États-Unis 1988-1989 George Bush: prudence ou inertie? Les grandes échéances électorales sont toujours des moments de transition. Cela est particulièrement...
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États-Unis 1988-1989
George Bush: prudence ou inertie?
Les grandes échéances électorales sont toujours des moments de transition.
Cela est particulièrement
vrai aux États-Unis, et cela est plus vrai encore lorsque le président sortant ne peut plus,
constitutionnellement, se présenter.
Pour la première fois depuis vingt ans, la règle s'appliquait à Ronald
Reagan, après deux mandats consécutifs.
Pourtant, ce ne fut pas une élection très intéressante: alors que
la qualité de la classe politique et la subtilité de l'électorat valent bien celles des pays européens, les
États-Unis, plus que les autres démocraties occidentales, semblent incapables de sélectionner des
candidats présidentiels convaincants.
En outre, la campagne électorale dure de janvier à novembre, ce
qui est bien long.
D'autant que certains avaient annoncé leur candidature deux ans avant l'échéance!
Une campagne décevante
Au début, ils étaient sept démocrates: outre Michael Dukakis, Bruce Babbitt, Richard Gephardt, Albert
Gore, Gary Hart, Jesse Jackson et Paul Simon étaient sur les rangs.
Ils étaient presque autant du côté
républicain: George Bush, Robert Dole, Pierre Du Pont, Alexander Haig, Jack Kemp et Pat Robertson.
La
campagne aurait dû être passionnante puisque le résultat n'était pas acquis d'avance et que le thème
principal s'imposait avec évidence: changer ou continuer? Pourtant, elle s'est interminablement étirée et
les problèmes fondamentaux n'ont guère été abordés.
Les meilleurs candidats de chaque parti sont restés
en retrait et il n'est pas exclu que leurs réticences soient partiellement attribuables à la crainte de
présider à l'impossible liquidation du difficile héritage reaganien.
Des procédures électorales compliquées,
avec la multiplication des primaires (qui commencent en février et durent cinq mois), puis les conventions
des partis avant le combat final, ne peuvent que fragmenter et réduire l'intérêt de l'électeur.
Les
candidats ont surtout parlé des "valeurs" traditionnelles de l'Amérique: le drapeau, la prière, la famille, la
peine de mort.
Mais les problèmes les plus cruciaux que devrait régler le nouveau président des ÉtatsUnis n'ont guère été abordés et le silence a été remarquable sur des questions brûlantes comme
l'endettement, l'impôt, la désindustrialisation ou la Cour suprême: il ne fallait mécontenter personne, pour
ne perdre aucune voix.
Curieusement, en effet, M.
Dukakis n'a pas choisi d'attaquer le bilan reaganien, craignant sans doute que
la popularité personnelle du président sortant ne serve d'écran à la fragilité de ses réalisations.
Plus
curieusement encore, G.
Bush n'a pas choisi de défendre l'héritage reaganien mais plutôt d'attaquer
cruellement, parfois bassement, en tout cas efficacement, son adversaire.
Car l'un et l'autre avaient
parfaitement compris que le sort de l'élection se jouerait en fait dans une catégorie bien déterminée de
l'électorat: les démocrates reaganiens.
L'équipe républicaine a compris plus tôt que ses adversaires les thèmes à développer pour maintenir ces
électeurs-là dans son camp.
En mai 1988, les responsables républicains étaient en effet très inquiets.
Un
sondage Gallup montrait que l'opinion était exactement divisée dans l'estime qu'elle portait à G.
Bush
alors que cinq électeurs sur six "éprouvaient de l'affection" pour M.
Dukakis.
Devant un groupe-témoin de
trente électeurs démocrates ayant voté pour R.
Reagan en 1984 mais disposés à voter pour M.
Dukakis
en 1988, des spécialistes républicains allaient, toute une soirée, mettre en cause le patriotisme de M.
Dukakis et son laxisme en matière de criminalité.
A la fin de la soirée, les cobayes se partageaient
également entre les deux hommes: la campagne républicaine avait trouvé ses thèmes d'attaque, qu'elle
utilisa sans relâche.
M.
Dukakis ne comprit que trop tard combien la manoeuvre était dangereuse pour
lui.
Elle était déplaisante mais efficace: l'image de M.
Dukakis ne cessa de se dégrader.
Et la moitié des
démocrates reaganiens restèrent dans le camp républicain, ce qui était suffisant pour assurer la victoire
de M.
Bush, le 8 novembre, qui l'emporta avec 55% des suffrages exprimés.
La presse porte aussi quelque responsabilité dans la mise à l'écart des thèmes les plus importants sur
lesquels l'électorat aurait dû se prononcer.
Loin d'exiger des réponses aux questions que se posait
l'opinion, elle s'est contentée, par crainte d'être accusée de gauchisme, de jouer la caisse de résonance.
Les électeurs, pourtant, n'ont guère été satisfaits de cette situation: ils ont estimé, pour plus de la moitié,
que les candidats n'avaient pas suffisamment abordé les problèmes les plus importants (sondage New
file:///F/dissertations_pdf/0/451041.txt[15/09/2020 14:08:41]
York Times - CBS News de la fin septembre 1988).
Mais alors, si l'électorat était mécontent, pourquoi a-t-il choisi le successeur désigné, l'héritier avéré de
Ronald Reagan? Indubitablement, "la paix et la prospérité" ont joué en faveur de George Bush.
Comme le
souhaitait profondément l'opinion, le président Reagan a fini par se résoudre à négocier avec l'URSS et
même à conclure un accord de désarmement (8 décembre 1987): les échecs, alors patents en Amérique
centrale et au Proche-Orient (même si, après l'élection, des ouvertures vers l'OLP ont été faites), en ont
été (provisoirement) oubliés.
Et la prospérité est réelle, quels que soient les doutes que l'on puisse avoir
sur sa solidité et son ampleur.
L'opinion ne souhaite qu'une chose, c'est que cela dure, même si elle voit
fort clairement se rapprocher le jour où il faudra assumer les conséquences d'une prospérité acquise à
crédit, d'un endettement qui a nourri une soif dévorante de consommation et non pas, comme dans le
passé, le développement économique.
Le poids des démocrates
En fait, l'électorat est partagé: son abstention (la plus forte depuis 1924) comme sa volonté de diviser le
pouvoir entre républicains (Présidence) et démocrates (Congrès) sont les signes de sa difficulté à faire
des choix, parce qu'il n'a guère reçu d'indices sur l'avenir.
De toute évidence, les Américains, ignorant ce
que souhaitait exactement faire le candidat républicain, ont refusé de lui accorder un chèque en blanc ce qu'ils avaient fait en 1980 en donnant à Reagan une majorité au Sénat.
Le 8 novembre, ils ont donc
conforté la majorité démocrate au Congrès: 262 sièges sur 435 à la Chambre des représentants et 55
sièges sur 100 au Sénat.
Il s'agit désormais de gouverner et ce sera d'autant moins facile que G.
Bush n'a pas vraiment de mandat
et ne jouit pas de la popularité de son prédécesseur.
Il a, face à lui, un Congrès dont la majorité lui est
opposée, des marchés financiers qui, dès le lendemain de son élection, jouaient le dollar à la baisse tant
ils étaient sceptiques sur sa volonté et sa capacité de réduire le déficit budgétaire ; quant à la banque
centrale (Federal Reserve Board), ses priorités vont à l'encontre de celles du président, puisqu'elle
souhaite freiner la croissance alors que G.
Bush veut la maintenir pour tenter de réduire le déficit sans
augmenter les impôts.
Ce sont les relations avec le Congrès démocrate qui promettent d'être les plus difficiles: malgré ses
appels à enterrer la hache de guerre lors de son discours inaugural (20 janvier 1989), M.
Bush a été
confronté à une guérilla constante entre les démocrates (qui ont eu le scalp de l'ancien sénateur John
Tower, choisi pour le poste de la Défense) et les républicains qui leur ont rendu la pareille en
contraignant à la démission, pour raisons d'éthique, le speaker de la Chambre, Jim Wright.
Le nouveau
président, Tom Foley doit dorénavant tenter de....
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