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Fin de partie et le théâtre de Pabsurde L'expression de « théâtre de l'absurde,, apparaît juste après la Seconde Guerre...

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« Fin de partie et le théâtre de Pabsurde L'expression de « théâtre de l'absurde,, apparaît juste après la Seconde Guerre mondiale.

Très vite, elle sert à désigner les œuvres de dramaturges, pourtant très différents les uns des autres, comme Ionesco 1, Adamov 2 ou, précisément, Beckett. Philosophiquement, l'absurde n'est pas synonyme d'irrationa­ lité ou d'illogisme.

Ce n'est pas le non-sens, c'est l'absence de sens, qui pousse à s'interroger sur ce que vivre veut dire quand l'existence est dépourvue de justification intrinsèque.

Ce sont deux caractéristiques présentes dans Fin de partie qui, volontai­ rement, se borne à dépeindre la condition humaine telle qu'elle, c'est-à-dire vouée à la déchéance et à la mort. UNE ABSENCE DE SENS DE LA VIE L'absence de toute transcendance 3 prive le monde et l'homme de toute raison objective d'exister.

Les idéaux que ce dernier peut s'in­ venter pour masquer ce vide, véhiculent des valeurs dérisoires, qui ne sauraient masquer les faiblesses et même la mort de la pensée. 1 Un monde sans transcendance L'univers de Fin de partie est un monde sans Dieu: « Le salaud! Il n'existe pas!», s'exclame Hamm.

Pas encore» (p.

74), lui répond « 1.

Eugèoo Ionesco (1912-1994), dramaturge français, auteur notamment de La Cantatrice chauve (1950), de Rhinocéros (1959) et du Roi se meurt (1962). 2.

Arthur Adamov (1908-1970), dramaturge français, auteur notamment de La Grande et la Petite Manœuvre (1950), de L:lnvasion (1950) et de Ping-pong (1955). 3.

Transcendance: en philosophie et en théologie, ce qui est au-dessus des lois de la matière et du monde, c'est-à-dire Dieu, le principe dMn, quel que soit le nom précis qu'on lui donne. Clov, qui semble le regretter.

Mais qu'il s'exprime sur le mode du regret ou de la déploration, le constat reste le même: aucune transcendance n'est envisagée. C'est pour éviter qu'elle soit envisagée que toute référence religieuse est systématiquement traitée par la dérision ou l'ironie. La prière qu'impose Hamm est une caricature.

Nagg se hâte de la réciter pour avoir sa dragée (p.

73-74).

Les paroles du Christ sont déformées: « Léchez-vous [au lieu de: «Aimez-vous»] les uns les autres » (p.

89).

La moindre allusion biblique est tournée en ridicule (➔ PROBLÉMATIQUE 5). Dieu n'existant pas, il s'ensuit que le monde n'a pas eu de Créateur, qu'aucune volonté n'a présidé à sa naissance, qu'il n'a donc aucune justification objective.

Il est, mais il aurait pu ne pas être.

Il est le fruit du hasard.

En termes philosophiques, le monde est une contingence 1• Certes Hamm semble dire le contraire quand il s'exclame, « véhément»: « Dire que tout cela n'aura peut-être pas été pour rien!» (p.

48).

Mais le contexte indique qu'il s'agit d'une réflexion ironique ou d'un regret que tout cela ne soit pas en effet pour rien. 1Des valeurs humaines dérisoires Quelles sont dans ces conditions les raisons de vivre? Clov ironise sur celles que les hommes s'inventent ordinairement.

Le bonheur est plus souvent absent que présent.

Clov avoue qu'à « sa connaissance », il n'a jamais eu « un instant de bonheur» (p.

82-83).

Hamm ne paraît pas davantage avoir été heureux. L'amour est une illusion:« On m'a dit, Mais c'est ça, l'amour, mais si, mais si, crois-moi, tu vois bien que...

» (p.

105).

La structure même de la phrase lui enlève toute force de persuasion. L'amitié n'est pas mieux traitée: « On m'a dit, Mais c'est ça, l'amitié, mais si, mais si...

» (p.

106). D'une manière générale, ce sont tous les idéaux qui sont ainsi discrédités.

Dans un effet comique évident, Hamm associe la disparition 1.

Est contingent ce qui arrive par hasard, sans nécessité. PROBLÉMATIQUES ESSENTIELLES 69 des valeurs à la chute des cheveux ou des dents:« Nous respirons, nous changeons! Nous perdons nos cheveux, nos dents! Notre fraîcheur! Nos idéaux!» (p.

23).

Quand Hamm promet sur« l'honneur» une dragée à son père, tous deux éclatent de rire (p.

67-68). C'est -que rien, aucune valeur, aucun idéal, ne saurait masquer le fait que l'homme naît pour mourir et que rien ne peut combattre ou vaincre la mort: « réfléchissez, vous êtes sur terre, c'est sans remède!» (p.

89). 1La mort de la pensée Depuis !'Antiquité, la capacité à raisonner définit l'être humain et le distingue des animaux.

Fin de partie remet en cause cette capacité.

À la question que lui pose Hamm de savoir s'il a « jamais pensé » à une « chose », à quoi que ce soit, Clov répond brièvement, mais clairement: « Jamais » (p.

54). Clov admet d'ailleurs que« personne au monde n'a jamais pensé aussi tordu que [lui et Hamm] » (p.

23).

Lorsqu'il se félicite d'être redevenu « intelligent », c'est qu'il vient de se rendre compte qu'il a confondu sa gauche avec sa droite (p.

94-95) ! Le moins que l'on puisse dire, c'est que ce n'est guère une preuve de grande intelligence.

Constatant qu'il a « mal aux jambes » comme « c'est pas croyable», il ajoute aussitôt: « Je ne pourrai bientôt plus penser» (p.

64).

Comme s'il y avait un rapport quelconque entre les deux faits ou comme s'il pensait avec ses pieds. Hamm partage sur ce point l'avis de Clov.

L'idée qu'une « intelligence supérieure», Dieu, ou un être possédant des qualités exceptionnelles, vienne sur Terre observer les hommes provoque son hilarité (p.

47-48).

Il se moque encore de Clov quand celui-ci dit chercher un moyen de l'avertir de son éventuel départ:« Quel penseur!», dit-il ironiquement (p.

64). Dans ses rêves d'évasion, Hamm n'imagine pas enfin rejoindre ou retrouver d'autres humains, ce qui serait logique, mais" d'autres... mammifères » (p.

50).

Si l'on prive l'homme de sa capacité à raisonner, l'homme n'est en effet plus qu'un animal parmi d'autres. 70 PROBLtMATIQUES ESSENTIELLES POURQUOI DONC VIVRE? Débarrassé de toute croyance, délivré de toute illusion et sentiment, l'homme peut dès lors regarder la vie en face, dans ce qu'elle a de plus irréductible, de plus inévitable ou fatal: la déchéance qui, avant de conduire à la mort, transforme la vie en punition ainsi qu'en une longue attente sans intérêt. 1Une déchéance sans remède Conséquence du temps qui passe inexorablement, la dégradation des corps va s'accélérant (➔ PROBLÉMATIQUES 3 et 11).

Or celle-ci ne commence pas avec la vieillesse: elle débute avec la naissance.

C'est pourquoi « la fin est dans le commencement » (p.

89).

Hamm ne comprend pas dans ces conditions pourquoi le gueux tient absolument à sauver son enfant: Vous ne voulez pas l'abandonner? Vous voulez qu'il grandisse pendant que vous, vous rapetissez? ( Un temps.) Qy.'il vous adoucisse les cent mille derniers quarts d'heure? (Un temps.) Lui ne se rend pas compte, il ne connaît que la faim, le froid et la mort au bout.

Mais vous! Vous devez savoir ce que c'est, la terre, à présent.

(p.

109) Fiancés, Nagg et Nell étaient heureux.

Un accident les a réduits à l'état.... »

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