Indonésie 1981-1982 Sombres nuages La vie politique indonésienne a été dominée en 1981 par la volonté de Suharto de légitimer...
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Indonésie 1981-1982
Sombres nuages
La vie politique indonésienne a été dominée en 1981 par la volonté de Suharto de
légitimer les mécanismes institutionnels de son pouvoir, en préparant les
élections législatives de mai 1982 et présidentielle de mars 1983.
Le président
est élu par l'Assemblée consultative du peuple, composée de membres choisis sur
des listes en fonction des forces respectives de chaque parti et, pour un tiers
(soit plus de 300 personnes), d'individus nommés par le président.
Cette
assemblée fixe aussi les orientations politiques pendant cinq ans.
Le débat politique essentiel dont ce mécanisme a été l'objet n'a pas été mené
par les soi-disant partis d'opposition (Parti du développement et de l'unité,
musulman ; Parti démocratique indonésien, chrétien et nationaliste), mais par un
groupe de généraux à la retraite, de politiciens et d'intellectuels qui avaient
soutenu la prise du pouvoir de Suharto.
En 1980, ils avaient constitué le
"groupe des 50" qui avait envoyé une pétition au Parlement critiquant certains
discours du président.
En 1981, ils se sont opposés à la volonté de Suharto de
nommer des membres à l'Assemblée consultative et ont dénoncé le Koptamtib
(Commandement pour la restauration de la sécurité et de l'ordre), corps
extra-constitutionnel développant un réseau de sécurité pour éviter un coup
d'État communiste.
Le nombre des mécontents allait s'étendre: en septembre, 360 personnes signaient
une pétition demandant une session spéciale de l'Assemblée consultative pour
modifier la loi électorale et critiquant l'absence de tout progrès vers la
démocratie politique.
Le gouvernement a répondu à ces contestataires (parmi
lesquels se trouvent le général à la retraite Nasution et l'ancien gouverneur de
Djakarta, le général Ali Sadikin) en les isolant et en les privant de toute
possibilité de s'exprimer publiquement.
Toute critique est contrôlée et les
dirigeants sont persuadés d'être les garants de ce que peut savoir le peuple: ce
dernier, sensible à toute agitation, doit être protégé...
par les forces armées!
En août, Suharto allait diffuser l'idéologie officielle: Pancasila, les "cinq
principes", à savoir croire en Dieu, internationalisme (ou humanitarisme), unité
nationale, démocratie et justice sociale.
Il étendit même cette idéologie à une
vision de l'économie fondée sur une mosaïque de coopératives.
Dans le domaine
politique, Pancasila sert surtout à justifier le dwifungsi des militaires,
c'est-à-dire la double fonction qu'ils occupent dans la société, à la fois
civile et militaire.
Sur 300 000 militaires, environ 40 000 occupent en effet
déjà des postes civils.
Les deux tiers environ des administrations provinciales
sont dirigées par des militaires, et l'armée a son propre système administratif,
parallèle à celui du ministère des Affaires intérieures.
Cette idéologie vise
aussi à contrecarrer tout fanatisme religieux, notamment islamique.
Cela
explique la réaction extrêmement brutale du gouvernement au détournement d'un
avion des lignes indonésiennes en mars par cinq membres d'une faction radicale
islamique, qui demandaient la libération de quatre-vingts prisonniers, une
rançon, la démission du vice-président Malik pour corruption et l'expulsion de
tous les Juifs.
Ils seront tués à Bangkok et la presse indonésienne n'aura pas
le droit de parler de cette affaire.
Une autre affaire a révélé la nature répressive du régime: en août 1980, le plus
grand écrivain du pays, Pramudya Ananta Tur, publiait son premier roman depuis
de nombreuses années (il a passé 14 ans en prison sans inculpation ni jugement).
En mai 1981, ce livre était interdit, et en octobre quatre étudiants étaient
emprisonnés après avoir organisé un débat avec Pramudya sur le rôle des
intellectuels dans le tiers monde.
Et si cet auteur n'était apprécié par le
vice-président (Pramudya sera présent au mariage de sa fille en juillet), il est
certain qu'il connaîtrait des jours encore plus difficiles.
Le gouvernement
cherche à museler toute opposition en n'informant pas la population et en
exerçant un régime de surveillance policière.
Dans le domaine judiciaire enfin, après trois ans de tâtonnement, un code de
procédure pénale était annoncé en septembre pour remplacer le système basé sur
la révision de 1941 du code pénal hollandais du XIXe siècle.
Ce code est un
compromis à l'avantage du gouvernement: la police (ici, un des quatre corps de
l'armée) se voit attribuer un rôle décisif, le pouvoir voulant se donner une
apparence légale tout en conservant la possibilité de recourir à des méthodes
discrétionnaires pour arrêter qui il veut.
De son côté, le Golkar, parti
gouvernemental s'appuyant sur les forces armées, a établi sa propre organisation
d'aide judiciaire face à l'Institut d'aide judiciaire de Djakarta qui s'est
illustré comme le défenseur des pauvres, des étudiants (lors des révoltes des
campus en 1978) et des ouvriers.
En 1981, la récolte de riz a atteint le niveau record de 22,16 millions de
tonnes, grâce à l'emploi de variétés résistant aux maladies.
Les stocks
s'élevaient à 2,8 millions de tonnes (pour surmonter toute famine en situation
électorale) et le pays en importait moins de 500 000 tonnes.
Si ces bonnes
récoltes réduisent depuis quelques années le poids des importations alimentaires
dans la balance commerciale, il n'y a pas cependant d'amélioration....
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