France 1994-1995 L'anti-héros de la pensée unique La troisième tentative aura été la bonne. A l'issue des élections au suffrage...
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France 1994-1995
L'anti-héros de la pensée unique
La troisième tentative aura été la bonne.
A l'issue des élections au suffrage
universel des 23 avril et 7 mai 1995, Jacques Chirac (droite), qui avait échoué
en 1981 et en 1988, est devenu président de la République.
Il a donc succédé, le
17 mai, au socialiste François Mitterrand, lequel a fini son second septennat
malgré un grand affaiblissement dû à la maladie.
Jusqu'au début de l'année 1995, les sondages indiquaient que J.
Chirac était
très nettement dominé dans les faveurs des électeurs par le Premier ministre
Édouard Balladur.
Situation inédite, les deux hommes étaient issus du même
parti, le RPR (Rassemblement pour la République), fondé en 1976 par J.
Chirac et
lointain héritier du courant jadis incarné par le général de Gaulle.
Après l'écrasante victoire de la droite aux élections législatives de mars 1993,
É.
Balladur était devenu Premier ministre en plein accord avec J.
Chirac pour,
théoriquement, libérer ce dernier de la charge du gouvernement - cela avait été
l'une des causes de son échec de 1988 - et lui laisser les coudées franches.
Pendant des mois, E.
Balladur a connu une exceptionnelle popularité.
Peu à peu,
ses ambitions se sont dessinées et nombre de dirigeants des partis de droite se
sont placés dans son sillage, notamment les démocrates-chrétiens et la plupart
des libéraux, mais aussi, après hésitation, beaucoup de responsables du RPR, au
premier rang desquels le ministre de l'Intérieur, Charles Pasqua.
Allait-on
assister à un scrutin fratricide?
Le nouveau Chirac
A l'automne, la rumeur se répandit que Jacques Delors, le président de la
Commission européenne, socialiste, se portait candidat.
Les enquêtes d'opinion
le placèrent aussitôt en vainqueur putatif.
Le 11 novembre, il renonçait
pourtant à se présenter.
Le candidat du Parti socialiste - Lionel Jospin, ancien
ministre de l'Éducation (1988-1993) -, fut finalement désigné par un vote des
militants.
Contre toute attente, après la cuisante défaite du PS aux élections
législatives de 1993, ce dernier arriva en tête au premier tour, avec 23,3% des
suffrages exprimés, tandis que J.
Chirac coiffait de peu É.
Balladur pour la
deuxième place (20,8% contre 18,6%).
Jean-Marie Le Pen (Front national, extrême
droite) reccueillit quant à lui 15,0% des voix, et Robert Hue (Parti
communiste), 8,6%.
Au second tour, J.
Chirac l'emporta avec 52,6%, contre 47,4%
à Lionel Jospin.
Outre la confirmation de l'enracinement inquiétant de l'extrême droite, pour une
large part expression d'une anxiété diffuse devant un avenir incertain porteur
de possibles déclassements sociaux, l'élection présidentielle aura apporté au
moins deux enseignements majeurs.
D'une part, le score honorable enregistré par
le candidat socialiste a montré que le rejet du "socialisme de gouvernement" tel
qu'il a été pratiqué sous les septennats Mitterrand ne signifiait pas, pour une
fraction significative de l'opinion, renoncement à certaines valeurs sociales et
citoyennes traditionnellement associées à l'identité de gauche.
L.
Jospin s'est
posé en candidat à la rénovation de ce courant, souhaitant procéder à
l'inventaire de l'héritage mitterrandien.
D'autre part, après douze ans d'orthodoxie financière au nom de laquelle les
Français ont été priés d'intérioriser les contraintes gestionnaires de l'État,
il est apparu que l'esprit d'utopie restait vivace.
En a témoigné le "miracle
Chirac".
Cet homme qui s'était, selon les périodes, réclamé de l'héritage
gaulliste traditionnel, ou d'un "travaillisme à la française", ou encore du
néolibéralisme à la Reagan, aura en quelques semaines réussi à convaincre nombre
d'électeurs qu'il avait radicalement changé et entendait rompre avec le
conservatisme et le conformisme politiques.
A contrario des orientations qu'il avait défendues ou soutenues en tant que chef
du gouvernement (1974-1976, puis 1986-1988) ou leader du principal parti de la
droite, il défendait désormais et subitement, avec une conviction certaine,
l'absolue nécessité d'une rupture avec la "pensée unique" et d'une priorité au
"social".
Ce virage a été largement inspiré par le président de l'Assemblée
nationale, Philippe Séguin (RPR lui aussi mais ayant, à la différence de J.
Chirac, appelé à voter "non" au référendum de ratification du traité de
Maastricht sur l'Union européenne, en 1992).
Réduire la fracture sociale
La défense du franc et la réduction des déficits publics ont été au coeur de
cette "pensée unique" qui aurait été imposée par la "technocratie" (entendre la
haute administration et les conseillers ministériels).
Bien qu'issu lui aussi de
cette technocratie politique puisque sorti de son moule, l'ENA (École nationale
d'administration), tout comme la plupart des dirigeants de la droite ou du Parti
socialiste, J.
Chirac a placé au centre de ses discours la nécessité de "réduire
la fracture sociale".
Ce faisant, il mettait l'accent sur le principal problème
de la société française.
En effet, avec la persistance d'un chômage de masse, le
développement de la précarité et les phénomènes d'exclusion sociale n'ont fait
que s'aggraver au fil des ans, accréditant l'idée d'une France à deux vitesses.
Ces phénomènes, conjugués à la perte d'influence des corps intermédiaires (recul
du militantisme traditionnel, fonctions syndicales en panne, effacement de
certains repères idéologiques, décalage entre partis et opinion) n'ont pas peu
joué dans la montée....
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