Commentaire texte L’Humeur vagabonde d’Antoine Blondin de la ligne 13 à la fin. A gauche, en entrant...
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Commentaire texte
L’Humeur vagabonde d’Antoine Blondin de la ligne 13 à la fin.
A gauche, en entrant, on trouve non pas les bureaux de Saint Pierre comme on
s’y
attendrait, mais un corps de garde, devant lequel bavardent des personnages vêtus d’un
uniforme délavé, intermédiaire entre celui des sergents de ville et celui des gardiens de
square, d’un bleu d’outre-tombe.
Ils sont armés d’un lourd révolver contre les chacals, les
feux follets, les profanateurs, véritables gardiens de la paix.
Ils échangent des ragots
ténébreux.
Ils sont également un peu guides et tolèrent qu’on leur graisse la patte sous la
pèlerine.
-Vous cherchez la tombe de Chopin ?
-Moi ? Pas du tout ! Je voudrais aller sur celle de M.
Amouroux.
La réputation de M.
Amouroux n’était pas à Paris ce qu’elle était chez nous.
Le garde eut une mimique d’impuissance et me conseilla de m’adresser à la Conservation
où l’on m’établirait une situation de sépulture.
Il s’offrit à m’y accompagner, aimant son
métier et l’exerçant avec conscience.
Chemin faisant il me disait :
- Les eaux et Forêts aussi, ça m’aurait bien plus… mais pour un Parigot comme
moi, ça n’était pas facile, surtout que ma femme était ouvreuse de cinéma, une
belle femme si vous l’aviez vue dans le noir…
- Elle n’est plus là ?...Elle est ici ?
- Pensez vous, ça me gênerait trop dans mon travail, vous ne voyez pas ! il faut
séparer le sentiment, surtout nous, n’est ce pas ? …Non elle est à Bagneux dans le caveau
de ses parents ; j’y vais bricoler dès que j’ai un moment de libre ici, çà me change un peu…
Vraiment, vous ne voulez pas pousser jusqu'à Chopin.
C’est pas une course que je vous
fais faire et ce que je vous en dis, c’est désintéressé.
Tenez, on le voit d’ici ; en automne,
c’est très fréquenté ; Musset, c’est plutôt au printemps ; vous l’avez là bas, au bout de
mon doigt… Vous s’avez peut être qu’il y a eu une histoire de femme entre eux ; tout ça,
ça se débrouillait à toi, à moi … C’était des artistes ! vous n’êtes pas en deuil au moins…Bon
! Mais si je vous disais que le plus gaillard, c’est pas encore eux, c’est Félix Faure, un chaud
lapin, que vous pouvez apercevoir à peu près au milieu… Ca n’est pas l’endroit à vous
raconter comment il est mort, autrement…D’ailleurs vous voilà arrivé.
La Conservation, sous des dehors de caserne ou d’école, ressemble à tous ces locaux où
les individus éprouvent leur condition à travers des chiffres, des références, des coups de
tampon.
Mais c’est le seul où il ne soit pas possible d’exiger que la personne en cause
vienne faire la queue elle-même.
Ceux qui sont présents sont des êtres qu’une dévotion
ou un caprice pieux incite, et il règne une patience inhabituelle de part et d’autre de ces
comptoirs, sous ces casiers à l’infini où sont classées nos dernières étiquettes d’homme.
A
mon tour, on me remet une fiche : Préfecture de la Seine- Cimetière Parisien de l’Est –
Amoureux Joseph-Date d’inhumation 1935 -98é division -13é section – 22ème ligne- 75T3è du milieu…Et dire que l’âme est encore ailleurs ! Parti d’un bon pas, je ne tardai pas à
m’égarer.
La rigueur abstraite de ma feuille de route ne rendait pas compte du tout de la
nature du terrain.
J’aurais préféré qu’on m’eût indiqué M.
Amouroux derrière le quinconce,
entre les colonnes étrusques, près de la grille tordue.
Le premier poteau frontière que je
rencontrai m’apprit que je venais de sauter sans transition de la soixante treizième division
à la cinquième *.
Dès lors, je perdis le fil du système, passant d’une circulaire dans une
transversale, d’une transversale dans un chemin creux, pour m’enfoncer d’avantage, au
plus profond d’un taillis chaotique de chapelles dentelées, de temples arides, de tumulus
cubistes*, de pagodes biscornues, de blockhaus funéraires et d’édicules votifs, ou le fer
forgé, le marbre, le granit se chevauchaient à l’envi.
Il s’en dégageait une majesté
cosmique et brouillonne, comme si la création tout entière y fût empilée, les fils sur les
pères, les pères sur les aïeux, les oncles sur le coté, et l’impression qu’en fouillant plus
avant,
on
retrouverait
Adam
et
Eve.
Vous adopterez le parcours de lecture suivant :
I.
Quelles images du cimetière se dégagent de cet extrait :
A- Un lieu peu « sacré »
• Décalage => le texte ne rend absolument pas le caractère « sacré » d’un cimetière qui
est normalement un lieu de recueillement.
1- C’est presque une ville très quadrillée : « la soixante treizième division à la cinquième ;
système, passant d’une circulaire dans une transversale, d’une transversale dans un
chemin creux… »
Lieu très précis, très quadrillé : « Premier poteau frontière que je rencontrai m’apprit ;
rigueur abstraite de ma feuille
2- C’est un labyrinthe => lieu où l’on se perd : « m’égarer ; je perdis le fil du système…
B- Un lieu de visite
• On se rend au cimetière => lieu de passage.
- Visites à périodes plutôt définies : « en automne, c’est très fréquenté » => Cf.
la
Toussaint.
- Habitudes des gens : « Musset, c’est plutôt au printemps » => le cimetière est comme
un musée, on vient y voir des personnes connues, célèbres.
Cf.
« Musset, Félix Faure,
Chopin ».
• Lieu où l’on peut parler, lieu de promenade (plus que lieu de recueillement).
Cf.
le garde
qui raconte sa vie.
« Les eaux et Forêts aussi, ça m’aurait bien plus… mais pour un Parigot
comme
moi, ça n’était pas facile, surtout que ma femme était ouvreuse de cinéma… ».
C- Un lieu très étrange
• Un lieu sauvage ? : « m’enfoncer d’avantage, au plus profond d’un taillis chaotique » =>
proche de la brousse ou d’une forêt épaisse dans laquelle on s’enfonce.
• Un lieu peu agréable : Cf.
tous les adjectifs (souvent participiaux) qui connotent la
dureté : « dentelées, arides, funéraire » + les substantifs qui relèvent d’univers très
différents :
- cultures différents « chapelles, temples, pagodes » ;
- vocations très différentes, Cf.
« chapelles, blockhaus » ;
- matières hétéroclites : « le fer forgé, le marbre, le granit ».
NB : marbre et granite
connotent la dureté, la résistance, la solidité.
NB....
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