Inde 1983-1984 Une union en désunion L'Inde a été traversé en 1983 par de très nombreux conflits, reflétant parfaitement certains...
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Inde 1983-1984
Une union en désunion
L'Inde a été traversé en 1983 par de très nombreux conflits, reflétant
parfaitement certains traits de sa civilisation et de son système politique: ces
divers mouvements ont été alimenté par des oppositions entre fidèles de
religions différentes, par des luttes entre castes ou par des divergences
d'intérêts entre régions.
La révolte des Sikhs
Le Punjab est l'un des États de la fédération indienne qui a connu l'expansion
économique la plus forte dans la dernière décennie, notamment du fait d'une
progression remarquable de la production agricole.
Cette croissance a été
largement le fait d'une paysannerie moyenne, composée dans une très large
majorité de fidèles de la religion Sikh, apparue au XVIe siècle.
Les Sikhs ont
une conscience très forte de leur identité.
Ils ont, après bien des agitations,
obtenu la création d'un État où ils sont majoritaires, dans les années soixante.
Mais leur agitation a repris, depuis 1980 surtout, sur des bases nouvelles.
Les Sikhs se sentent de plus en plus menacés dans leur prépondérance à
l'intérieur du Punjab.
En effet, l'expansion agricole a attiré des populations
originaires de la vallée moyenne du Gange, de religion hindoue, tandis que
l'esprit d'entreprise des Sikhs conduit un grand nombre d'entre eux à émigrer au
moins temporairement vers les pays du golfe Persique.
Ainsi, les Sikhs craignent
de perdre la majorité dans les campagnes.
Ces craintes pour leur identité et
pour le maintien de leur domination sur le Punjab les ont conduits à durcir
leurs revendications dans le domaine légal.
Ils réclament notamment que leur
soit appliqué un code civil qui tienne compte de leurs coutumes, comme c'est
déjà le cas pour les musulmans.
De plus, ils souhaitent que les prescriptions de
leur religion, (interdiction de la consommation du tabac et de l'alcool par
exemple) soient rendues obligatoires, au moins dans leur ville sainte
d'Amritsar, l'une des plus importantes du Punjab.
Ils demandent aussi que la
législation indienne soit modifiée, de façon à leur permettre de conserver sur
eux leur poignard (dont le port est pour eux obligatoire) sur les avions des
lignes intérieures, où les armes de toutes natures sont interdites, par crainte
des détournements...
Ils ont aussi des revendications économiques.
Les agriculteurs Sikhs s'opposent
à la limitation des prix agricoles, et exigent que les eaux des rivières
himalayennes leur soient réservées en priorité, alors que de grands travaux ont
été faits pour les détourner vers des régions voisines, incluses dans les États
du Rajahstan et de l'Uttar Pradesh.
Il existe également un conflit larvé entre
les paysans Sikhs et les marchands des villes, souvent de religion hindoue.
Ainsi, les conflits religieux ont-ils aussi largement un aspect plus concret et
plus matériel.
Tous ces problèmes sont anciens ; mais ils ont été aggravés à partir de 1980 par
l'avènement d'un gouvernement régional entre les mains du Parti du
Congrès-Indira ("Congress (I)"), en remplacement d'un gouvernement de l'Akali
Dal, principale expression politique des Sikhs.
C'est alors que s'est enclenché
le cycle de la violence.
Les Sikhs modérés ont été largement débordés par des
mouvements extrémistes, comme celui qui est animé par Bhindrawale, qui s'est
doté de milices armées, retranchées dans l'enceinte du "Temple d'or" d'Amritsar.
Les jeunes Sikhs des campagnes, souvent originaires de milieux modestes qui
n'ont pas profité de la croissance économique, pratiquent une religion stricte,
et sont prêts à s'enrôler dans des mouvements violents.
Certains de ces
fondamentalistes, demandent même un État Sikh indépendant, le Khalistan,
revendication inacceptable pour le gouvernement central, qui la ressent comme
une menace majeure pour l'existence même de l'Union indienne.
À la violence des
Sikhs répond de plus en plus une violence des Hindous, qui organisent à leur
tour des milices armées, et prêtent l'oreille à des mouvements fondamentalistes
hindous.
Les mouvements de protestation, d'abord pacifiques, sont devenus de
plus en plus violents ; les assassinats de policiers, de personnalités proches
du gouvernement congressiste, se sont multipliés ; la violence policière s'est
accrue.
Le gouvernement central a longtemps temporisé et négocié.
Mais à l'automne 1983,
il a été amené à chasser le gouvernement du Congrès (I), et imposer le
"Président's Rule", qui place l'État sous la tutelle directe du président de
l'Union, représenté par le gouverneur.
Malgré cette mesure de fermeté, les
problèmes n'étaient pas résolus, et au début de 1984, la violence larvée a
éclaté.
De nombreux attentats réalisés par des Sikhs contre des policiers ont créé un
climat d'insécurité particulièrement malsain.
Et le 6 juin 1984, les forces
armées indiennes investissaient le Temple d'or d'Amritsar, qui abritait de
nombreux combattants Sikhs, dont le dirigeant du parti autonomiste Sikh Akali
Dal, Sant Harchand Singh Long, et le dirigeant fondamentaliste Sant Jarnail
Singh Bhindranwale.
Des combats très violents faisaient de nombreuses victimes
de part et d'autre.
Dans les jours qui suivaient cette attaque, d'importantes
mutineries éclataient dans des régiments sikhs de l'armée indienne.
La situation
a très vite été reprise en main par les autorités, mais le bilan, estimé, était
de 700 morts (dont 90 soldats), et plus de 3 000 arrestations de suspects.
Ces
derniers ont été rapidement libérés.
Indira Gandhi a été se recueillir dans le
Temple d'or le 23 juin 1984, où elle s'est entretenue avec des prêtres sikhs,
puis elle a été à l'hôpital pour féliciter les soldats de l'armée indienne.
Les
autorités religieuses sikhs ont fait part de leurs doléances à cette occasion.
Ainsi le dialogue a pu reprendre, mais il serait bien imprudent de croire la
question sikh réglée.
L'Assam convoitée
L'Assam est une plaine entourée de montagnes, isolée au nord-est du monde
indien.
Il a longtemps fait figure de région faiblement peuplée, tout à côté des
énormes accumulations humaines de la plaine du Gange et de son delta, le
Bengale.
Dès le XIXe siècle, notamment avec le développement des plantations de
thé sur les montagnes bordières, l'Assam est apparu comme une des rares régions
du monde indien où il y avait des besoins de main-d'oeuvre et de la terre
disponible ; des immigrants y sont donc venus en grand nombre.
Cette immigration
a continué dans les périodes les plus récentes, avec un aspect nouveau, lié aux
événements du Bengale, et à l'apparition de migrants qui sont aussi des
réfugiés.
Lorsque le Bengale oriental formait une partie du Pakistan (1947-71),
l'Union indienne acceptait de recevoir les hindouistes qui se sentaient menacés
dans un pays islamique.
Tout naturellement, en raison de la proximité, et de la
présence de terres disponibles, beaucoup de ces réfugiés se sont orientés ves
l'Assam.
Le mouvement s'est poursuivi après la création du Bangla Desh, en 1971,
pour des raisons économiques et politiques, car l'insécurité a continué à régner
dans la région, le Bangla Desh connaissant une histoire très agitée et de
nombreux conflits entre communautés.
L'Assam a donc une population de
composition complexe, avec des groupes bien différenciés, et des variations
importantes de leurs effectifs.
Ainsi coexistent plus ou moins pacifiquement:
les Assamais de souche ancienne, hindouistes, parlant l'assamais, souvent
riziculteurs des plaines ; les populations "tribales", ainsi nommées parce que
c'est la tribu et non la caste qui constitue le fondement de l'organisation
sociale (elles ont leurs langues et leur religion propres) ; les anciens
migrants, venus depuis plusieurs générations du Bihar ou du Bengale, bien
insérés dans l'État, travailleurs des plantations, marchands ou agriculteurs ;
et enfin les migrants récents, essentiellement Bengalis réfugiés, musulmans ou
hindouistes.
Les conflits entre ces communautés se sont aggravés au cours des dix dernières
années.
Les Assamais, craignant de perdre la majorité dans leur État, ont en
effet cherché à obtenir le départ des migrants et à stopper l'immigration.
Depuis une dizaine d'années, ils ont demandé, par la voix d'associations très
actives, bien implantées parmi les jeunes intellectuels, une définition stricte
de la nationalité indienne, permettant de considérer les migrants comme des
étrangers, et par conséquent leur interdisant de voter et d'être fonctionnaires.
Ces mouvements de protestation contre les étrangers ont déclenché des conflits
en chaîne.
En février 1983, lors d'une consultation électorale, la violence a
atteint son paroxysme, faisant au....
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