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Imre Kertész dit dans son discours du prix Nobel de 2002 : J'ai compris que l'espoir était un instrument du mal.

Publié le 03/03/2014

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Imre Kertész dit dans son discours du prix Nobel de 2002 : J'ai compris que l'espoir était un instrument du mal. D'après vous, est-ce le cheminement de cette compréhension d'un adolescent que racontent les deux romans au programme ? Nous sommes confrontés à deux romans d'initiation ; Etre sans destin de Imre Kertész et Les désarrois de l'élève Törless de Robert Musil. Ces deux romans ont pour sujet l'apprentissage de la vie au moment de l'adolescence, sous deux formes différentes : celle de l'expérience des camps de concentration pour Kertész et celle du pensionnat pour Musil. Les deux romans traitent cependant du même sujet : le mal politique. Dans son discours du prix Nobel de 2002, Kertész a dit : J'ai compris que l'espoir était un instrument du mal. Cette compréhension nous amène à des questions ; les deux adolescents des deux romans ont-ils vécu l'espoir comme une souffrance destructrice ? Est-ce que ces deux romans initiatiques décrivent l'espoir comme une source du mal ? Exposent-ils l'espoir comme une épreuve à surmonter dans l'apprentissage de la vie et comme la cause d'une certaine perversité ? Il faudra d'abord expliquer la citation de Kertész pour pouvoir ensuite en faire une analyse en la mettant en lien avec chacun des deux romans. L'espoir est un instrument du mal. Mais qu'entend Kertész par le mot espoir ? Dans sa définition propre, l'espoir est le fait d'espérer, le fait d'attendre quelque chose avec confiance. L'espoir implique des faits envisageables et parfois réels. On peut aussi le qualifier d'optimisme irraisonné de l'avenir. Quant au mal, il s'agit ici du mal politique, dont il existe plusieurs formes. C'est d'abord un apprentissage de la violence physique, mentale, sentimentale et politique, sous la forme d'un rapport de domination. C'est également un apprentissage du monde adulte. On peut alors dire qu'il existe un rapport de perversité entre l'espoir et le mal. L'espoir pervertit les esprits au point de contribuer au mal et d'apporter des souffrances. Il en résulte alors une certaine violence et perversité. Le sujet étant éclairci, nous allons, en premier lieu, le mettre en rapport avec Etre sans destin de Kertész, où le personnage principal, un adolescent, est confronté à la déportation et aux dures conditions des camps de concentration. Aux premiers jours de sa déportation, il raconte ce qu'il voit avec un air indifférent, presque excité, mais totalement enfantin et désinvolte, qui ne réalise pas ce qu'il se passe autour de lui. Il ne croit pas en la cruauté des hommes, en la violence politique qui règne dans la société dans laquelle il vit. Il n'y a même pas d'espoir en lui, puisqu'il n'est pas conscient de la réalité. Il rit des circonstances de son arrestation. Et avant sa toute première détention à la Douane, il décrit ce qu'il se passe comme si cela était une distraction. Lorsque des détenus s'enfuient dans la rue, il dit : « Moi aussi j'ai regardé autour de moi, mais plutôt par jeu, pour ainsi dire - parce que je ne voyais pas de raison particulière de prendre la poudre d'escampette - et je crois que j'en aurais même eu le temps «. Il parle de jeu, alors qu'il est en train de se faire arrêter. Il ne réalise vraiment pas la gravité de la situation. Nous sommes ici face à la négation de la réalité, c'est-à-dire une perversité attentiste ; laissant faire ou étant complice, sans exprimer le moindre désaccord. On assiste à la même sorte de perversité juste après, lorsqu'il est dans la caserne et que ses seules pensées sont : « dans la précipitation, je ne savais même pas par où aller, je me rappelle juste que pendant ce temps j'avais un peu envie de rire, d'une part, à cause de l'étonnement et de mon embarras, à cause de cette impression que j...
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« ses mots, et il finit par céder lui-même au plaisir charnel homosexuel.

C’est une torture régulière qu’il inflige à Basini : « Il avait de fréquents rendez-vous secrets avec lui.

». Ces habitudes feront de Törless une victime de sa propre perversité.

« Il avait très souvent honte, maintenant.

Moins de la tentation à laquelle il avait cédé (ce qui, dans ces écoles,n’avait rien d’exceptionnel) que de ne pouvoir se défendre d’une espèce de tendresse pour Basini, alors qu’il éprouvait plus intensément que jamais à quel point ce garçon étaitméprisable et souillé ».

C’est à ce moment-là que son désarroi est le plus profond.

En effet, son désarroi est à la fois intellectuel, charnel, et moral.

Il est à la fois attiré et dégoûté par laprésence de Basini, être qu’il qualifie de « méprisable et souillé ».

« Le moindre geste de son ami l’emplissait de dégoût, les ombres confuses de ses rêves faisaient place à une lumièremate et glacée, son a^me semblait se ratatiner jusqu’à ce qu’il ne restât plus que le souvenir d’un désir qui lui apparaissait non moins compréhensible que répugnant.

Il semblait vouloirenfoncer son pied dans le sol et se recroqueviller pour se soustraire à cette honte torturante ».

Il parle de « honte torturante », on voit alors que la torture s’est retournée contre, ce n’estplus Basini qui est torturé mais c’est Törless dont les gestes pervers qu’il a eus le troublent profondément jusqu’à le torturer.

Après avoir découvert la perversion, ou du moins ce qui s’yapparente avec Reiting et Beineberg et après avoir participé aux sévices infligés à Basini, Törless prend la fuite.

C’est là qu’aboutit l’évolution de Törless et que s’achève le roman : « Et ilaspira le léger parfum qui s’exhalait du corsage de sa mère ».

Dans ce geste final de Törless, il faut pas voir une régression du personnage, mais plutôt une manière de s’exclure et de sedébarrasser de la perversion qui était insinuée dans le pensionnat ; un retour aux sources maternelles, pures et chastes. D’abord indifférent et passif à la perversité de ses camarades envers Basini, l’élève Törless devient ensuite lui-même le bourreau de Basini, ce qui finit par lui porter préjudice, lorsquecette perversité le rend victime de sa propre personne.

C’est à ce moment-là qu’il devient adulte et dépasse l’adolescence. De la même manière, les deux romans proposent une vision de l’espoir dans la perversité qu’il engendre. Dans Etre sans destin, c’est d’abord un espoir innocent, presque enfantin, qui devient un espoir indifférent pour être totalement anéanti à la fin, autant qu’il a anéanti l’adolescent lui-même. Pour l’élève Törless, l’espoir est en premier lieu passif.

Puis il se transforme en un espoir cruel, tortionnaire sur Basini, qui finit par affecter l’adolescent Törless lui-même, avec sesnombreux désarrois. Ainsi, l’espoir, qui semble d’abord inoffensif, engendre le mal dans toute la perversité dont il est capable puisqu’il finit même par la destruction et l’anéantissement de la personne.

Lepassage d’un espoir inoffensif à un espoir destructeur est le passage de l’adolescence à l’âge adulte.

C’est ce que nous montrent les deux romans à travers la progression de la visiondes deux adolescents.. »

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