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[Caveu] 5 10 15 20 25 (chapitre XIX) On allait se mettre à table de très bonne heure. Voilà que...

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« [Caveu] 5 10 15 20 25 (chapitre XIX) On allait se mettre à table de très bonne heure.

Voilà que la bonne amie de Versailles arrive, sans rien savoir de tout ce qui s'était passé; elle était en carrosse à six chevaux, et on voit bien à qui appartenait l'équipage.

Elle entre avec l'air imposant d'une personne de cour qui a de grandes affaires, salue très légèrement la compagnie, et tirant la belle Saint-Yves à l'écart : « Pourquoi vous faire tant attendre? Suivez-moi; voilà vos diamants que vous aviez oubliés.

» Elle ne put dire ces paroles si bas que l'Ingénu ne les entendit : il vit les diamants; le :frère fut interdit; l'oncle et la tante n'éprouvèrent qu'une surprise de bonnes gens qui n'avaient jamais vu une telle magnificence.

Le jeune homme, qui s'était formé par un an de réflexion, en fit malgré lui, et parut troublé un moment. Son amante s'en aperçut; une pâleur mortelle se répandit sur son beau visage, un :frisson la saisit, elle se soutenait à peine. « Ah! madame, dit-elle à la fatale amie, vous m'avez perdue! vous me donnez la mort! » Ces paroles percèrent le cœur de l'Ingénu; mais il avait déjà appris à se posséder; il ne les rele­ va point, de peur d'inquiéter sa maîtresse devant son :frère, mais il pâlit comme elle. Saint-Yves, éperdue de l'altération qu'elle apercevait sur le visage de son amant, entraîne cette femme hors de la chambre dans un petit passage, jette les diamants à terre devant elle. «Ah! ce ne sont pas eux qui m'ont séduite, vous le savez; mais celui qui les a donnés ne me reverra jamais.

» I.:amie les ramassait, et Saint-Yves ajoutait:« Qy.'il les reprenne ou qu'il vous les donne; allez, ne me rendez plus honteuse de moi­ même.

» I.:ambassadrice enfin s'en retourna, ne pouvant com­ prendre les remords dont elle était témoin. INTRODUCTION 1Situer le passage Cet extrait se situe après le sacrifice de M0• de Saint-Yves et la libGration de !'Ingénu et de Gordon.

Tous les protagonistes se trouvent enfin réunis.

Ces heureuses retrouvailles sont ~ peine troublées par l'étonnement de chacun devant le crédit de la jeune fille.

Elle seule cependant, tout à son douloureux secret, ne partage pas le bonheur ambiant.

Cet équilibre instable va être définitivement rompu par l'arrivée de l'amie de Versailles. 1Dégager des axes de lecture Dans ces pages, Voltaire orchestre de manière magistrale un coup de théâtre avec l'arrivée d'un personnage ambigu, conçu comme un double inversé de l'héroïne.

Les jeux de scène qui accompagnent la semi-révélation du secret de M0• de Saint-Yves constituent une préparation du dénouement dans son double registre pathétique et tragique. PREMIER AXE DE LECTURE UN PERSONNAGE MONDAIN 1Les indices de luxe L'amie de Versailles, avant l'arrivée de Saint-Pouange lui-même dans le chapitre suivant, représente l'irruption de la cour et de la mondanité au sein de la petite communauté qui s'est reformée autour de !'Ingénu et de Gordon.

Elle incarne le mode de vie et le luxe de l'aristocratie de cour, dont Voltaire fait la satire.

Ses horaires sont ceux des Grands : elle arrive sans s'être annoncée alors que l'on s'apprête à dîner (« le souper »), « de très bonne heure » 0- 1) selon des habitudes provinciales à l'opposé de l'emploi du temps très décalé qu'affectionne alors l'aristocratie.

Sa richesse apparaît à travers son équipage (« en carrosse à six chevaux », 1.

3) et sa LECTURES ANALYTIQUES 115 relation avec Saint-Pouange (« et on voit bien à qui appartenait l'équipage », 1.

3-4, sans doute par les livrées des domestiques et les armoiries peintes sur le carrosse).

Tout en elle dénote une aristocrate rompue aux compromis des courtisans (« Elle entre avec l'air imposant d'une personne de cour qui a de grandes affaires », 1.

4-5).

Elle est bien « l'ambassadrice » de Saint-Pouange et, à travers lui, de la corruption, comme le montrent son discours centré sur les futurs rendez-vous galants et les diamants à la fois monnaie d'échange pour Saint-Pouange, simple parure pour celle qui en héritera à la fin du conte, mais signe tangible du déshonneur pour M11• de Saint-Yves. -1 Les indices d'immoralité Immorale ou amorale, l'amie de Versailles est un personnage ambigu, comme le soulignent les termes plus ou moins ironiques qui la qualifient (« bonne amie » 1.

2, « cette femme » 1.

22, « ambassadrice » 1.

28).

La teneur de ses paroles et son manque de précautions lorsqu'elle s'adresse à M10 de Saint-Yves révèlent son mépris de toute morale.

Le coup de théâtre que constitue son arrivée est moins une trahison (elle ne se rend pas compte des conséquences tragiques de ses paroles) qu'une preuve de l'immoralité des gens de cour.

Elle ne peut comprendre que M11 • de Saint-Yves veuille rompre avec Saint-Pouange.

Le marché conclu entre la jeune fille et le ministre lui paraît normal.

C'est pourquoi elle s'étonne que la jeune fille ne se rende pas à un autre rendez-vous et n'ait pas conservé le cadeau de Saint-Pouange.

La simplicité de la phrase représentative (« voilà vos diamants que vous aviez i oubliés» 1.

8), opposée à la réaction de M0• de Saint-Yves qui les « jette à terre devant elle» (1.

23), montre l'étendue du décalage qui existe entre les deux femmes, ce que confirment les deux notations accompagnant le départ de l'amie de Versailles : son matérialisme(« L'amie les ramassait», 1.

25-26) et son incompréhension (« ne pouvant comprendre les remords dont elle était témoin », 1.

28-29). 116 LECTURES ANALYTIQUES 1 \ 1Une étrangère au sein de la communauté Par son arrivée, l'amie de Versailles rompt le fragile équilibre des retrouvailles.

Elle perturbe une communauté déjà ébranlée par les épreuves, ce dont elle se moque, plus par inconscience totale que par volonté.

Elle arrive sans prévenir.

Elle impose son discours sans s'inquiéter des événements récents (« sans rien savoir de tout ce qui s'était passé », 1.

2-3).

Voltaire, en homme de théâtre, accorde une grande importance au placement des acteurs dans cette scène.

L'amie de Versailles ignore la famille de M11• de SaintYves (« salue très légèrement la compagnie », 1.

5-6), elle crée une situation d'aparté(« tirant la belle Saint-Yves à l'écart», 1.

6-7) à la fois par la distance et l'intensité des voix (« Elle ne put dire ces paroles si bas », 1.

8-9), mais la logique tragique du dénouement exige qu'elle soit entendue par l'ingénu.

Une seconde situation d'aparté est donc créée cette fois par MU• de Saint-Yves (qui « entraîne cette femme hors de la chambre dans un petit passage », 1.

22-23), ce que rapporte Voltaire, narrateur omniscient. DEUXIÈME AXE DE LECTURE L'EFFET TRAGIQUE 1Le jeu des regards et des paroles Ce passage tire son unité de la présence de l'amie de Versailles, il est bâti comme une scène entre son arrivée et son départ, suivant le mode de.... »

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