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Charles BAUDELAIRE Le Spleen de Paris, « À une heure du matin». E 5 10 15 20 25 30 NFIN!...

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« Charles BAUDELAIRE Le Spleen de Paris, « À une heure du matin». E 5 10 15 20 25 30 NFIN! seul! On n'entend plus que le roulement de quelques fiacres attardés et éreintés.

Pendant quelques heures, nous posséderons le silence, sinon le repos.

Enfin! la tyrannie de la face humaine a disparu, et je ne souffrirai plus que par moi-même. Enfin! il m'est donc permis de me délasser dans un bain de ténèbres! D'abord, un double tour à la serrure.

Il me semble que ce tour de def augmentera ma solitude et fortifiera les barricades qui me séparent actuellement du monde. Horrible vie! Horrible ville! Récapitulons la journée : avoir vu plusieurs hommes de lettres, dont l'un m'a demandé si l'on pouvait aller en Russie par voie de terre (il prenait sans doute la Russie pour une île); avoir disputé généreusement contre le directeur d'une revue, qui à chaque objection répondait : «- C'est ici le parti des hon­ nêtes gens», ce qui implique que tous les autres journaux sont rédigés par des coquins; avoir salué une vingtaine de personnes, dont quinze me sont inconnues; avoir distribué des poignées de main dans la même proportion, et cela sans avoir pris la précaution d'acheter des gants; être monté pour tuer le temps chez une sauteuse I qui m'a prié de lui dessiner un costume de Vénustre 2 ; avoir fait ma cour à un directeur de théâtre, qui m'a dit en me congédiant : « - Vous feriez peut-être bien de vous adresser à Z...

; c'est le plus lourd, le plus sot et le plus célèbre de tous mes auteurs; avec lui vous pourriez peut-être aboutir à quelque chose.

Voyez-le, et puis nous verrons»; m'être vanté (pour­ quoi?) de plusieurs vilaines actions que je n'ai jamais commises, et avoir lâchement nié quelques autres méfaits que j'ai accomplis avec joie, délit de fanfaronnade, crime de respect humain; avoir refusé à un ami un service facile, 1.

sauteuse : prostituée. 2.

Vénustre: Vénus (par déformation populaire). 35 40 et donné une recommandation écrite à un parfait drôle; ouf! est-ce bien fini? Mécontent de tous et mécontent de moi, je voudrais bien me racheter et m'enorgueillir un peu dans le silence et la solitude de la nuit.

Âmes de ceux que j'ai aimés, âmes de ceux que j'ai chantés, fortifiez-moi, soutenez-moi, éloignez de moi le mensonge et les vapeurs corruptrices du monde ; et vous, Seigneur mon Dieu! accordez-moi la grâce de produire quelques beaux vers qui me prouvent à moi­ même que je ne suis pas le dernier des hommes, que je ne suis pas inférieur à ceux que je méprise! Vous ferez de ce poème en prose un commentaire composé. Vous vous interrogerez, par exemple, sur ce qui, au-delà d'une apparente diversité, en fait l'unité. Remarques préliminaires « À une heure du matin» figure dans un recueil que Baude­ laire a d'abord intitulé Petits Poèmes en prose avant d'opter plutôt, semble-t-il, pour Le Spleen de Paris, bien que la capitale y tienne une place restreinte.

Un premier problème se pose à vous, celui de l'effet poétique.

Depuis Fénelon, certains écri­ vains (Chateaubriand notamment) avaient parfois donné à leur prose un tour poétique.

Mais le véritable créateur du poème en prose est Aloysius Bertrand, l'auteur de Gaspard de la nuit (1842), qui essaie d'obtenir un équivalent aussi proche que possible du poème en vers : l'objet qu'il se propose est à peu près le même, mais avec une orchestration différente.

Baude­ laire entend aller plus loin et trouver, selon sa propre formule, « le miracle d'une prose poétique, musicale sans rythme et sans rime, assez souple et assez heurtée pour s'adapter aux mouve­ ments lyriques de l'âme, aux ondulations de la rêverie, aux soubresauts de la conscience».

Aussi la musique qu'il recherche n'est plus celle de l'imagination, mais celle de l'âme, et il s'arrange pour la communiquer au lecteur par les moyens de la prose seule, en renonçant aux effets rythmiques et phoniques, de sorte que l'effet poétique se trouve directement lié à l'émo­ tion de l'écrivain.

Pour que le résultat escompté soit obtenu, il faut donc que le poème traduise un mouvement de l'âme. D'autre part, un second problème se pose : ce texte présente une telle diversité de tons qu'il peut se prêter à une étude fondée sur ses structures et sur sa composition; toutefois le libellé vous oriente dans une autre direction, celle de l'unité, dont ren­ drait compte un plan de type synthétique tel que celui-ci : Plan détaillé 1.

Un poème en prose original a) Un examen de conscience • Description du poème : c'est tour à tour le discours*, le récit, puis à nouveau le discours* qui domine (§ 1-2, § 3 et § 4). • Composition très nette : introduction («ENFIN ! seul ! ») au présent de l'indicatif(§ 1-2); - examen de conscience (« Récapitu­ lons la journée») avec une cascade d'infinitifs passés(§ 3); - prière, surtout à l'impératif. • La critique .littéraire distingue dans Le Spleen de Paris les poèmes «artistiques» (organisés) et les poèmes «rapsodiques»(où le manque d'unité artistique est flagrant).

«À une heure du matin» réalise une synthèse de ces deux tendances : malgré la variété des tons il se referme sur lui-même et répond par son existence au souhait angoissé de !'écrivain. b) Un poème au ton simple et varié • Le prosaïsme : Baudelaire recherche la liberté de la forme(ni couplets, ni refrains, ni symétries) et la liberté de ton (ex.

: les propos rapportés et plus généralement la langue parlée). • Les tons très variés : opposition très nette entre le lyrisme* du début et de la fin et l'ironie* douloureuse de l'examen de conscience.

L'originalité de Baudelaire se manifeste de deux façons : il se propose de peindre la complexité de son âme, non en moraliste mais en poète ; son.... »

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