Inde 1981-1982 Le pouvoir d'Indira Après trois ans de traversée du désert, Indira Gandhi revenait au pouvoir en janvier 1980...
Extrait du document
«
Inde 1981-1982
Le pouvoir d'Indira
Après trois ans de traversée du désert, Indira Gandhi revenait au pouvoir en
janvier 1980 à la suite d'un triomphe aux élections législatives.
Son parti, le
Congrès, emportant plus des deux tiers des sièges à la chambre basse, écrasant
littéralement la coalition du Janata (peuple) qui l'avait balayée en 1975.
Début 1982, la popularité d'Indira Gandhi restait intacte: selon un sondage
réalisé dans quinze grandes villes de l'Inde par le magazine India Today, 60%
des Indiens se déclaraient satisfaits de leur Premier ministre.
Mais, toujours
selon cette enquête, les deux tiers des Indiens trouvaient aussi que "les choses
vont plutôt mal dans le pays".
Après deux ans de pouvoir, la popularité d'Indira
Gandhi était bel et bien "paradoxale": "India is Indira and Indira is India"
(l'Inde est toujours Indira et Indira est toujours l'Inde), comme l'affirmait
l'un des slogans de sa campagne électorale...
Mais la machine a des ratés.
L'Inde est plus violente que jamais: les heurts
entre castes et entre communautés religieuses se multiplient, l'État réprime de
plus en plus durement les manifestations politiques ou syndicales et dans l'État
de l'Assam, aux confins de l'Inde et de la Chine, seule l'armée arrive
péniblement à maintenir l'ordre.
Malgré ces tensions grandissantes, ces menaces
de désintégration de l'Union indienne, le charisme d'Indira demeurait
tout-puissant.
Elle seule paraissait savoir saisir la psychologie de ses 684
millions de concitoyens recensés en 1981.
Aucun dauphin au sein de son parti,
aucun leader de l'opposition ne peut lui contester le pouvoir.
Indira Gandhi
peut régner sans partage et elle a tout au long de l'année 1981 accentué le
caractère autoritaire de son pouvoir, sans pourtant revenir - comme certains
l'avaient craint - aux excès de l'état d'urgence décrété en 1975, qui lui
avaient valu de perdre le pouvoir en 1977.
Ses ministres sont des béni-oui-oui
qui n'ont pas leur mot à dire et qui apprennent souvent a posteriori les
décisions prises dans leur département à l'instigation directe du cabinet du
Premier ministre.
Autoritarisme et répression
Mais c'est dans le domaine social qu'Indira Gandhi est allée le plus loin dans
l'autoritarisme et la répression.
C'est là aussi qu'elle a rencontré les
oppositions les plus vives.
En juillet 1981, sous prétexte de lutter contre
l'inflation, le Premier ministre interdisait les grèves dans les secteurs dits
essentiels: chemins de fer, secteur énergétique, postes, téléphone, ports,
transports aériens, hôpitaux et défense.
Tout gréviste dans ces secteurs pouvait
être désormais sommairement jugé et emprisonné.
Cette loi a provoqué
l'opposition unanime de tous les syndicats (à l'exception de l'Indian National
Trade Union Congress, INTUC, qui dépend du Parti du Congrès) et des partis
d'opposition pourtant divisés et fragmentés.
Le jour de l'ouverture de la session parlementaire, en août, l'opposition
appelait à manifester et réunissait quelques milliers de personnes à New Delhi.
Mais c'est le 19 janvier 1982 qu'a eu lieu la manifestation la plus importante:
une grève générale à travers toute la péninsule.
Les lois contestées par les
grévistes furent appliquées durement: 50 000 grévistes arrêtés, douze tués par
la police et 600 blessés.
Mais, grâce aux 6 000 dirigeants syndicaux passés à la
clandestinité avant le déclenchement de la grève, celle-ci a été un relatif
succès.
Forts de leur unité retrouvée, les syndicats se retrouvaient en 1982
plus "militants" et disposés à préparer de nouvelles actions.
La vigueur de la
répression antisyndicale du Premier ministre a attiré l'attention du Bureau
international du travail, dont le directeur général s'est rendu en Inde une
semaine après la grève générale, à l'invitation des organisations ouvrières.
Selon le Premier ministre, ces manifestations ne sont en fait que politiques et
ne visent qu'à renverser son gouvernement...
En fait, même si les partis d'opposition ont soutenu ces grèves, elles n'ont été
effectivement relayées que dans les États où le Congrès n'est pas tout-puissant,
comme le Kerala ou le Bengale, que gouverne le Communist Party of India Marxist (CPI - M).
Dans les autres États, la liaison entre les syndicats
ouvriers et les partis d'opposition, essentiellement ruraux, est pratiquement
inexistante.
Ces partis, dont les bases sociales comprennent des castes et des
communautés religieuses, ont en revanche alimenté les tensions qui ont opposé
tout au long de l'année les différentes composantes de l'Inde.
Les incidents les plus graves ont opposé les hindous des hautes castes aux
intouchables, dont le seul tort est justement de l'être.
Les 100 millions
d'intouchables sont en effet quotidiennement menacés dans leur intégrité
physique.
Les hindous de haute caste qui avaient bénéficié de la protection
tacite de la coalition Janata dont une composante essentielle était formée
d'hindous orthodoxes et militants ont continué sous Indira à s'en prendre aux
Indiens de basse caste.
En deux ans, selon des statistiques officielles, les
hindous de caste ont massacré près de mille intouchables.
Pour échapper à leur
condition et aux sévices, ces derniers se sont convertis en masse à l'islam mais
aussi au bouddhisme.
Des heurts ont également opposé musulmans et hindous tout
au long de l'année, qui se sont soldés par des dizaines de morts sans que le
gouvernement d'Indira Gandhi montre une réelle volonté de calmer les esprits.
Une autre communauté, les sikhs, a donné de la voix en 1981.
Représentant 2% de
la population indienne, ceux-ci sont reconnaissables à leur barbe et à leur
turban.
Très dynamiques et même guerriers - ils forment 10% des forces armées
indiennes -, ils vivent dans leur très grande majorité au Pendjab, l'État le
plus riche du sous-continent.
En raison même de leurs succès, les sikhs ont
montré des tendances sécessionnistes et les plus activistes d'entre eux ont
détourné un avion à l'automne 1981.
Un autre État a continué à poser des
problèmes à Indira Gandhi: l'Assam, situé au nord-est de la péninsule.
Depuis
1979, les Assamais manifestent contre la présence de réfugiés du Bangladesh sur
leur territoire.
En raison de ces troubles persistants, l'Assam qui produisait
la moitié du pétrole indien n'assure plus aucune livraison d'hydrocarbures.
Là
encore, Indira Gandhi, malgré seize "rounds" de négociations et une
administration directe de l'État par New Delhi ou par des politiciens à ses
ordres, n'a pas su résoudre le conflit.
Selon certains politiciens, Indira Gandhi laisserait volontairement les troubles
se développer pour faire la preuve que le système politique du pays est devenu
inadéquat, et qu'il faut imposer un système présidentiel encore plus autoritaire
et personnalisé.
A son profit bien sûr ou, pourquoi pas, à celui de son fils
aîné Rajiv qui a été élu en juin 1981 dans la circonscription de son frère
Sanjay, décédé en juin 1980.
Rajiv fait en effet de plus en plus figure de
dauphin.
L'avantage d'un tel système présidentiel serait aussi de
court-circuiter le Parti du Congrès, devenu une machine de moins en moins
efficace et déconsidérée tout au long de l'année par des affaires de corruption
n'épargnant d'ailleurs pas des proches du Premier ministre.
Devant cette dégradation de la situation, le président de l'Union indienne (qui
n'a qu'un rôle honorifique mais bénéficie d'une grande autorité morale) a lancé
un très sévère avertissement aux hommes politiques.
Dans un discours prononcé le
26 janvier 1982 à l'occasion des fêtes commémorant l'accession de l'Inde à sa
souveraineté, discours qui a eu un très grand retentissement, Sanjiva Reddy a
lancé: "Ce qui se passe est l'antithèse du noble esprit qui a animé notre
nation.
Les fruits du développement sont hors d'atteinte d'une large partie de
notre population.
Si nous ne prenons pas de mesures immédiates pour mettre fin à
ce mépris pour les valeurs morales [le président faisait directement allusion à
un massacre de treize intouchables survenu quelques jours auparavant], la
confiance des gens en notre système politique sera sapée et cela pourrait avoir
des conséquences effroyables."
Succès économiques
A côté de ces aspects négatifs de la gestion d'Indira Gandhi, on peut mettre à
son crédit un très net, bien que fragile,....
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓