□ D Texte Marcel PROUST À 1A RECHERCHE DU TEMPS PERDU Du côté de chez Swann, l "' partie. ette...
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D Texte
Marcel PROUST
À 1A RECHERCHE DU TEMPS PERDU
Du côté de chez Swann, l "' partie.
ette obscure fraîcheur de ma chambre était au plein
soleil de la rue ce que l'ombre est au rayon, c'est-à
C
dire aussi lumineuse que lui et offrait à mon imagination le
spectacle total de l'éte dont mes sens, si j 'avais été en promenade, n'auraient pu jouir que par morceaux; et ainsi elle
s'accordait bien à mon repos qui (grâce aux aventures
racontées par mes livres et qui venaient l'émouvoir) sup
portait, pareil au repos d'une main immobile au milieu
d'une eau courante, le choc et l'animation d'un torrent
10 d'activité.
Mais ma grand-mère, même si le temps trop chaud
s'était gâté, si un orage ou seulernent un grain etait sur
venu, venait me supplier de sortir.
Et ne voulant pas renon
cer à ma lecture, j'allais du moins la continuer au jardin,
1s sous le marronnier, dans une petite guérite en sparterie I et
en toile au fond de laquelle j'etais assis
me croyais caché
, ..
etvenir
aux yeux des personnes qui pourraient
faire visite à
mes parents.
Et ma pensée n'était-elle pas aussi comme une autre
20 crèche au fond de laquelle je sentais que je restai s enfoncé,
même pour regarder ce qui se passait au-dehors? Quand je
voyais un objet extérieur, la conscience que je le voyais
restait entre moi et lui, le bordait d'un mince liséré spirituel
qui m'empêchait de jamais toucher directement sa
2s matière; efle se volatilisait en quelque sorte avant que je
prisse contact avec elle, comme un cocps incandescent
qu'on approche d'un objet mouillé ne touche pas son
humidité parce qu'il se fait toujours précéder d'une zone
d'évaporation.
5
1.
sparterie : tissage de fibres végétales.
1.
Questions (4 points)
1.
Quelles sont les principales oppositions d e cet extrait? (2 points)
2.
Identifiez et relevez deux figures de style dans le dernier
paragraphe.
Quels effets produisent-elles? (2 points)
Il.
Commentaire composé {16 points)
Vous ferez de ce texte un commentaire composé.
1.
Éléments de réponse aux questions d'observation
1.
Trois séries d'antithèses animent
ce passage : la première fondée sur le
rapport je / les autres («me croyais
caché aux yeux des personnes») ; la
seconde articulée sur le jeu intérieur /
extérieur («ma chambre / la rue»);
quant à la dernière antithèse, de type
n'arratif, elle joue sur l'alternance récit/ discours (avec notamment la présence du discours entre parenthèses
dans le premier paragraphe).
2.
Le dernier paragraphe débute
par une comparaison : « Et ma pensée
n'était-elle pas aussi comme une autre
crèche...
»; ici la matérialité connotée
par le mot comparant «crèche » vient
donner une dimension concrète au
mot comparé abstrait «pensée».
Dans
la phrase suivante, avec la méta;>hore,
« ...
le bordait d'un mince lisere spirituel», un phénomène inverse se produit : c'est une connotation abstraite
qui envahit le concret.
Ces procédés
soulignent la présence d'un narrateur
dont la démarche vise à transfigurer la
réalité pour lui donner une dimension
poétique.
Il.
Plan proposé
1.
Un texte fondé sur des antithèses
a) Je/ les autres
• Un enfant en vacances à Combray.
• Les adultes : ses parents, sa grandmère et des visiteurs occasionnels :
1.
l "' PARTIE
a) 1,.
sous-partie
«ma grand-mère [...
] venait me supplier de s~rtir» (1.
11-13), « ~es p~rsonnes qu i pourraient verur farre visite
à mes parents» (1.
17-18).
b) L'intérieur /l'extérieur
• La chambre : thème récurrent* de
La Recherche, c'est un espace clos,
secret, qui peut être angoissant quand
il est inconnu ou au contraire, comme
ici, sécurisant; loin d'être coupée du
dehors, la chambre le recueille et le
concentre par des images visuelles,
des bruits, des odeurs ; elle est toutefois l 'antithèse de l'extérieur : ombre /
lumière, fraîcheur / chaleur, immobilité / mouvement : « Cette obscure
fraîcheur de ma chambre était au p lein
soleil de la rue ce que l'ombre est au
rayon» (1.
1-2), «le tem_()s trop chaud»
(1.
11), «elle s'accordait bien à mon
repos» (1.
6), « le choc et l'animation
d'un torrent d'activité» (1.
9-10).
• L'enfermement : la chambre est
associée à d'autres abris qui déterminent une nouvelle antithèse entre la
sécurité et l'agressivité : « une petite
guérite en sparterie et en toile» (L 1516), «ma pensée n'était-elle pas aussi
comme une autre crèche» (1.
19-20) ;
elle est également associée à une présence féminine, ici celle de la grandmère, qui est un substitut de la mère.
b) 2e sous-partie
c) Récit/ discours*
• Certaines manifestations discursives sont 9lus apparentes : la parenthèse des lignes 6-7.
• Le double je : il faut distinguer
entre le qui raconte (le narrateur) et
le je qu il raconte (le héros); entre les
deux, il y a une certaine épaisseur de
durée et cet écart permet à l'adulte de
substituer à celle âe 1'enfant une lecture plus correcte et plus précise du
c) 3" sous-partie
/e
monde? d' où l'ambiguïté de la focalisation mteme, même dans un récit de
ce genre (§ 3).
Le narrateur n'est pas
seulement la voix qui raconte, mais
aussi celle qui commente (un discours
théorique accompagne le discours narratif).
• L'emploi de l' imparfait contribue à
cette ambiguïté et renforce l'hésitation
entre la répétition d'une action et
l'évocation d'un instant précis tout au
long du texte.
2.
L'un et le multiple ou l'appré- Il.
2° PARTIE
hension psychologique du monde
a) Une phénoménologie de la percep- a) l ' sous-partie
tion (phénoménologie = étude des
phénomènes tels qu'ils se présentent à
la conscience)
• L'échec de la perception directe:
elle donne une vision fragmentaire et
comme éclatée (« le spectacle total de
l'été dont mes sens, si j'avais été en
promenade, n'auraient pu jouir que
J?ar morceaux»), donc superficielle
(voir la longue phrase finale).
·
• Les conditions de perception d'un
«spectacle total» (l.
4) : la pensée
(première l)hrase du§ 3) et l' imagination (première phrase du texte).
0
b)....
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