«DONJUANEST-IL COMIQUE?» Étude préalable du sujet : mise en garde On ne confondra pas ce sujet avec un autre: «...
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«DONJUANEST-IL COMIQUE?»
Étude préalable du sujet : mise en garde
On ne confondra pas ce sujet avec un autre: « Dom Juan est-il
comique ? », intitulé en surface proche mais dont la problématique ne
coïncide qu'en partie avec celle que nous allons traiter.
Poser la question du
comique de la pièce forcerait à analyser par rapport aux autres personnages
et aux autres situations le comique spécifique au personnage de Don Juan.
Il faudrait, par exemple, réintroduire:
- la satire de la médecine.
La charge contre ce savoir qui sait à merveille
accélérer la mort sera reprise dans Le Médecin malgré lui, Monsieur de
Pourceaugnac, Le Malade imaginaire; elle était déjà exploitée dans Le
Médecin volant où s'agitait un autre Sganarelle,
-les scènes où les personnages se trouvent associés aux paysans (langages,
manières...),
-les gesticulations, mimiques, bons mots de Sganarelle...
Note: Scaramouche, le personnage farcesque de la commedia dell'arte* a
sans doute déteint sur Sganarelle, le type même des valets* de comédies
avec Gros-René, Sosie et Scapin.
Molière qui a joué tous les Sganarelle de
son invention signe son acte de naissance dans Le Médecin volant où il en
fait un valet matois ; le personnage figure ensuite dans Le Cocu imaginaire
où il joue le cocu, dans L'École des maris, Le Mariage forcé et dans
L'Amour médecin.
Introduction
Parlez-nous des poètes corniques pour être terribles.
Th.
Gautier dans La Presse, 1847.
Les critiques, les metteurs en scène mais aussi les écrivains, influencés
plus ou moins directement par les métamorphoses successives de Don Juan
dans l'histoire littéraire, offrent du séducteur des images diffractées.
L'opacité du personnage se prête, il est vrai, à des lectures différentes voire
opposées.
Mais aucune interprétation ne peut faire l'économie du genre que
Molière a choisi pour sa pièce: Dom Juan est une comédie*.
Certes, le
genre est souple et perméable à des tonalités variées, mais il trace une voie
de lecture.
Don Juan devrait être aussi comique qu'Harpagon, Argan ou
Alceste.
L'hypocrisie, l'avarice, la misanthropie trouvant leur figure
ridicule, pourquoi le libertinage incarné pas Don Juan ne serait pas l'objet
d'une satire?
Mais d'où vient que le comique de Don Juan est moins risible, moins
tranché que chez Monsieur Jourdain ou Harpagon? N'est-ce pas alors
plutôt Sganarelle, goinfre et couard (cf.
Il4), qui est employé pour assurer
la comédie, épargnant ainsi cette fonction à son maître?
Personnage complexe et brouillé, Don Juan traverse pourtant la comédie
du monde (l'univers est un théâtre et les hommes sont des acteurs): il y
participe, en la réglant ou en la subissant.
Mais la comédie de mœurs, dans
Dom Juan, s'ombre d'une couleur plus tragique et plus cynique.
Multiforme, Don Juan joue des rôles contradictoires: manipulateur des
marionnettes ridicules que sont ses victimes, ou victime de l'ironie de son
destin qu'il perçoit mal.
Joueur, Don Juan est aussi joué, prisonnier du
comique involontaire de sa révolte aveugle.
Jamais pur, le comique de Don
Juan est amer, inquiétant, certainement absurde.
Surtout il n'est jamais
franc.
Molière crée peut-être à l'occasion de ce personnage inclassable une
autre sorte de comique, moins risible et plus obscur.
Développement détaillé
1.
Un libertin comique
Idée générale : le donjuanisme est une pratique de séduction, une
« philosophie » hédoniste du monde et un charme irrésistible.
Don Juan est
l'avatar mythique du jeu de la séduction : il est le triomphe de la virilité
conquérante pour les hommes et pour les femmes une image idéale d'amant
fatal.
Le Don Juan de Molière répond-il à cette représentation séduisante:
est-il bien conforme à sa réputation? Est-il, effectivement, le personnage
même de la séduction ou Molière entreprend-il de détériorer cette image
facile, grosse de préjugés et de fantasmes? Don Juan est-il un véritable
séducteur ou une caricature de séducteur?
1.
Don Juan est-il beau 1
-voir 111: Pierrot affirme, pour reprendre les termes de Charlotte, qu'il est
« bien pu mieux fait que les autres»,
-or, Pierrot est surtout impressionné par les vêtements de Don Juan et leur
cascade de tissus et dentelles.
Don Juan réduit à un paraître qui semble l'ensevelir, le
-surcharger (le caricaturer) cf.
Sganarelle 12: « Pensez-vous que
pour être de qualité, pour avoir une perruque blonde et bien
frisée, des plumes à votre chapeau, un habit bien doré, et des
rubans couleur de feu[...] vous en soyez plus habile homme,
que tout vous soit permis ...
? » Pierrot le naïf se charge de la
description du rhabillage de Don Juan.
Il souligne avec son
patois comique les bizarreries, l'extravagance, l'hétéroclite
exubérant du costume (technique satirique employée par
Montesquieu dans les Lettres Persanes : le regard de l'étranger
ou du candide met en relief les ridicules.
Par exemple la
perruque = « des cheveux qui ne tenont point à leur tête »).
2.
Don Juan est-il esthète de la séduction?
- Don Juan dessine avec lyrisme la beauté de la séduction ; il en fait un art
dont il maîtrise les techniques et les subtilités (li).
- Mais Sganarelle déprécie la tirade plein de verve qui serait en fait la
récitation d'une leçon apprise: « Vertu de ma vie, comme vous débitez ! Il
semble que vous ayez appris cela par cœur, et vous parlez tout comme un
livre » (li).
- Don Juan n'est pas original:
1) sa séduction est rhétorique, de forme livresque,
2) la réplique de Sganarelle peut aussi vouloir suggérer que Don Juan se
fait une fiction de sa pratique.
- La pratique de Don Juan n'est pas à la hauteur de ses principes héroïques
(il n'est pas !'Alexandre du vice):
1) :ficelles grossières utilisées pour séduire Mathurine et Charlotte
(compliments sur la beauté, promesses de mariage...),
2) échecs: noyade ridicule au lieu d'un enlèvement romanesque ;
séductions laissées en plan (Mathurine et Charlotte).
3.
La séduction donjuanesque : une mécanique plaquée sur le vivant
- Caractéristiques du rire selon le philosophe Henri Bergson (Le Rire)
1) Le rire est stimulé par des effets de raideur ou de vitesse acquises
plus ou moins volontairement par le corps.
2) Cette rigidité est une « certaine raideur de mécanique là où l'on
voudrait trouver la souplesse attentive et la vivante flexibilité d'une
personne » (mécanique plaqué sur du vivant).
- Applications à Don Juan: scène fl4
1) Essence' du donjuanisme: Don Juan passe dans une même scène
d'une femme à l'autre.
2) La longueur de la scène et son organisation répétitive réduisent la
séduction à une simple mécanique ridicule.
Conclusion partie I et transition
- Don Juan est attaqué et pour ainsi dire humilié dans ce qui devrait
l'instituer comme séducteur parfait.
Il est objet de satire.
- Mais ses composantes comiques n'entament qu'assez peu la violence de
son attitude et de ses comportements.
Le comique de Don Juan ne peut
évacuer sa méchanceté : il est plutôt le contrepoint qui équilibre le
tempérament odieux et méprisable du personnage et qui évite à Molière de
produire le diable sur scène sans échappées comiques salutaires.
Il.
Don Juan inquiétant et inquiété
Idée générale : Don Juan, séducteur ridicule.
La proposition doit être
infléchie par la nature des séductions et leur finalité.
Don Juan pervertit et
détruit ses proies.
Son désir, quels que soient ses moyens, désorganise
l'ordre du monde et tue, au moins symboliquement (le Commandeur a
toutefois été réellement assassiné).
Don Juan déshonore les femmes, il
blasphème contre Dieu et aucun de ses actes n'échappe à la responsabilité
de son auteur.
Don Juan veut que son plaisir soit insolemment narcissique
et acquis contre les autres.
Acteur du mal, Don Juan rencontre ainsi un
destin tragique : pisté par les émissaires du Ciel, il vit une tragédie qui
l'enchaîne à ses passions, alors qu'il y voit le salut de sa liberté.
1.
Sadisme de Don Juan
- Présentation des aventures scélérates de Don Juan : débauches,
sacrilèges, blasphèmes, infidélités...
Le plaisir de Don Juan provoque
l'accumulation de victimes.
Séduction cruelle d'autant plus qu'elle est
parfois facile.
Sans valeurs, la« morale» de Don Juan est indifférente à
tout ; rien à ses yeux ne demeure....
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