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! Don Juan et les paysannes Acte 11, scène 4 CONTEXTE Changement total à l'acte Il; d'une situation de tragédie...

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« ! Don Juan et les paysannes Acte 11, scène 4 CONTEXTE Changement total à l'acte Il; d'une situation de tragédie où s'affrontent deux aristocrates, on passe à une farce en milieu campagnard. Don Juan est naufragé; il a échoué dans sa tentative d'enlever une belle en bateau et n'a échappé à la noyade que grâce à deux paysans.

Ne voyant aucunement un avertissement du Ciel dans cet accident, au rebours de Sganarelle, il entreprend tout de sui­ te la conquête de la première paysanne qu'il voit, Mathurine, puis celle de Charlotte peu après.

Les deux jeunes filles se le dis­ putent et il s'efforce de les rassurer l'une et l'autre dans un étour­ dissant ballet: ce passage clôt ce périlleux exercice. TEXTE MATHURINE: Mettez-nous d'accord, Monsieur. CHARLOTTE, à Mathurine: Vous allez voir. MATHURINE, à Charlotte: Vous allez voir vous-même. CHARLOTTE, à Donjuan: Dites. 5 MATHURINE, à Don Juan: Parlez. DON JUAN, embarrassé, leur dit à toutes deux: Que vou­ lez-vous que je dise? Vous soutenez également toutes deux que je vous ai promis de vous prendre pour femmes.

Est-ce que chacune de vous ne sait pas ce qui en est, sans qu'il soit nécessaire que je m'explique davanta­ ge? Pourquoi m'obliger là-dessus à des redites? Celle à qui j'ai promis effectivement n'a-t-elle pas en elle­ même· de quoi se moquer des discours de l'autre, et doit­ elle se mettre en peine, pourvu que j'accomplisse ma 15 promesse? Tous les discours n'avancent point les choses; il faut faire et non pas dire, et les effets décident mieux que les paroles.

Aussi n'est-ce rien que par-là que je vous veux mettre d'accord, et l'on verra, quand je me marie­ rai, laquelle des deux a mon cœur. 10 20 Bas, à Mathurine: Laissez-lui croire ce qu'elle voudra. Bas, à Charlotte: Laissez-la se flatter dans son imagination. Bas, à Mathurine: 25 Je vous adore. Bas, à Charlotte: Je suis tout à vous. Bas, à Mathurine; Tous les visages sont laids auprès du vôtre. 30 Bas, à Charlotte: On ne peut plus souffrir les autres quand on vous a vue. J'ai un petit ordre à donner; je viens vous retrouver dans un quart d'heure. CHARLOTTE; à Mathurine: Je suis celle qu'il aime, au �5 moins. MATHURINE: C'est moi qu'il épousera. SGANARELLE: Ah! pauvres filles que vous êtes, j'ai pi­ tié de votre innocence, et je ne puis souffrir de vous voir courir à votre malheur.

Croyez-moi l'une et l'autre: ne 4o vous amusez point à tous les contes qu'on vous fait, et demeurez dans votre village. DON JUAN, revenant: Je voudrais bien savoir pourquoi Sganarelle ne me suit pas. 45 SGANARELLE: Mon maître est un fourbe; il n'a dessein que de vous abuser, et en a bien abusé d'autres; c'est l'épouseur du genre humain, et ... Il aperçoit Don Juan. 50 Cela est faux; et quiconque vous dira cela, vous lui de­ vez dire qu'il en a menti.

Mon maître n'est point l'épouseur du genre humain, il n'est point fourbe, il n'a pas dessein de vous tromper, et n'en a point abusé d'autres. Ah! tenez, le voilà; demandez-le plutôt à lui-même. DON JUAN: 55 Oui. SGANARELLE: Monsieur, comme le monde est plein de médisants, je vais au-devant des choses; et je leur disais que, si quelqu'un leur venait dire du mal de vous, elles se gardassent bien de le croire, et ne manquassent pas de lui dire qu'il en aurait menti. DON JUAN: Sganarelle. 60 SGANARELLE: Oui, Monsieur est homme d'honneur, je le garantis tel. DON JUAN: SGANARELLE: Hon! Ce sont des impertinents. MATÉRIAUX Civilisation ► Les différences sociales restent encore fortes aujourd'hui, mais elles étaient beaucoup plus marquées au XVII• siècle.

Première grande distinction: il y a la noblesse d'une part et les roturiers de l'autre.

Dans cette roture (le «peuple» aux yeux de l'aristocratie) se distinguent le peuple au sens actuel et les bour­ geois.

Les classes populaires sont essentiellement constituées par des pay­ sans (les vilains).

Le bourgeois (orginellement celui qui vit dans un bourg) se situe entre les classes populaires et la noblesse. La noblesse constitue un monde à part, ayant ses privilèges et ses codes. La bourgeoisie (voir Le Bourgeois gentilhomme) aspire à entrer dans cette aristocratie.

Elle y réussit parfois par des mariages ou en achetant des titres de noblesse.

Laborieux, à la différence du noble (qui dérogerait en travaillant), le bourgeois prête de l'argent au noble (cf.

Monsieur Dimanche) et règne sur les affaires. Le peuple vit souvent dans des conditions difficiles.

On meurt de faim (ce n'est pas une image; voir page 103) à quelques lieues de Versailles.

Un pay­ san surpris à braconner sur les terres du seigneur peut être pendu sur place. A l'occasion d'une révolte dans la région de Rouen, Madame de Sévigné se fé­ licite à la nouvelle que nombre des paysans récalcitrants ont été «branchés», c'est-à-dire pendus aux branches des arbres.

Vauban attirera l'attention du roi sur cette misère, ce qui ne sera pas apprécié.

La Bruyère a tout dit en quelques lignes célèbres: « L'on voit certains animauxfarouches, des mâles et des femelles, répandus par la campagne, noirs, livides et tout brûlés du soleil, attachés à la terre qu'ils fouillent et qu'ils remuent avec une opi­ niâtreté invincible; ils ont comme une voix articulée, et quand ils se lèvent sur leurs pieds, ils montrent uneface humaine, et en ef­ fet ils sont des hommes.

» Aux yeux des paysans, un grand seigneur représentait donc un monde lointain, supérieur, inaccessible.

Pour comprendre l'attrait qu'exerce Don Juan sur Charlotte ou Mathurine, il faut imaginer une vedette de cinéma mondiale­ ment connue arrivant dans un bal de campagne.

Cet élément pris en compte, la facilité qu'a Charlotte d'oublier Pierrot (qu'elle n'aimait déjà pas follement) n'est plus vraiment invraisemblable. ►Ls commedia dell'arte est un théâtre d'improvisation qui s'appuie cependant sur des canevas parfois relativement précis.

Il met en scène des personnages très stylisés et se caractérise par la vivacité des répliques et des jeux de scè­ ne.

En cela, il s'apparente parfois au ballet.

Cet acte étourdissant, avec les paysans, les paysannes et le séducteur, évoque évidemment ce type de spec­ tacle. Langue ►Molière fait parler à des paysans siciliens un patois de l'Ile-de-France que comprend sans problème un grand seigneur espagnol.

Nous sommes évi­ demment en pleine fantaisie. En fait, Molière s'inspire seulement de ce patois (de la région de Montereau) pour créer un patois de théâtre.

S'il avait transcrit exactement le patois des paysans, les spectateurs n'auraient rien compris.

Par ailleurs, si quelqu'un, comme le fait Don Juan dans ce passage, avait parlé un français parfaitement correct, les paysans, de leur côté, n'auraient sans doute pas compris grand-chose. ► Les effets décident mieux que les paroles (1.

16): ici, effet a le sens de « ré­ sultat», «actes».

Don Juan va au-devant d'une accusation qui le présenterait comme un beau parleur. ► Médisants (l.

55): aujourd'hui, on distingue la calomnie (dire du mal, mais un mal qui n'existe pas) et la médisance (parler d'un mal qui existe réellement). Sganarelle ne prend évidemment pas en compte cette différence: le mot mé­ disant dans sa bouche désigne seulement les «mal-disants », ceux qui disent du mal. ► Hon (1.

62): il s'agit d'une sorte de grognement dont il est impossible de savoir à quoi il correspondait exactement sur scène. Rhétorique ► Le quiproquo est un procédé souvent utilisé au théâtre: un personnage par­ le d'une chose ou d'une personne et l'interlocuteur rattache ces propos à une autre chose ou une autre personne. Nous avons ici plusieurs éléments propres au quiproquo: une formulation équivoque qui permet à une méprise de se prolonger, d'où un effet comique. Cependant, dans sa forme traditionnelle, le quiproquo est involontaire et seul le spectateur perçoit le comique de la situation.

Ici, c'est Don Juan qui mène le jeu. Sources Quelques critiques indiquent que le recours à un patois paysan adapté à la scène se trouvait dans Le Pédant joué de Cyrano de Bergerac.

Il est possible que l'idée soit venue à Molière par ce biais.

Il a, par exemple, emprunté tout un épisode de Les Fourberies de Scapin («Que diable allait-il faire dans cette ga­ lère?») à ce même auteur.

Mais le procédé se rencontrait déjà dans le.... »

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