Commentaire du poème « Grotesques » (Poèmes Saturniens) de Paul Verlaine Introduction : Ce poème « Grotesques » est extrait...
Extrait du document
«
Commentaire du poème « Grotesques » (Poèmes Saturniens) de Paul Verlaine
Introduction :
Ce poème « Grotesques » est extrait des Poèmes Saturniens, premier recueil de
Verlaine, publié en 1866.
Dans ce recueil, Verlaine se pace sous le signe de Saturne,
planète de la mélancolie.
Les Saturniens figurent une sorte de communauté imaginaire à
laquelle se trouvent associés tous ceux qui subissent l'influence de la « fauve
planète.
« Grotesque » prend plus précisément place dans la section « Eaux-Fortes » du
recueil, section dédiée au poète parnassien François Coppée.
L’eau forte est un type de
gravure, le plus apte, selon Baudelaire à exprimer la personnalité et l’individualité de
l’artiste.
Projet de lecture : En quoi ce poème est-il « grotesque » ?
I)
Un poème visuel et pictural
1)
Le titre du poème
Le titre du poème ( comme celui de la section) est emprunté au vocabulaire
pictural : les grotesques désignent des petites figures, arabesques servant de décor
mural, inspirées de celles qui furent trouvées dans les édifices anciens ensevelis sous
terres.
Par extension elles désignent aussi des figures bizarres et chargées dans laquelle
la nature est contrefaite.
Certains indices du texte renvoient à ce titre emprunté au
vocabulaire artistique.
D’une part, l’étrangeté des figures décrites est soulignée dans le
poème par l’emploi de l’adjectif « bizarres » et par l’équivoque conservée jusqu’à la
sixième strophe (et à moitié résolue) sur l’identité des personnages décrits, seulement
désignés par le pronom personnel masculin de la troisième personne du singulier :
« ils ».
Par ailleurs la dimension ancienne est véhiculée par une évocation du passé dans
la cinquième strophe :
C’est enfin que dans leurs prunelles
Rit et pleure – fastidieux –
L’amour des choses éternelles,
Des vieux morts et des anciens dieux !
La référence à un passé antique ( à travers la mention des « anciens dieux »)
rappelle les grotesques de l’art pictural.
2)
La dimension visuelle du poème
Ce poème de Verlaine se présente comme un tableau dont le poète nous décrit de
façon méthodique les composants.
La dimension descriptive du poème est accentuée par
l’emploi récurrent du présentatif « c’est » : les choses surgissent aux yeux du poète dans
l’évidence de leur présence, comme s’il était face à un tableau.
La composition du poème
présentant cinq strophes descriptives suivie de cinq strophes de commentaire personnel
du poète (marqué par l’adresse soudaine du poète aux « vagabonds » au début de la
sixième strophe) fait de Verlaine ici un critique d’art.
Par ailleurs certaines images fortes viennent renforcer la dimension visuelle du
poète.
Dans le deuxième quatrain, on a l’impression d’assister à une véritable scène
dramatique, le poète mettant en scène les plaintes du sage et du sot face à ces étranges
personnages et les moqueries des enfants.
Cette scène se poursuit lorsque le poète
évoque les « chants bizarres » que « nasillent » les vagabonds.
Dans l’avant-dernier
quatrain, Verlaine nous montre le spectacle pathétique et morbide de la maladie et de la
décomposition future de ces hommes, mortifiés par la dureté de la nature :
Les juins brûlent et les décembres
Gèlent votre chair jusqu’aux os
Et la fièvre envahit vos membres
Qui se déchirent aux roseaux.
à relever ici les verbes visuels évoquant une torture physique(
« brûlent…gêlent…envahit…déchirent…)
II)
La peinture de personnages « grotesques »
Le terme grotesque, étendu au langage courant, désigne toute chose révélant un
style privilégiant les formes étranges, dérisoires et inattendue et déclenchant le rire par
son caractère insolite.
Mais le grotesque suscite autant le rire que la peur ; comme le dit
Hugo « d’une part il crée le difforme et l’horrible, de l’autre, le comique et le bouffon.
»
Dans ce poème Verlaine reprend et illustre la définition hugolienne du grotesque en
mêlant constamment horrible et comique.
1)
Le difforme et l’horrible
Les personnages dont il est question dans ce poème apparaissent comme
difformes ; pendant les cinq premières strophes on ne sait si le poète traite d’hommes ou
de bêtes.
Dès le premier vers, la comparaison des jambes à une « monture » tend à
animaliser les personnages.
Ces personnages font horreur car ils sont dans un état de
dénuement total :
Leurs jambes pour toutes montures,
Pour tous biens l'or de leurs regards,
Par le chemin des aventures
Ils vont haillonneux et hagards
à étudier ici la construction chiasmique des deux premiers mettant en valeur la locution
prépositionnelle ‘pour toutes » et révélant la pauvreté et l’état de dénuement de ces
personnages
à étudier le couple d’adjectif « haillonneux et hagards » qui renforce l’état de dénuement
de ces personnages ; NB : le choix de l’adjectif « haillonneux » aux sonorités
discordantes accentue l’aspect difforme de ces vagabonds.
Ces personnages sont si horribles que même un animal dévorateur tel que le loup
dédaignera leur cadavre selon le poète :
Tout vous repousse et tout vous navre,
Et quand la mort viendra pour vous,
Maigre et froide, votre cadavre
Sera dédaigné par les loups !
à étudier la répétition de l’expression « tout vous » évoquant avec insistance le rejet
dont font l’objet ces grotesques.
à étudier aussi la rime « vous/ loups » assimilant ces hommes à des bêtes sauvage (
symétrie avec le premier vers du poème dans la volonté d’animalisation)
Le grotesque dans sa dimension horrible évolue vers le fantastique à travers l’emploi de....
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓