> de Voltaire VANITÉ DES DISCOURS Nous venons de voir que Voltaire récuse toute métaphy sique. Il ne s'en tient...
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«
> de
Voltaire
VANITÉ DES DISCOURS
Nous venons de voir que Voltaire récuse toute métaphy
sique.
Il ne s'en tient pas là et propose dans les dernières
lignes du livre un idéal de vie ou du moins une recette pour
trouver ce que la terre peut nous offrir de bonheur.
« Il faut cultiver notre jardin » : aucune formule, peut-être,
n'a suscité autant d'exégèses - ce qui est vraiment un
comble, car s'il est une leçon qui se dégage à l'évidence du
chapitre final de Candide quand on le lit sans prévention,
c'est bien celle-ci: il ne faut pas pérorer, il faut agir.
Cette leçon se dégage d'ailleurs de l'ensemble du conte.
Même lorsqu'il s'agit de lui, Pangloss ne peut s'empêcher
de disserter : affreusement malade à Amsterdam et tout
couvert de pustules, il ne manque pas de faire un historique
complet de la propagation de la syphilis.
A quoi Candide lui
rétorque simplement : « Voilà qui est admirable (...) ; MAIS IL
FAUT vous FAIRE GUÉRIR' » (chap.
4), et Candide s'entremet
aussitôt auprès du bon anabaptiste pour lui faire donner les
soins nécessaires...
Pangloss a-t-il compris ? - Non.
Lorsque
Candide à son tour « se meurt » à Lisbonne et demande à
son maître « un peu de vin et d'huile », Pangloss disserte
tout autant
Ce tremblement de terre n'est pas une chose nouvelle,
répondit Pangloss ; la ville de Lima éprouva les mêmes
secousses en Amérique l'année passée ; mêmes causes,
mêmes effets : il y a certainement une traînée de soufre
sous terre depuis Lima jusqu'à Lisbonne » (chap.
5).
1.
Le graphisme en lettres capitales est de l'auteur de ce livre,
et ne figure pas dans le texte de Voltaire.
1
A la fin du conte, Pangloss disserte sur « les grandeurs,
qui sont fort dangereuses », sur la prescription de Dieu à
l'homme lorsque celui-ci « fut mis dans le jardin d'Êden (...
)
ut operaretur eum, pour qu'il travaillât», et il entame à
nouveau, bien entendu, sa grande tirade sur l'enchaînement
des causes :
1
Car enfin, si vous n'aviez pas été chassé d'un beau
château à grands coups de pied dans le derrière pour
l'amour de Mlle Cunégonde, si vous n'aviez pas été mis
à l'inquisition, si vous n'aviez pas couru I' Amérique à
pied, si vous n'aviez pas donné un bon coup d'épée au
baron, si vous n'aviez pas perdu tous vos moutons du
bon pays d'Eldorado, vous ne mangeriez pas ici des
cédrats confits et des pistaches » (chap.
30).
Candide, fort de son expérience, interrompt les élucubrations
de son ancien maître à penser, conscient désormais de leur
vanité.
Il a choisi l'action et conclut avec fermeté : « CELA
EST BIEN DIT, (.
..
) MAIS IL FAUT CULTIVER NOTRE JARDIN.
»
Zadig, autrefois, répondait également par des MAIS ...
aux
explications peu convaincantes de l'ange Jesrad ; cependant,
malgré son intelligence bien supérieure à celle de Candide,
il n'osait pas aller plus loin que les points de suspension,
s'opposer de façon résolue aux logorrhées théologiques.
Voltaire et Candide, maintenant, n'hésitent plus.
Voici la lettre
extrêmement brève que Voltaire fait parvenir à Rousseau en
réponse à celle extrêmement longue que lui avait adressée
sur l'optimisme l'auteur de cette phrase bien digne de
Pangloss : « Commençons par écarter tous les faits, car ils
ne touchent pas à la question' »:
...VOTRE LETTRE EST TRÈS BELLE, MAIS j'ai chez moi une
de mes nièces qui, depuis trois semaines, est dans un
assez grand danger, je suis garde-malade et assez malade
moi-même.
J'attendrai que je me porte mieux et que
ma nièce soit guérie pour penser avec vous2 •
Rousseau, on le voit, n'avait certainement pas tort de croire
que Candide le visait directement : « Je voulais philosopher
i
j
1.
Cette phrase du Discours sur l'inégalité (coll.
« Idées», p.
45)
est un peu moins ridicule replacée dans son contexte, mais elle
demeure le symbole typique des discussions a priori que Voltaire
ne pouvait pas supporter.
2.
Lettre du 2 septembre 1756.
34
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\
1
avec lui, avouera-t-il ingénument ; en réponse, il m'a persiflé' ...
» Simplement, avec Rousseau, Voltaire en persiflait
bien d'autres: tous les discoureurs a priori, tous les faiseurs
de dogmes et de systèmes.
A tous ces systèmes, Voltaire oppose le silence.
La réponse
du derviche à Pangloss est très claire : « Que faut-il donc
faire? dit Pangloss.
- Te taire, dit le derviche.
» C'est la
réponse de Voltaire à tous les métaphysiciens, une invitation
au silence devant l'incompréhensible.
LES BIENFAITS
DU TRAVAIL
La parabole du jardin oppose l'activité simple et utile aux
discours inefficaces et aux raisonnements stériles.
Après avoir
parcouru le monde, les héros du conte se sont installés dans
une petite métairie en Propontide.
Mais voilà qu'ils s'ennuient
à périr et maudissent leur destinée.
Cacambo travaille, seul, au jardin de Candide, il va,
également seul, vendre les légumes du jardin à Constantinople ; il est excédé de travail, et il maudit sa destinée
(chap.
30).
Les autres qui exploitent son labeur, s'ennuient à
périr et maudissent leur destinée de la même façon.
Cunégonde et la vieille sont insupportables ; Candide, hélas,
n'a plus d'amour.
C'est alors que Pangloss, Candide et Martin rencontrent
un bon vieillard qui leur vante les bienfaits du travail : « Le
travail éloigne de nous trois grands maux, l'ennui, le vice et
le besoin.
» Ces paroles portent leurs fruits et la petite
communauté se met au travail.
Tous s'épanouissent et
retrouvent leur bonne humeur.
Le travail éloigne l'ennui: il
crée diversion et permet à l'homme d'oublier quelque peu
les malheurs de sa condition.
Voltaire écrivait dans sa
correspondance en 1754~:~,« J'ai toujours regardé le travail
comme la plus grande consolation pour les malheurs inséparables de la condition humaine:· »
Il éloigne le vice en permettant· à chacun de donner le
meilleur de lui-même.
Cunégonde est devenue laide et
1.
Lettre au duc de Wurtemberg,,11 mars 1764.
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acariâtre, mais elle se met à faire des pâtisseries : en se
rendant utile, elle redeviendra sans doute gaie et aimable ;
Paquette, l'ancienne suivante de la baronne, devenue prostituée, se rachète en brodant ; Frère Giroflée, le moine libertin
et mauvais sujet, devient menuisier et « honnête homme».
Enfin, le travail éloigne le besoin : la petite terre rapporta
beaucoup et permit à tous de vivre des productions de la
petite métairie.
Ainsi, on ne peut sans doute pas résoudre le problème de
l'existence du mal, mais on peut tenter de trouver un mode
de vie qui apporte un certain nombre de satisfactions,
modestes mais réelles.
i
)
UNE FORMULE
SYMBOLIQUE
« Il faut cultiver notre jardin », répète Candide.
A nous
d'élargir la formule comme nous voulons - sans....
»
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