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CHAPITRE XIV : DERNIER FEUILLET Chimère 2 Le narrateur révèle qu'il a parlé, dans les chapitres pré­cédents, de sa jeunesse....

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« CHAPITRE XIV : DERNIER FEUILLET Chimère 2 Le narrateur révèle qu'il a parlé, dans les chapitres pré­cédents, de sa jeunesse.

Le Valois « est bien changé» car Ermenonville« a perdu [sa] seule étoile [...

] Adrienne ou Syl­vie [ ...

] c'étaient les deux moitiés d'un seul amour».

À I' Image Saint-Jean de Dammartin, on lui donne une chambre qui « est un dernier retour vers le bric-à-brac» dont il s'entou­rait autrefois.

Le matin, il va retrouver le pâtissier, Sylvie et leurs deux enfants et se dit que:« Là était le bonheur peut­être, cependant ...

» Dernière précision: il avait emmené Syl­vie voir Aurélie quand l'actrice jouait dans le pays; la Valoi­sienne ne lui avait pas trouvé de ressemblance avec Adrienne.

Sylvie lui apprenait même qu'Adrienne« [était] morte au couvent de Saint-5...

, vers 1832». A•1t'dl"ifüitfüJi Présent de l'écriture Comme s'il parlait des loreleis, le narrateur déclare : « Telles sont les chimères qui charment [nous soulignons afin d'insis­ ter sur les allitérations] et égarent au matin de la vie.

J'ai essayé de les fixer sans beaucoup d'ordre, mais bien des cœurs me com­ prendront.

Les illusions tombent l'une après l'autre, comme les écorces d'un fruit, et le fruit, c'est l'expérience.

[...], qu'on me pardonne ce style vieilli.

» Se dégagent ici les différents points fondamentaux de l'esthétique et de la poétique nervaliennes: le recul de l'expérience des chapitres précédents par rapport au présent privilégié du scripteur (cf.

l'usage du présent, du passé composé et du futur.); la fixation du vertige et de l'égarement entre les marges formelles de l'écriture; l'exemplarité de l'expé­ rience de !'écrivain; la revendication de Sylvie comme l'écri­ ture vieillie d'un « écorçage » et d'un feuilleté du Temps. Feuilleté des Souvenirs du Valois; l'espace du Temps « Je suis le ténébreux, - le veuf, - l'inconsolé, Le prince d'Aquitaine à la tour abolie: Ma seule étoile est morte, - et mon luth constellé Porte le Soleil noir de la Mélancolie.» Premier quatrain d'« El Desdichado », premier sonnet des Chimères. Tout change, même la nature, si elle ne parle plus au cœur de l'homme.

Ermenonville (cf.

chap.

IX) le déçoit. À Othys (cf.

chap.

VI), Montagny (cf.

chap.

v et IX), Loisy (cf. chap.

v, VIII, x et XII) et Châalis que l'on restaure (cf.

chap.

VII, x et XI) - au rythme des souvenirs, ces noms rebondissent en échos aux sonorités vocaliques entre le passé le plus fantas­ matique et un présent si ponctuel qu'il imite le passé - le nar­ rateur ne retrouve rien de lui-même.

Le souvenir personnel vieillit puisqu'il se dégrade en« traces fugitives» de ce qui ne fut peut-être bien qu'illusion et artifice; en effet, le narrateur se rappelle un temps« où le naturel était affecté». La nature traduit ainsi l'univers intérieur d'un moi que la durée entraîne.

Cela se manifeste précisément par certains complexes que nous avons déjà perçus : - le motif de la mortefontaine ; - le motif de l'écho inaudible; - le motif de la topographie brouillée: Ermenonville - qui incarnait pour Nerval un passé glorieux du Valois - est isolé à l'écart des chemins praticables; c'est le passé finalement qui, en s'estompant, devient impraticable.

À Dammartin, de la fenêtre de la chambre où il couche quand il s'y rend, le narrateur ne dis­ tingue pas Ermenonville qui n'a malheureusement pas de clo­ cher vers lequel se diriger, ou s'élever...

Le culte des souvenirs est peut-être question de foi...

Par ailleurs, cette chambre - même si la fenêtre est« encadrée de vigne et de roses» (cf.

chap.

v, et même VI) - n'est plus celle de la tante, ni celle de Sylvie; - le motif du bric-à-brac stérile: renoncement en fait aux mélanges éclectiques (au syncrétisme fascinant et illusoire?), aux réconciliations artificielles.

On ne conciliera pas ce qui est discontinu et hétérogène; - le motif de la tour abolie : les souvenirs monumentaux disparaissent aussi; le château de Dammartin n'a laissé que les débris de ses vieilles tours de brique (cf.

chap.

rr, VII et IX). Mais« dans les allées de tilleuls» qui les« ceignent», les enfants de Sylvie jouent avec « les flèches paternelles ».

La tradition « du tir des compagnons de l'arc» semble devoir subsister ... Avec le pâtissier, Sylvie (et leurs enfants), le narrateur doit se contenter d'évocations d'un passé qui meurt; c'est dire qu'il n'a plus rien à partager avec eux.

D'ailleurs, devant le « sourire athé­ nien» de Sylvie, il pense: « Là était le bonheur peut-être; cepen­ dant ...» La nostalgie laisse place, en fait, à la mélancolie car il n'a, au fond, aucune envie de vivre cette réalité présente.

Il ne lui reste plus que le recours lucide aux représentations d'ordre esthétique qu'il devra remplacer par ses transpositions person­ nelles, non plus pour masquer le réel ou le fmr - démarche qui commanda longtemps son appréhension des modèles culturels-, mais pour opérer une purgation personnelle et exemplaire des passions destructrices.

L'esthète devra écrire Sylvie, en somme. Ermenonville! pays où fleurissait encore l'idylle antique, traduite une seconde fois d'après Gessner...

(poète Suisse du XVIII" siècle) par Nerval (?), n'est plus rien au cœur du narrateur.

Il faut donc, de transposition en transposition, éviter que le son ne s'éteigne, que le palimpseste ne présente qu'une surface opaque et illisible. Esthète et écrivain En effet, les modèles culturels traditionnels sont pré­ caires car ils s'usent; ils ne peuvent valoir pour tous les temps. Les œuvres ne peuvent plus conduire qu'à une sollicitation lucide du fantasme; car, dans le cas contraire, ce serait là un refuge névrotique.

Aussi l'ironie apparaît-elle. L'ironie du scripteur - devenu le producteur de sa propre compensation esthétique - peut lui permettre de raisonner sa mélancolie et de refouler la nostalgie, par une pratique intertextuelle de la parodie littéraire.

Rousseau et sa Julie sont démentis bien sûr; le spectacle d'une nature qui a changé ne peut consoler, on l'a vu: « Je cherche parfois à retrouver mes bosquets de Clarens perdus au nord de Paris, dans les brumes.» À Clarens, domaine de l'amour épuré, Julie, mariée à Wolmar, acceptait de recevoir son ancien amoureux, Saint­ Preux; et lui confiait l'éducation de ses enfants ...

Ainsi, tout autant que les souvenirs personnels qui ne sont plus d'époque, ce sont les représentations esthétiques qui les ont finalement véhiculés qui sont datées ou font date, au point qu'on affecte (encore) de les tourner en ridicule; comme « certains vers de Roucher » (poète.... »

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