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:Cironie et le comique Le conte philosophique recourt à l'ironie et au comique pour mieux introduire une réflexion philosophique et...

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« :Cironie et le comique Le conte philosophique recourt à l'ironie et au comique pour mieux introduire une réflexion philosophique et une satire politi­ que, religieuse et sociale. L'IRONIE ET SES PROCÉDÉS L'ironie consiste à dire le contraire de ce que l'on pense, à for­ muler une contrevérité que les événements, les personnages ou le lecteur vont rapidement démentir.

Feindre de partager l'opinion de l'adversaire présente plusieurs avantages : égarer la censure et exciter au contraire la curiosité du lecteur. 1 Les procédés antithétiques L'antithèse, c'est-à-dire l'opposition de deux penséei:, ou de deux mots dont le contraste est saisissant, est l'expressior, la plus élé­ mentaire de l'ironie. L'antithèse peut être simplement anecdotique: ainsi dit-on, alors qu'il n'en est rien, que l'abbé de Saint-Yves est« un grand phy­ sionomiste ,, (chap.

Il). L'antithèse peut également servir la satire.

On lit, par exemple, que le père Tout-à-tous, le confesseur jésuite de M"• de Saint-Yves, est« un bon confesseur ,, (chap.

XVI), alors que Voltaire critique violemment son hypocrisie, son immoralité et sa pratique de la casuistique(➔ PROBLÉMATIQUE 2, p.

31). Voltaire utilise constamment les procédés ironiques pour dési­ gner l'amie de Versailles, en grande partie responsable des malheurs de Ml'• de Saint-Yves.

Or il l'appelle« sa bonne amie», « cette brave personne », « la dévote » (chap.

XVII).

Le contexte dissipe toute ambiguïté et rétablit la vérité : « Tandis que cette brave per- sonne augmentait ainsi les perplexités de cette âme désespérée, et enfonçait le poignard dans son cœur » (chap.

XVII). Par ailleurs, Voltaire s'amuse à faire proférer à la patriotique et zélée Mil• de Kerkabon des déclarations historiques bien nàives sur l'expansion française.

Ne dit-elle pas : « Certainement [ces Anglais] sont maudits de Dieu, et nous leur prendrons la Jamaïque et la Virginie avant qu'il soit peu de temps » (chap.

Il) alors que la France, par le traité de Paris, vient au contraire d'abandonner à l'Angleterre nombre de territoires américains : le trait est d'une ironique amertume pour les contemporains de Voltaire. 1L'alliance de mots L'ironie peut également s'exprimer par l'alliance de mots, c'està-dire la juxtaposition immédiate de mots qui s'opposent entre eux. Voltaire joue par exemple de la contradiction des propos du jésuite que les Kerkabon sont venus consulter dans l'espoir de retrouver leur neveu disparu.

Cet hypocrite les rassure : « Il n'y a rien que je ne fasse pour vous.

» Mais aussitôt après l'entretien, ce même jésuite « [congédie] affectueusement le prieur, et n'y [pense] plus » (chap.

XIII). « Congédier affectueusement» est une alliance de mots, de même que « saint de profession » (chap.

1). L'ironie naît du rapprochement inattendu de termes; ainsi dans cet aveu cynique du commis : « Je suis sans crédit pour faire du bien; tout mon pouvoir se borne à faire du mal quelquefois » (chap.

XIII) avec l'expression symétrique « faire le bien » et « faire le mal» soulignée par l'adverbe« quelquefois».

Ces effets comiques se retrouvent dans la bouche de Mil• de Kerkabon qui « disait en pleurant qu'il avait le diable au corps depuis qu'il était baptisé » (chap.

VI). 82 PROBLÉMATIQUES ESSENTIELLES 1L'impropriété voulue et la périphrase L'impropriété Le décalage voulu entre la réalité et le vocabulaire la critiquant justifie l'emploi de termes volontairement impropres.

L'effet consiste toujours à ridiculiser la notion en la détachant de son contexte habituel.

L'ingénu, en raison de son inculture et de la fonction satirique que lui prête Voltaire, est le plus sujet à ces maladresses. Le Huron raconte par exemple avoir « trouvé en arrivant à Plymouth un de vos Français réfugiés, que vous appelez hugue- nots, je ne sais pourquoi » (chap.

1), sans préciser qu'il s'agit des conséquences de la révocation de l'édit de Nantes, bien connues du lecteur de !:Ingénu.

De même, il réduit le baptême à une institution dépourvue de sens en créant le néologisme « se débaptiser»:« Si on me prive de la belle Saint-Yves, sous prétexte de mon baptême, je vous avertis que je l'enlève et que je me débaptise » (chap.

V). Le Huron, qui n'apprend l'existence du pape qu'à propos des dispenses que celui-ci peut accorder pour les mariages, lui décerne quelques appellations originales.

li le nomme successivement : « Cet homme charmant qui favorise avec tant de bonté les garçons et les filles dans leurs amours » et « Un homme qui demeure vers la Méditerranée à quatre cents lieues d'ici et dont je n'entends point la langue » (chap.

V).

Ces définitions insistent sur des aspects négligeables de la fonction papale et ridiculisent par conséquent le pontife. Pendant son séjour à la Bastille, l'ingénu s'initie à la culture et aux querelles religieuses contemporaines.

Son « ingénuité » fait se multiplier les impropriétés et par là même les critiques de Voltaire.

Ainsi sur le mot « grâce » : la grâce est un terme clé de la doctrine janséniste, dans laquelle elle signifie la prédestination, la possibilité de rachat que Dieu envoie à certains hommes.

Le Huron, lui, emploie le mot dans son acception courante, au sens PROBLÉMATIQUES ESSENTIELLES 83 de faveur « ». La citation suivante joue sur les deux sens : « À l'égard de votre grâce efficace, je vous avoue que je n'y entends rien » (Voltaire montre par là qu'il se désintéresse des thèses jan- sénistes) « mais que je regarde comme une grande grâce que Dieu m'ait fait trouver dans mon malheur un homme comme vous » (chap.

X) : les relations humaines d'amitié sont plus importantes aux yeux de l'auteur.

Venant d'un autre personnage que l'ingénu, l'impropriété voulue renforce la satire sociale, ainsi dans la lettre envoyée par le jésuite Vadbled à l'ingénu pour l'inviter à la Cour : « Sa prison n'était qu'une méprise, que ces petites disgrâces arrivaient fréquemment, qu'il ne fallait pas y faire attention » (chap.

XX). La périphrase La périphrase, qui, par un long développement généralement ironique, désigne une réalité bien connue du lecteur, a le même effet.

Ainsi la Bastille devient sous la plume de Voltaire « le château que fit construire le roi Charles V, fils de Jean Il, auprès de la rue Saint-Antoine, à la porte des Tournelles » (chap.

IX).

Or la Bastille fut dès l'origine une forteresse et servit de prison à partir de Richelieu.

Elle est donc connue comme telle par le lecteur.

On ne peut s'empêcher de comparer cette périphrase avec celle de Candide évoquant les cachots : « Des appartements d'une extrême fraîcheur dans lesquels on n'était jamais incommodé du soleil » (chap.

VI). De même, la critique peut se dissimuler derrière des mots volontairement anachroniques ou rares.

Voltaire parle ainsi de « pastophores » (les prêtres) et d'« apédeutes linostoles » (des ignorants habillés de lin).

Ces mots semblent renvoyer à !'Antiquité.

En réalité, dans ce passage (chap.

XI), Voltaire attaque les prêtres de la Sorbonne qui censurent et condamnent les ouvrages empreints du nouvel esprit philosophique. 84 PROBLÉMATIQUES ESSENTIELLES LE COMIQUE La satire voltairienne puise également son efficacité dans le comique dont elle exploite avec virtuosité les différentes facettes. 1La caricature L'évocation des personnages se fait sur le mode caricatural, du moins dans la première partie du conte.

Voltaire juxtapose les notions antithétiques : « M11• de Kerkabon [.••Jaimait le plaisir et était dévote » {chap.

1).

Il parodie les épithètes homériques 1 : « la courte et ronde demoiselle » (chap.

1).

La répétition engendre le comique : le bailli est toujours appelé « l'interrogant bailli » (chap.

1). Voltaire le campe en quelques notions caricaturales : « M.

le bailli, qui s'emparait toujours des étrangers dans quelque maison qu'il se trouvât et qui était le plus grand questionneur de la.... »

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