ÉPREUVE13 ÉPREUVE 13 Aix-Marseille, Montpellier, Nice-Corse, Toulouse Juin 1989 TEXTE Bérénice, reine de Palestine, amoureuse de Titus et aimée de...
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ÉPREUVE13
ÉPREUVE 13
Aix-Marseille, Montpellier,
Nice-Corse, Toulouse
Juin 1989
TEXTE
Bérénice, reine de Palestine, amoureuse de Titus et aimée de
lui, pense que celui-ci, devenu empereur à la mort de son père,
va l'épouser.
Sa confidente Phénice ayant exprimé quelques
réserves sur la réalisation de ce mariage (« Rome hait tous les
rois, et Bérénice est reine »), Bérénice l'interrompt : Rome
obéira à Titus tout-puissant.
Le spectacle de son couronnement qui vient d'avoir lieu la cm;firme dans son illusion :
« De cette nuit, Phénice, as-tu vu la splendeur ?
Tes yeux ne sont-ils pas tout pleins de sa grandeur,
Ces flambeaux, ce bûcher, cette nuit enflammée,
Ces aigles, ces faisceaux (l), ce peuple, cette armée,
Cette foule de rois, ces consuls, ce sénat,
Qui tous de mon amant empruntaient leur éclat ;
Cette pourpre, cet or, que rehaussait sa gloire,
Et ces lauriers encor témoins de sa victoire !
Tous ces yeux qu'on voyait venir de toutes parts
Confondre sm lui seul leurs avides regards ;
Ce port majestueux, cette douce présence.
Ciel ! avec quel respect et quelle complaisance
Tous les coeurs en secret l'assuraient de leur foi !
Parle : peut-on le voir sans penser, comme moi,
Qu'en quelque obscurité que le sort l'eût fait naître,
Le monde en le voyant eüt reconnu son maître ? »
Racine, Bérénice, Acte I, scène 5, 1670
(1) Aigles-faisceaux : emblèmes de la puissance impériale.
Vous ferez de ce texte un commentaire composé.
Vous pourriez, par
exemple, en étudiant ies procédés de style (choix et place des mots,
rythme, musique du vers, entre autres), montrer comment Racine nous
fait sentir l'amour de son héroïne à travers son éblouissement devant
les fastes du couronnement.
Mais ces indications ne sont pas contraignantes, et vous avez toute Iati147
COMMENTAIRE COMPOSÉ
tude pour organiser votre exercice à votre gré.
Vous vous abstiendrez
seulement de présenter une étude linéaire ou séparant artificiellement
le fond de la forme.
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16 vers de Racine, alexandrins puissants, harmonieux et ici souvent grandioses.
■ Il s'agit cependant d'une tragédie de Racine peu connue des élèves, car
rarement étudiée.
Mais comme J:)resque toutes les classes travaillent désormais Phèdre, l'élève est censé avoir de Racine une connaissance suffisante
pour se souvenir que Bérénice est une pièce de peu d'action, qu'elle n'est
pas sanglante comme le sont presque toujours les tragédies raciniennes
et qu'elle se résume à cette définition : « Titus aimait Bérénice, Bérénice
aimait Titus, mais ils ne purent s'épouser.»
■ Pour ce passage, ce qui frappe, c'est qu'il se trouve dans l'Acte 1, acte
d'exposition.
De plus, il s'agit d'un texte de joie, évoquant un souvenir de
gloire : le couronnement de Titus après les funérailles de son père l'empereur Vespasien.
C'est aussi l'évocation de la Rome impériale.
■ Il ne faut pas être .effrayé parce que le texte donné est de Racine, ce qui
est très rare depuis 30 ans.
Racine est l'un de nos plus grands poètes.
Le
commentaire porte donc sur une forme de poème.
Le libellé accompagnateur rappelle d'ailleurs les « procédés de style » qu'il ne faudra surtout pas
oublier d'étudier à travers deux thèmes d'analyse qui seront, tous deux,
des thèmes de fond.
Une fois de plus, ne jamais séparer la forme du fond.
Introduction
■ Dans la préface de Bérénice, Racine, que le succès extrêmed'Andromaque a rendu justement célèbre, trois ans auparavant, en 1667, présente
l'action de sa nouvelle tragédie (il a dans l'intervalle composé et fait jouer
Britannicus en 1669, seule autre pièce romaine de son répertoire).
Il considère que c'est l'action idéale,« une action simple, soutenue de la violence
des passions, de la beauté des sentiments et de l'élégance de l'expression ».
■ Ce passage situé dans la dernière scène du premier acte, où les principaux éléments de cette action - déjà tous préexistants avant l'ouverture
de la tragédie - ont été successivement exposés, en achève la présentation : l'évocation du couronnement de l'empereur Titus par la reine Bérénice, elle-même si amoureuse de Titus qu'elle rappelle cette cérémonie avec
la passion éblouie que lui inspire la grandeur célébrée, de celui qu'elle aime.
■ C'est donc d'abord un tableau splendide, celui d'une de ces cérémonies
romaines qui sont des apothéoses, dont il convient de montrer avec quel
sens de l'épopée Racine le peint en une fresque de« pourpre et d'or».
Mais dans la bouche de Bérénice, ce souvenir glorieux chante son amour.
L'analyse devra donc souligner combien l'admiration passionnée éclate de
chaque rappel descriptif.
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Premier thème : cc De cette nuit [...} la splendeur »
■
La peinture que le souvenir émerveillé de Bérénice brosse à sa confi
dente Phénice est une fresque brillante et colorée.
C'est qu'elle représente
une date exceptionnelle.
Le« vieux» Vespasien est mort et son fils Titus
lui succède à la tête de tout ce qui domine le monde connu : l'Empire romain.
Déjà les cérémonies de triomphe où l'on fêtait les généraux victorieux
étaient, sous la république romaine, un déploiement de foule et de gloire.
Mais un siècle d'empire a centuplé l'extériorisation de ces manifestations.
Les empereurs, les« Césars» sont devenus de véritables dieux.
Ils ont d'ail
leurs leurs statues à côté de celles de Jupiter, Mars et autres sur les autels
et ont droit à des sacrifices propitiatoires.
Avec un humour lucide, Vespa
sien venait de s'exclamer, quelques jours avant la cérémonie décrite, en
mourant : « Malheur ! Je crois que je deviens Dieu ! »
C'est donc la Rome impériale en liesse qui est représentée dans cette
évocation.
Comme tout tableau, elle ressort sur un fond que la couleur élargit
et unifie: "cette nuit enflammée».
L'adjectif est caractéristique et le
contraste aussi.
La magie du souvenir ne voit plus que les deux couleurs
opposées qui se fondent en une teinte unique dans sa brillance: le noir
habituel de la« nuit» n'est plus que le« feu» des lumières des hommes:
« Ces flambeaux» éclairant et célébrant l'événement ; « ce bûcher», c'est
à-dire le bûcher funèbre où traditionnellement va se consumer le cadavre
de l'empereur défunt.
Le rythme du vers scande cet élargissement
lumineux:
« Ces flambeaux, I ce bûcher, I cette nuit enflammée »
■
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L'autre décor du tableau, déjà un peu plus détaché, est la" foule», tout
ce qui se presse lors d'un hommage rendu à un grand de ce monde.
Or,
c'est le grand unique, l'empereur, et au moment où grâce à la bonne ges
tion et aux succès de Vespasien, Titus - lui-même remarquable général
- prend en mains un empire non seulement immense mais en très bon
état.
L'énumération des dignitaires qui viennent l'honorer se déploie avec
un mouvement régulier, comme ceiui de la marche du cortège dont la pompe
(en grec pompê : « escorte, procession») est un des ornements néces
saires en toute cérémonie antique:
« [ ..
.],!ce peuple,lcette armée,/
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Cette foule de rois, I ces consuls, / ce sénat,/»
6
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3
L'ordre est socialement progressif, commençant par la plèbe romaine qui
est toujours à l'affût de ces grands spectacles, pour terminer par les plus
hauts représentants du gouvernement romain, tandis que se déploient au
milieu tous ces« rois» soumis à Rome, dont le titre n'est surtout conservé
que pour mieux glorifier cet empire, auquel ils ont fait serment d'allégeance.
Bérénice elle-même est.reine.
■
Ressortent sur cette fresque les éléments qui symbolisent l'éclat de la
puissance romaine: « Ces aigles, ces faisceaux», termes qui s'appliquent
spécialement, l'un à l'une des causes de la grandeur romaine, son armée
dont les enseignes sont des aigles:« aquila » ; l'autre à ses dignes repré
sentants, les consuls qui se déplaçaient précédés de licteurs portant les
faisceaux(fasces) de verges avec hache au milieu, insigne de leur dignité.
Une sorte de frénésie admirative s'empare de Bérénice qui revoit, colo
rés encore plus par l'imagination de la mémoire, les signes de cette«gran
deur» dont elle s'indignerait que, de sa confidente, les" yeux» ne soient
pas encore «tout pleins».
Les siens en tout cas en resplendissent:
■
«Cette pourpre, cet or[, ...]»
Et ces lauriers encor»
■ Ce sont à la fois ces taches fortes de couleur qui centrent un tableau et
d'aùtres symboles, plus glorieux encore; ceux attribués aux généraux vic
torieux (la couronne de« lauriers» qui ceint leur front), puis à la dignité impé
riale, de même que le manteau entièrement de couleur« pourpre », couleur
qui était réservée aux hauts dignitaires de l'Empire romain.
Brillent sur eux
enfin les« torques» (colliers ornementaux des hautes fonctions militaires
et civiles) et bagues d'or massif que les non-chevaliers, même très riches
n'avaient pas le droit de porter.
Le Trimalcion de Pétrone, ce parvenu du
Satiricon en est assez marri, assez contrarié !
Une recherche métrique particulière met en valeur ces splendeurs.
Une
rime intérieure sonne à la césure: « cet or/encor» des deux vers qui se
■
suivent.
C'est ce que l'on appelle des vers léonins.
Aussi résonnent-ils plus
encore pour mieux claironner l'apogée du héros.
■ Car le tableau est un morceau d'épopée au centre duquel se détache,
figure de légende, celui que ces lumières, ces présences, ces insignes ren
dent sublime.
Il est le point de mire de tous les assistants.
Des expressions
denses, intenses, le confirment : « Tous ces yeux», «de toutes parts», «tous
les cœurs ».
L'universalité du« respect» de la« complaisance», même de
la« foi» est reconnue, affirmée.
Une progression dans l'hommage est sou
lignée; le« respect» est déférence, la« complaisance» est l'effort cons
tant de complaire au puissant, d'être bien vu de lui, mais la« foi» est pour
une divinité.
Second thème: Bérénice n'est qu'amour
■ Or l'être aimé est vraiment un dieu pour celui ou celle qui l'aime.
Le ravis
sement avec lequel Bérénice raconte à sa confidente, les heures merveil
leuses où son héros était plus que tous, plus que le monde entier, est la
première preuve d'un amour complet.
Elle insiste d'abord sur le verbe voir .....
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