement de situation théâtrale que de situation romanesque (quand on
parle de « situation romanesque », on ne se réfère pas tellement au genre du roman, on
veut dire situation extraordinaire comme dans les mauvais romans; au contraire quand
on parle de situation théâtrale, on pense expressément au genre littéraire
correspondant).
3.
Primauté d'un univers dramatique.
Les cas précédents sont encore un peu
particuliers, car ils s'appliquent à des auteurs qui ont une certaine conception du genre
théâtral ou de l'homme.
Ce que veut signifier exactement Salacrou, c'est que, de par la
nature même du genre, un dramaturge conçoit plutôt sa pièce que ses personnages.
En
d'autres termes, ce qui est premier, c'est la volonté d'imposer une certaine unité
dramatique, une certaine harmonie qui est proprement théâtrale.
Salacrou pense à la «
vie poétique de la pièce » : ainsi Andromaque de Racine n'est ni l'illustration d'un
système dramatique ni la présentation d'un certain nombre d'idées sur l'homme, c'est
avant tout un certain univers où tous les personnages poursuivent une ombre, ombre
d'un amour qui échappe ou ombre d'un mort — univers de l'irréel où chacun voit les
autres comme il voudrait qu'ils soient.
Le destin même qui domine cette pièce n'est
guère une idée sur l'homme, mais là encore une sorte d'atmosphère étroitement en
harmonie avec cette passion de l'impossible.
Salacrou semble être en accord avec les
plus grands créateurs; la primauté d'un caractère unique, amoureusement travaillé par
son auteur est bien souvent une faute théâtrale : bien souvent ce héros privilégié qui
hante son auteur n'est autre que l'auteur lui-même.
Rostand, Montherlant trouvent
précisément leurs limites dans cette incapacité à sortir de quelques caractères toujours
semblables et Mallarmé dut renoncer au théâtre faute de pouvoir concevoir un
personnage différent de lui-même (cf.
Hugo qui déclarait : « Génie dramatique : être les
autres »).
II.
Puissance de vie du personnage théâtral.
Et pourtant une fois l'œuvre écrite, si elle est bonne, il est incontestable que certains
personnages se lèvent pour vivre d'une vie puissamment indépendante de celle de la
pièce : d'où il résulte cette illusion que la pièce a été créée pour ces personnages.
1.
L'illusion psychologique.
En effet pour le spectateur, l'importance du personnage
est extrême : la présence physique de l'acteur la lui impose, alors que l'harmonie
scénique, plus subtile, peut lui échapper en partie.
Le commentaire le plus simple du
spectateur moyen porte sur le personnage : « Il est ceci, il est cela »....
Le spectateur
populaire va même jusqu'à prendre parti, à le juger moralement, comme un vivant, mais
un vivant plus significatif et mieux tranché.
Le spectateur plus lettré, celui notamment
qui lit la pièce, est plus sensible au dialogue, ce qui accroît encore l'illusion que la
psychologie est le but de la création théâtrale.
2.
Le théâtre, grand fournisseur de types.
Pour toutes ces raisons le théâtre laisse
avant tout des souvenirs de types plus que d'intrigues (souvent difficiles à saisir) ou de
descriptions, qui sont rares.
Aussi toute une humanité théâtrale se mêle à nos pensées :
qu'il y ait conflit entre la morale et la loi et nous songeons à Antigone, qu'un jeune
homme souffre de la destinée et c'est un Hamlet, qu'un homme trop vertueux veuille
corriger ses semblables et on l'appelle un Alceste; devant le malheur d'une femme veuve
et mère, l'ombre d'Andromaque nous suggère une noble pitié, etc....
3.
Ces types sont indépendants de leur intrigue particulière.
Le....
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