Flaubert, L'Éducation sentimentale (1869), I, 5 La contemplation de cette femme l'énervait1, comme l'usage d'un parfum trop fort. Cela descendit...
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Flaubert, L'Éducation sentimentale (1869), I, 5
La contemplation de cette femme l'énervait1, comme l'usage d'un parfum trop
fort.
Cela descendit dans les profondeurs de son tempérament, et devenait presque une
manière générale de sentir, un mode nouveau d'exister.
Les prostituées qu'il rencontrait aux feux du gaz, les cantatrices poussant leurs
roulades, les écuyères sur leurs chevaux au galop, les bourgeoises à pied, les grisettes2 à
leur fenêtre, toutes les femmes lui rappelaient celle-là, par des similitudes ou par des
contrastes violents.
Il regardait, le long des boutiques, les cachemires, les dentelles et les
pendeloques de pierreries, en les imaginant drapés autour de ses reins, cousues à son
corsage, faisant des feux dans sa chevelure noire.
À l'éventaire3 des marchandes, les fleurs
s'épanouissaient pour qu'elle les choisît en passant ; dans la montre4 des cordonniers, les
petites pantoufles de satin à bordure de cygne semblaient attendre son pied ; toutes les
rues conduisaient vers sa maison ; les voitures ne stationnaient sur les places que pour y
mener plus vite ; Paris se rapportait à sa personne, et la grande ville avec toutes ses voix
bruissait, comme un immense orchestre, autour d'elle.
Quand il allait au Jardin des Plantes, la vue d'un palmier l'entraînait vers des pays
lointains.
Ils voyageaient ensemble, au dos des dromadaires, sous le tendelet5 des
éléphants, dans la cabine d'un yacht parmi des archipels bleus, ou côte à côte sur deux
mulets à clochettes, qui trébuchent dans les herbes contre des colonnes brisées.
Quelquefois, il s'arrêtait au Louvre devant de vieux tableaux ; et son amour l'embrassant
jusque dans les siècles disparus, il la substituait aux personnages des peintures.
Coiffée
d'un hennin, elle priait à deux genoux derrière un vitrage de plomb.
Seigneuresse des
Castilles ou des Flandres, elle se tenait assise, avec une fraise empesée et un corps de
baleines à gros bouillons.
Puis elle descendait quelque grand escalier de porphyre, au milieu
des sénateurs, sous un dais de plumes d'autruche, dans une robe de brocart.
D'autres fois,
il la rêvait en pantalon de soie jaune, sur les coussins d'un harem ; — et tout ce qui était
beau, le scintillement des étoiles, certains airs de musique, l'allure d'une phrase, un
contour, l'amenaient à sa pensée d'une façon brusque et insensible.
Quant à essayer d'en faire sa maîtresse, il était sûr que toute tentative serait vaine.
1- Faire perdre à quelqu'un ses forces physiques ou morales.
2- Les grisettes sont des ouvrières qui travaillent pour des fabricants d'étoffes.
3- Plateau, corbeille d'osier que les marchands et camelots portent devant eux
(généralement maintenu autour du cou par une sangle) pour la vente ambulante.
4- Vitrine.
5- Petits abris, tente.
=> Comment la ville se transforme dans l’esprit de Frédéric.
I- Un héros amoureux
A- Le malaise du héros
• « L’énervait » > ne pas prendre ce terme dans notre sens d’irriter.
Énerver dans le sens
> Faire perdre à quelqu'un ses forces physiques ou morales => abattement de Frédéric au
contact de Mme Arnoux.
• « descendit dans les profondeurs de son tempérament » > douleur morale > douleur
physique.
• « comme l'usage d'un parfum trop fort » => comparaison qui évoque l’écoeurement >
douleur, malaise physique.
B- La femme aimée > évolution de Frédéric
• « cette femme » > déterminant démonstratif = Mme Arnoux.
• « La contemplation » => regarde + connotation positive > presque religieuse.
• « Quant à essayer d'en faire sa maîtresse, il était sûr que toute tentative serait vaine »
> part perdant.
Amour passionnel mais aussi charnel > rêverait d’en faire « sa maîtresse ».
• Sous l’impact de ses sentiments, de ses sensations....
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