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Dans Le Monde du 25 novembre 1983, Bertrand Poirot-Delpech écrivait: « Quand j'ouvre un roman, un vague soupçon me visite,...

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« Dans Le Monde du 25 novembre 1983, Bertrand Poirot-Delpech écrivait: « Quand j'ouvre un roman, un vague soupçon me visite, même lorsque l'auteur ou son éditeur m 'a11irment[ .•.

) qu'ils n'ont en vue que de me divertir ou de m'émouvoir,[ •.• ] oui, le soupçon me vient qu'on en veut aussi à mes idées, qu'on espère me «refiler» certaines convictions, qu'en somme il n'est de romans, fussent-ils sans idée visible, qu'à thèse.» En appuyant votre argumentation sur les romans que vous avez lus, vous vous demanderez si, comme le soutient le critique, tous les romans contiennent une thèse que l'auteur cherche à vous faire connaître et partager. Le roman est un genre à la fois protéiforme• et vague - qu'y a-t-il de commun entre LeLysdansla valléeetun romandelacollection Harlequin ?- dont on·attend malgré tout à·chaque fois quelque chose, que ce soit l'évasion parl'action ou dans un autre monde, ou l'émotion suscitée par une sympathie à l'égard de personnages qui souffrent. Il est.sûr.et certain qu'on en attend quelque chose de plus agréable, de plus «facile» que ce que l'on trouverait dans un ouvrage·de théorie ou de morale. Contrairement, par exemple, aux arts plastiques ou à la musique qui peuvent n'être que ce qu'ils sont(= de la matière picturale, des sons, etc.), la littérature - et plus particulièrement le roman - est «condamnée » à « signifier » .: les actes des personnages, aussi bien que leur physique ou leur psychologie renvoient à toutun système.de valeurs (défendues ou attaquées parle roman­ cier); on peut même aller plus loin et aff"rrmer que, volontairement ou pas, le roman impose à la fois une morale, une politique et surtout une métaphysique, puisqu'il donne toujours une vision du monde, de la société et suscite appro­ bation ou désapprobation à l'égard des personnages. Genre impur, dans la mesure où il ne se contente pas d'être que du roman (= œuvre fictive de divertissement, entièrement« gratuite•• non nécessaire), mais où il veut être pris au sérieux: touchant (ou désirant toucher) un vaste public (un roman «tire• à un plus grand nombre d'exemplaires que la poésie), il est, de plus, susceptible d'être adapté à l'écran (grand ou,petit); il se présente donc comme un véhicule idéal pour« vulgariser• des idées qui, par ailleurs, seraient demeurées le fait de spécialistes (pensons à Sartre avec Les Chemins de la liberté, à Camus avec L'Etranger, et auparavant à Zola); cela peut aller jusqu'à l'intoxication pure et simple, jusqu'à l'endoctrinement (vision simpliste de la guerre froide dans certains romans d'espionnage; xénophobie latente ou actualisée; racismes multiples; conception du couple et de l'amour dans les romans« à l'eau de rose»); tout ce qui précède n'est, tout compte fait, pas très«grave •• puisque les«cartes sont mises sur table », et que l'esprit critique (?) du lecteur est plus ou moins préservé. Il existe, cependant, toute une littérature romanesque qui, elle, sous prétexte de simple divertissement, «en profite lâchement• pour imposer de façon insidieuse, toute une idéologie, pour faire passer des idées ; cette façon de faire n'est pas toujours «ignoble•• car cela peut venir du désir du romancier de prendre sa tâche avec gravité et de se donner une mission; c'est cependant peut-être là qu'il y a quelque cbose de criticable. Une autre preuve du fait que le roman «transmet• presque toujours (et B.

Poirot-Delpech trouve cela contestable), c'est l'utilisation systématique qu'en fait l'école et le lycée; d'où un certain nombre d'exercices: analyse du réalisme, conception de la société, relation avec !'Histoire, analyse psycho!O'­ gique, approbation ou désapprobation d'un personnage. ELÉMENTS EXPLOITABLES POUR UNE INTRODUCTION Plus que tout autre genre lit\éraire, le roman implique une sorte d'accord tacite, de«contrat • passé entre le lecteur potentiel et !'écrivain bien réel: l'un demande quelque chose (un passe-temps agréable et la réalisation plus ou moins précise de ses fantasmes), mais aussi -parce qu'il a un peu mauvaise conscience et a l'impression de«perdre son temps• -il cherche un alibi, alibi qu'il vatrouver dans l'« instruction• que pourrait lui apporterle roman(ainsi s'expliquerait le double statut du roman historique et son énorme•succès); l'autre, fier d'être à la fois un fournisseur de rêve et un pédagogue, affirme (tacitement, en,core une fois ! ) que le lecteur« en aura pour son argent » (ou pour son temps dépensé). Vous pourriez annoncer, soit qu'il y a respect contractuel, soit rupture, dans la mesure où le romancier profite de sa situation pour« faire la leçou». Le« sans idée visible» de Pciirot-Delpech vous invite à réfléchir sur le travail souterrain de l'idéologie qui s'impose, donc à poser le problème, soit de la transparence de l'œuvre, soit surtout de son « innocence •· Innocence signifierait que l'œuvre est comme désengagée, qu'elle n'est pas œuvre de combat et qu'elle ne vise à rien d'autre qu'à plaire et à distraire: or, et ce serait peut-être encore plus vrai de la chanson de variétés, une œuvre transmet forcément quèlque chose- ne serait-ce que la vision d'un mode de vie donné - soit comme idéal, soit comme éminemment désirable. Dans un premier mouvement, on pourrait approuver B.

Poirot-Delpech: oui, c'est vrai, un nombre infini de romans soutiennent une thèse, soit pour défendre les opprimés (souvenez-vous de la mise en exergue des Misérables qui se_ termine par: « Tant qu'il y aura sur la terre ignorance et misère, des livres de la nature de celui-ci pourront ne pas être inutiles.

»,, 1862). Ces romans ont.... »

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