Chine 1990-1991 La cage et l'oiseau En 1990, le chef du gouvernement chinois, Li Peng, se serait converti à des...
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Chine 1990-1991
La cage et l'oiseau
En 1990, le chef du gouvernement chinois, Li Peng, se serait converti à des idées plus libérales dans le
champ de l'économie.
La clé de ce changement se trouvait dans la détermination des autorités à
progresser dans la réforme des prix, réforme devant laquelle avaient dû reculer les réformateurs écartés
du pouvoir avant même les événements de Tian An Men en avril-juin 1989.
La réforme en profondeur de
la formation des prix est économiquement nécessaire pour que la Chine puisse entrer pleinement dans le
système économique mondial.
Elle est socialement très difficile à mener, comme dans les autres pays
centralement planifiés, car elle implique que tout bouge en même temps, y compris les comportements
figés des acteurs économiques, sans que des troubles viennent perturber l'expérience.
Une telle réforme
durera dix ans plutôt que deux.
C'est qu'elle s'inscrit dans un projet plus ambitieux, qui consiste à mener, avec prudence, une politique
réformatrice sans que les réformateurs viennent au pouvoir.
L'image de la cage et de l'oiseau, utilisée
depuis quelques années déjà, symbolise bien ce projet.
Il s'agit de maintenir en place, fermement, le
système communiste chinois, fondé sur la propriété publique des principaux moyens de production, géré
par la bureaucratie issue du Parti, la cage.
Les barreaux de cette cage peuvent être déplacés, libérant de
nouveaux espaces ou les rétrécissant, selon les besoins.
Ce sont la planification centrale, la priorité au
secteur d'État, le maintien de l'austérité, la recherche de l'autosuffisance.
Ils ne peuvent être supprimés,
sous peine de mettre en cause l'intégrité de l'État, qui entraînerait ipso facto l'intervention nécessaire des
moyens de répression habituels.
Dans des espaces que le gouvernement chinois a souhaité agrandir en
1990-1991, l'oiseau "économie de marché" est autorisé à s'ébattre.
En utilisant au mieux des instruments
de macro-contrôle de l'économie, le gouvernement a cherché à éviter le retour à une économie trop
centralement planifiée.
Cette attitude a été exactement à l'opposé des déclarations de 1989, quand les
"conservateurs" avaient réagi, avec quelque excès, contre les dérapages de la réforme et particulièrement
leurs conséquences politiques.
Une situation économique contrastée
La situation économique, à la fin de 1990, était de ce fait contrastée.
D'un côté, la politique de
"refroidissement" inaugurée en 1988 et appliquée avec vigueur à partir de juin 1989 a produit les effets
recherchés.
L'inflation est passée, d'un taux annuel qui était de 15 à 20%, à 5% seulement.
Les
désordres sociaux redoutés ne se sont pas produits.
D'un autre côté, l'État et une partie des acteurs
sociaux ont payé cher cette austérité.
Le nombre des chômeurs ruraux avoisine les 100 millions et laisse
donc un Chinois sur huit à la charge de sa famille.
L'État, pour sa part, a utilisé le tiers de son budget en
subventions pour les entreprises déficitaires, de telle manière qu'elles ne licencient pas les ouvriers en
surnombre.
En 1990, le tiers environ des entreprises d'État produisait à perte (5 milliards de dollars de
déficit), entraînant une chute de près de 20% des recettes de l'État.
Par ailleurs, les défauts structurels de l'économie n'ont pas été corrigés.
La sidérurgie a continué de
produire en excédent des produits de qualité médiocre que les entreprises n'ont plus les moyens
d'acheter ou refusent tout net.
Les stocks de charbon se sont accumulés, faute de moyens de transport
vers les lieux de consommation.
La production a été supérieure à un milliard de tonnes.
Les industries
villageoises, dont on redoutait qu'elles privent les entreprises d'État de cette énergie, n'ont pas été en
mesure de puiser dans ces stocks, puisque l'austérité a conduit plusieurs centaines de milliers d'entre
elles à la faillite.
La production record de céréales, avec 420 millions de tonnes, a elle aussi coûté cher à
l'État, qui a dû - au moment même où ses finances étaient au plus bas -, acheter le surplus aux paysans
pour éviter que les prix ne s'effondrent.
En fait, les objectifs sociopolitiques du gouvernement ont empêché tout changement: pour qu'ouvriers et
autres salariés ne perdent pas leur pouvoir d'achat, l'État a continué à subventionner la sidérurgie et s'est
opposé à toute croissance supérieure à 6%.
Pour éviter que les paysans s'agitent, la pression est restée
faible sur les nécessaires diversifications de l'économie rurale.
Le résultat global de l'année 1990 a
témoigné de l'échec patent de la politique des conservateurs: croissance trop faible (3,7% seulement),
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chômage de presque 15 millions d'ouvriers, pression sur l'emploi des 20 millions de jeunes qui arrivent
chaque année sur le marché du travail.
Constat cruel: les seuls secteurs à embaucher et à exporter sont
le secteur privé, les petites coopératives et les jointventures, sociétés mixtes à capital partiellement
étranger.
Deux documents fondamentaux ont finalement été rendus publics en janvier 1991, après des mois de
tractations entre les principaux dirigeants du pays.
Ce sont le VIIIe Plan (1991-1995) et le Plan indicatif
de développement jusqu'en l'an 2000.
Optimistes, ils envisagent pour l'an 2000 une croissance annuelle
de 6%, une production de céréales de 600 millions de tonnes, de charbon de 1,4 milliard de tonnes,
d'acier de 80 millions de tonnes.
Fin des sanctions économiques
Devant les intentions affichées du gouvernement chinois et quelques gestes symboliques effectués de
part et d'autre, les sanctions économiques décidées dans le monde, en juin 1989, à la suite de la
répression du mouvement de contestation populaire place Tian An Men, ont toutes été rapportées.
"On
n'isole pas la Chine", tel fut le leitmotiv de la reprise.
Le Japon d'abord, en juillet 1990, la Banque
mondiale en septembre, la CEE en octobre, ont accompagné les États-Unis dans la reprise de leurs crédits
publics d'aide - Washington avait reconduit, le 24 mai 1990, la clause commerciale de la "nation la plus
favorisée" -, les crédits privés commerciaux n'ayant jamais été gelés.
Il est vrai que, dès le 10 janvier
1990, la loi martiale imposée le 20 mai 1989 avait été levée à Pékin, qu'elle le fut un peu plus tard à
Lhassa, que l'astrophysicien dissident Fang Lizhi put quitter l'ambassade américaine à Pékin pour la
Grande-Bretagne, que plus de 880 des personnes détenues depuis les événements de Tian An Men furent
libérées...
Surtout, la "bonne volonté" manifestée par la Chine au Conseil de sécurité de l'ONU à l'égard
du jeu diplomatique des Occidentaux, tout au long de la crise du Golfe - ouverte le 2 août 1990 par
l'invasion du Koweït par l'Irak -, et l'assouplissement de sa position dans l'affaire du Cambodge, lui ont
valu une considération dont elle a su faire une victoire de publicité éclatante lors des jeux Asiatiques de
Pékin en septembre 1990.
Bien que la répression ait continué à l'intérieur du pays, la bonne image
donnée à l'extérieur a joué en faveur du gouvernement chinois.
Dès lors, la participation des entreprises occidentales au développement chinois a pu reprendre.
Les
investissements, en 1990, ont même battu le record de 1988 en franchissant la barre des 6 milliards de
dollars.
Hitachi a engagé la construction d'une usine de téléviseurs à Shenzhen, Hopewell de Hong Kong
a obtenu 800 millions de dollars de vingt grandes banques pour l'autoroute Canton-Hong Kong.
Les
firmes françaises Alcatel, CGE-Alsthom, Péchiney, Technip, ont obtenu de bons contrats.
Les grands
constructeurs automobiles mondiaux misent sur une motorisation relativement rapide, malgré les
déboires des pionniers de l'aventure, l'américain AMC-Chrysler à Pékin, l'allemand Volkswagen à Shanghaï
et le français Peugeot à Canton: sous-développement industriel, planification rigide, féodalités
administratives rivales, arriération des infrastructures, mauvais état du réseau routier, insuffisance de
stations services...
Volkswagen a signé en 1990 un nouveau contrat de relocalisation de certaines de ses usines obsolètes à
Changchun (Nord-Est), le constructeur français Citroën s'est engagé de manière plus risquée à produire à
Wuhan (Centre) 150 000 voitures par an.
Ces deux firmes ont parié sur le desserrement du contrôle du
marché automobile, mais jusqu'à fin 1990, plus de neuf sur dix des véhicules achetés l'étaient par des
administrations très surveillées.
Toyota, de son côté, a refusé d'investir en Chine et a préféré vendre
depuis le Japon, profitant de sa bonne image de marque.
Dans le domaine bancaire, les français Crédit Lyonnais et Indosuez, parmi....
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