Devoir de Philosophie

Eugène Ionesco Le Roi se meurt Conduit, guidé par Marguerite, son épouse, le Roi s'achemine vers ses derniers instants; il...

Extrait du document

« Eugène Ionesco Le Roi se meurt Conduit, guidé par Marguerite, son épouse, le Roi s'achemine vers ses derniers instants; il lui faut désormais entrer dans la mort. LE Roi, les yeux fermés, et avançant toujours, tenu par la main. - L'empire ...

A-t-on jamais connu un tel empire: deux soleils, deux lunes, deux voûtes célestes l'éclairent, au autre soleil se lève, un autre encore.

Un troisième firmament sur­ git, jaillit, se déploie! Tandis qu'un soleil se couche, d'autres se lèvent ...

À la fois l'aube et Je crépuscule...

C'est un domaine qui s'étend par-delà les réservoirs des océans, par-delà les océans qui engloutissent les océans. MARGUERITE.

-Traverse-les. 10 LE Ro1.

-Au-delà des sept-cent-soixante-dix-sept pôles. MARGUERITE.

-Plus loin, plus loin.

Trotte, allons, trotte. LE ROI.

-Bleu, bleu. 15 20 25 MARGUERITE.

- Il perçoit encore les couleurs.

Des souvenirs colorés.

Ce n'est pas une nature auditive.

Son imagination est purement visuelle...

C'est un peintre...

trop partisan de la monochromie.

(Au Roi:) Renonce aussi à cet empire. Renonce aussi aux couleurs.

Cela t'égare encore, cela te retarde.

Tu ne peux plus t'attarder, tu ne peux plus t'arrêter, tu ne dois pas.

(Elle s'écarte du Roi.) Marche tout seul, n'aie pas peur.

Vas-y.

(Marguerite, dans un coin du plateau, dirige le Roi de loin.) Ce n'est plus le jour, ce n'est plus la nuit, il n'y a plus de jour, il n'y a plus de nuit.

Laisse-toi diriger par cette roue qui tourne devant toi.

Ne la perds pas de vue, suis-la, pas de trop près, elle est embrasée, tu pourrais te brûler.

Avance, j'écarte les broussailles, attention, ne heurte pas cette ombre qui est à ta droite...

Mains gluantes, mains 30 3s 40 4s so ss 60 implorantes, bras et mains pitoyables, ne revenez pas, reti­ rez-vous.

Ne le touchez pas ou je vous frappe! (Au Roi:) Ne tourne pas la tête.

Évite le précipice à ta gauche, ne crains pas ce vieux loup qui hurle ...

ses crocs sont en carton, il n'existe pas.

(Au loup:) Loup, n'existe plus! (Au Roi:) Ne crains pas non plus les rats.

Ils ne peuvent pas mordre tes orteils.

(Aux rats:) Rats et vipères, n'existez plus! (Au Roi:) Ne te laisse pas apitoyer par le mendiant qui te tend la main...

Attention à la vieille femme qui vient vers toi...

Ne prends pas le verre d'eau qu'elle te tend.

Tu n'as pas soif.

(À la vieille femme imaginaire:) Il n'a pas besoin d'être désaltéré, bonne femme, il n'a pas soif.

N'encombrez pas son chemin. Évanouissez-vous.

(Au Roi:) Escalade la barrière ...

Le gros camion ne t'écrasera pas, c'est un mirage...

Tu peux passer, passe ...

Mais non, les pâquerettes ne chantent pas, même si elles sont folles.

]'absorbe leurs voix; elles, je les efface!... Ne prête pas l'oreille au murmure du ruisseau.

Objecti­ vement, on ne l'entend pas.

C'est aussi un faux ruisseau, c'est une fausse voix...

Fausses voix, taisez-vous! (Au Roi:) Plus personne ne t'appelle.

Sens, une dernière fois, cette fleur, et jette-la.

Oublie son odeur.

Tu n'as plus la parole.

A qui pourrais-tu parler? Oui, c'est cela, lève le pas, l'autre. Voici la passerelle, ne crains pas le vertige.

(Le Roi avance en direction des marches du trône:) Tiens-toi tout droit, tu n'as pas besoin de ton gourdin, d'ailleurs tu n'en as pas.

Ne te baisse pas, surtout ne tombe pas.

Monte, monte.

(Le Roi commence à monter les trois ou quatre marches du trône:) Plus haut, encore plus haut, monte, encore plus haut, encore plus haut, encore plus haut.

(Le Roi est tout près du trône:) Tourne-toi vers moi.

Regarde-moi.

Regarde à travers moi. Regarde ce miroir sans image, reste droit...

Donne-moi tes jambes, la droite, la gauche.

(À mesure qu'elle lui donne ces ordres, le Roi raidit ses membres:) Donne-moi un doigt, donne-moi deux doigts ...

trois ...

quatre ...

cinq...

les dix doigts.

Abandonne-moi le bras droit, le bras gauche, la poi­ trine', les deux épaules et le ventre.

(Le Roi est immobile, "figé comme une statue:) Et voilà, tu vois, tu n'as plus la parole, ., Q Partie 4 Les poèmes dramatiques 65 70 ton cœur n'a plus besoin de battre, plus la peine de respirer. C'était une agitation bien inutile,.... »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓