Expliquer le texte suivant : Une œuvre géniale, qui commence par déconcerter, pourra créer peu à peu par sa seule...
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Expliquer le texte suivant :
Une œuvre géniale, qui commence par déconcerter, pourra créer peu
à peu par sa seule présence une conception de l'art et une atmosphère
artistique qui permettront de la comprendre ; elle deviendra alors rétros
pectivement géniale : sinon, elle serait restée ce qu'elle était au début,
s simplement déconcertante.
Dans une spéculation financière, c'est le suc
cès qui fait que l'idée avait été bonne.
Il y a quelque chose du même
genre dans la création artistique, avec cette différence que le succès, s'il
finit par venir à l'œuvre qui avait d'abord choqué, tient à une transforma
tion du goût du public opérée par l'œuvre même ; celle-ci était donc force
10 en même temps que matière; elle a imprimé un élan que l'artiste lui avait
communiqué ou plutôt qui est celui même de l'artiste, invisible et présent
en elle.
E3EllGSON
La connaissance de la doctrine de l'auteur n'est pas requise.
Il faut
et il suffit que l'explication rende compte, par la compréhension pré
cise du texte, du prohlème dont il est question.
■ Analyse du sujet
COUP DE POUCE
- Le texte tente d'expliquer comment une œuvre d'abord déconcer
tante finit par s'imposer comme rétrospectivement« géniale» - cela sup
pose une double transformation : de la définition de l'art et du goût du
public.
- La comparaison proposée avec la spéculatîon financière pennet de
préciser l' etlïcacité de l' œuvrc sur le gout général.
D'où vient cette efficacité ? De la « force » de l' œuvre, de son
«élan».
c'est-à-dire finalement de l'élan de l'artiste, toujours actif dans
l'œuvre.
■ Pièges à éviter
- Ne pas profiter de l'adjectif «géniale» pour réciter la théorie kan
tienne du génie, qui n'a guère de rapport avec cet extrait.
CORRIGÉ
11
- Ne pas dériver de la « spéculation financière » vers des considérations oiseuses sur les « excès » du marché de l'art ou le prix exorbitant de
certaines œuvres.
- Ne pas négliger l'idée d'une transformation du goût du public ne
serait-ce qu'en affirmant sans réflexion qu'une œuvre doit «plaire» au
public.
CORRIGÉ
.
[Introduction]
L'histoire de l'art abonde en exemples d'artistes et d'œuvres qui ont
d'abord été méconnues, avant d'être redécouvertes et saluées comme
importantes.
Comment peut-on rendre compte de telles révisions ? Pour
Bergson, elles s'expliquent par deux phénomènes convergents: une modification de la conception de l'art lui-même, et une modification du goût
général.
Il s'en suit que la reconnaissance ne peut avoir lieu qu'aprèscoup, et qu'elle n'a pen d'obligatoire : si elle n'a pas lieu, l'œuvre
demeure ignorée - mais c'est qu'elle n'était pas «géniale».
L'œuvre
rétrospectivement saluée conserve en elle toute sa force, dont Bergson
situe l'origine dans l' «élan» de l'artiste lui-même.
[1.
Les changements dans l'art]
Lorsque Picasso peint au cours de l'hiver 1906-1907 Les Demoiselles
d'Avignon, même ses proches - critiques amis ou autres artistes - sont
consternés.
On murmure qu'il ne lui reste qu'à se pendre derrière sa toile,
ou qu'il vient d'assassiner la peinture, en même temps que sa carrière.
Quelques décennies plus tard, la même toile est considérée par les historiens d'art du xx: siècle et par une partie du public comme une des plus
importantes de l'époque: on y reconnaît les débuts du cubisme, l'abandon
des apparences visibles au profit de leur interprétation, une nouvelle définition de la peinture comme activité d'abord «intellectuelle» - notions
qui influenceront durablement de nombreux autres artistes.
Comment le
jugement initial a-t-il pu s'inverser à ce point?
Bergson considère que c'est par sa présence qu'une œuvre qui commence par déconcerter finit par avoir une double aqtion transformatrice :
elle modifie« une conception de l'art», c'est-à-dire qu'elle remplace une
conception admise par une nouvelle, et elle modifie aussi l' « atmosphère
artistique», c'est-à-dire le goût dominant.
Le choc initial qu'elle produit
fait peu à peu évoluer les idées et la perception.
On peut se demander ce
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SUJETS CORRIGÉS
que désigne la « présence » de l' œuvre, car si une œuvre est totalement
déconcertante, elle a peu de chance d'être exposée durablement (Les
Demoiselles d'Avignon n'ont longtemps été visibles que dans l'atelier de
Picasso), et il peut aussi arriver que l'œuvre d'un artiste soit tout simplement «oubliée» (c'est le cas de Vermeer, et pendant deux siècles).
Il
serait donc prudent d'admettre que l'œuvre est d'abord « présente ».par
l'influence qu'elle peut avoir sur d'autres artistes, qui vont diffuser, en
même temps que son auteur, la nouvelle conception qu'elle propose.
Ainsi, le cubisme est pratiqué, non seulement par Picasso, mais aussi par
Braque ou Juan Gris, et c'est la ressemblance entre leurs toiles qui signale
la cohérence de cette nouvelle peinture.
Il n'en reste pas moins que l'importance de l'œuvre initialement choquante ne peut être reconnue qu'après-coup, de manière rétrospective :
elle devient alors le point de départ d'un courant, d'une école, et son
caractère audacieux (ou« génial») n'en est que mieux souligné.
C'est ce
que l'on traduit fréquemment en affirmant que les grands artistes sont
« en avance » sur leur temps - mais on peut aussi bien considérer que
c'est le public qui est « en retard» sur la vision artistique, èt qu'il lui
appartient de rattraper le« temps perdu».
[Il.
Le succès garantit la qualité]
La comparaison que propose Bergson avec la spéculation financière
permet d'affirmer que la qualité ou la validité de l'œuvre est ainsi confirmée par son succès, même si ce dernier est tardif.
On pourrait craindre
qu'il y ait là de quoi justifier l'affirmation banale (et fausse) selon laquelle
les artistes importants ne sont reconnus qu'après leur mort - ce qui ne
risque guère de les consoler d'avoir été....
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