Commentaire de Cassation civile 30 juin 2004 1 re , LACOUR, Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches...
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Commentaire
de Cassation civile
30 juin 2004
1 re ,
LACOUR,
Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches :
Vu les articles 1134 et 1135 du Code civil;
Atte ndu que Mme Blay a loué auprès de la BNP deux chambres
fortes, selon contrats à durée indéterminée des 29 décembre 1987
et 3 février 1989, prévoyant que le prix du loyer serait fixé par la
banque à chaque période de location et résiliables à tout moment,
par chacune des parties, sous préavis minimum d'un mois ; que
par l ettre du 18 juin 1996, la banque a informé Mme Blay de ce
que le prix de location serait porté, pour l'année 1997, de 54 000
à 145 000 francs, faisant valoir que l'évolution des charges de ses
installations ne lui permettait pas de maintenir les prix« exception
nellement bas» antérieurement pratiqués; que sur protestations de
la cliente, la banque a proposé de fixer le prix de location des deux
chambres fortes à la somme forfaitaire de 200 000 francs; qu'ayant
renouvelé ses contrats sous réserves Mme Blay a assigné la banque
e n dommages-intérêts pour abus dans la fixation du prix ;
Attendu que pour accueillir cette demande l'arrêt retient que
l'augmentation pratiquée est une anomalie manifeste apparente
que la banque n'a justifiée ni au regard de l'évolution des charges
qui sont restées les mêmes, ni au re gard de la prise en compte des
surfaces respectives des chambres qualifiées d'équivalentes;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors, d'une part, que la banque
était libre de fixer le prix qu'elle entendait pratiquer, alors, d'autre
part, qu'il résultait de ses propres constatations que Mme Blay, qui
bénéficiait d'un préavis d'un mois pour résilier son contrat, avait été
tenue infôrmée du changement de politique de la banque plus de
six mois avant l'échéance, disposant ainsi du temps nécessaire pour
s'adresser à la concurrence, de sorte qu'il n'était pas démontré en
quoi elle avait été contrainte de se soumettre aux conditions
en quoi elle avait été contrainte de se soumettre aux conditions
de la BNP en renouvelant un contrat qu'elle restait libre de ne pas
poursuivre, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé le comportement
fautif de la banque, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE,[...).
_______________ CORRIGÉ
La détermination du prix dans les contrats de longue durée soulève des
difficultés récurrentes.
Une étape fondamentale a été franchie lorsque la Cour
de cassation, dans un important arrêt d'assemblée plénière du 1 er décembre
1995, a considéré qu'en règle générale le prix n'avait pas nécessairement à
être déterminé ou du mois objectivement déterminable lors de la formation
d'un contrat.
Sa fixation peut donc intervenir plus tard, en cours d'exécution.
Mais de quelle manière 7 C'est sur ce terrain que le présent arrêt de la Cour de
cassation apporte une contribution notable.
Des contrats de location de chambres fortes avaient été conclus pour une
durée indéterminée entre une banque et sa cliente.
Des clauses stipulaient
que le prix du loyer serait fixé par la banque bailleresse à chaque période de
location et que les contrats seraient résiliables à tout moment, par chacune
des parties, sous préavis minimum d'un mois.
Quelques années plus tard, la
locataire reçoit une lettre de la banque, l'informant que le prix de la location
serait augmenté de plus de 150 % en raison de l'évolution des charges de ses
installations, qui ne lui permettent plus de maintenir les prix « exceptionnel
lement bas » antérieurement pratiqués.
La banque ayant malgré tout consenti
une remise sur le prix global des locations, la locataire renouvela ses contrats
mais sous réserves.
Ultérieurement, elle assigna son bailleur en dommages
intérêts pour abus dans la fixation du prix.
La cour d'appel de Paris accueillit sa demande au motif que, les charges
étant restées les mêmes et les surfaces respectives des chambres étant équiva
lentes, l'augmentation des prix pratiquée par la banque était manifestement
une anomalie injustifiée.
Sur pourvoi formé par la banque, la Cour de cassation
casse et annule la décision des juges du fond.
Au visa des articles 1134 et 1135
du Code civil, elle rappelle que la banque « était libre de fixer le prix qu'elle
entendait pratiquer », observe que 1 'information du changement de politique
de la banque a été adressée à sa cliente plus de six mois avant l'échéance du
renouvellement des contrats, ce qui lui laissait le temps nécessaire pour s'adresser
à la concurrence et bénéficier du préavis d'un mois pour résilier ses contrats,
et conclut que, dans ces conditions, la cour d'appel « n'a pas caractérisé le
comportement fautif de la banque».
Ainsi, la Cour régulatrice suit-elle un raisonnement en deux temps.
D'abord,
elle constate qu'aux termes du contrat, la banque était en droit de fixer unila
téralement le prix de location à chaque renouvellement des contrats.
Puis elle
recherche si la banque n'a pas abusé de son droit, auquel cas elle aurait malgré
tout commis une faute susceptible d'engager sa responsabilité contractuelle.
Ces deux points méritent quelques commentaires.
1.
La liberté de fixer unilatéralement le prix
« La banque était libre de fixer le prix qu'elle entendait pratiquer», énonce
la Cour de cassation.
Par cette formule, la haute juridiction vise certainement
les termes du contrat conclu entre les parties.
Mais elle fait aussi implicitement
référence à sa propre jurisprudence.
A.
Le contrat
La liberté dans la fixation du prix de location, la banque se l'était expres
sément réservée dans les contrats conclus avec sa cliente.
La Cour de cassation
souligne ce fait dès le début de son arrêt, lorsqu'elle indique qu'en l'espèce
une clause du contrat de location prévoyait que « le prix du loyer serait fixé
par la banque à chaque période de location ».
Sans cette stipulation expresse,
la banque n'aurait sans doute pas joui de la même liberté.
Le droit de fixer
unilatéralement un élément du contrat aussi important que le prix a en effet
quelque chose d'exorbitant.
Il aboutit à abandonner l'une des parties entre les
mains de l'autre.
Aussi une telle stipulation doit-elle être clairement convenue.
À défaut, un retour à une procédure négociée de fixation du prix paraît devoir
s'imposer.
En l'espèce, la question ne se posait pas.
La cliente avait bien accepté les
termes du contrat en connaissance de cause, puisqu'elle y avait consenti et avait
exécuté ensuite ses obligations pendant près d'une décennie.
Il y avait donc lieu
d'appliquer ici l'article 1134 du Code civil, aux termes duquel« les conventions
...
tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ».
Le contrat librement conclu
s'impose aux parties, comme la loi s'impose aux citoyens.
Il reste que le même article subordonne la force obligatoire des contrats à la
condition qu'ils aient été formés conformément aux vœux de la loi et, au-delà,
de la jurisprudence qui les interprète.
Même expressément stipulé, le droit de
fixer unilatéralement le prix eut été écarté si le législateur ou le juge l'avaient
jugé contraire à nos principes juridiques.
Or, tel n'a pas été le cas.
B.
La jurisprudence
La Cour de cassation, en effet, ne s'est pas contentée, le 1er décembre 1995,
de décider que le prix....
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