Arthur Rimbaud, « Le Dormeur Po du val », ésies (1870) 1 ➔ SÉQUENCE 1, TEXTE 4 • OBJET D...
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«
Arthur Rimbaud,
« Le Dormeur
Po du val »,
ésies (1870)
1
➔ SÉQUENCE 1, TEXTE 4 • OBJET D ÊTUDE : LA POÉSIE
C'est un trou de verdure où chante une rivière
Accrochant follement aux herbes des haillons
D'argent; où le soleil, de la montagne fière,
Luit: èest un petit va! qui mousse de rayons.
s
Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort; il est étendu dans l'herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.
Les pieds dans les glaïeuls, il dort.
Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme:
Nature, berce-le chaudement: il a froid.
10
Les parfums ne font pas frissonner sa narine;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine
Tranquille.
Il a deux trous rouges au côté droit.
Octobre 1870.
Question
Comment le titre et la mise en scène dramatique s'opposent-ils
dans le sonnet?
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PRÉPARER LA LECTURE ANALYTIQUE
1Lire attentivement le texte et la question
L'élève commence par lire attentivement le texte et la question
posée.
1Comprendre et analyser la question
Une fois que le candidat a pris note de la question posée par
l'examinateur, il s'agit pour lui de mobiliser ses connaissances.
Les connaissances à mobiliser pour répondre à la question
Des connaissances sur le contexte culturel et littéraire du texte :
le poème d'Arthur Rimbaud intitulé« Le Dormeur du val » est écrit
à la fin du XIX• siècle, à une époque de renouvellement des formes
poétiques.
Les poètes symbolistes et décadents, dont Verlaine,••
cherchent à se libérer des influences de la poésie classiq4e et
romantique (représentée par Lamartine, Alfred de Musset, Victor
Hugo).
En libérant la poésie des codes imposés par les règles de
la versification, ils la font entrer dans la modernité.
Le choix du
sonnet n'est pas anodin : les écarts que Rimbaud impose à la
norme de cette forme fixe apparaissent d'autant plus comme une
subversion poétique.
Des connaissances sur l'auteur : on considère Rimbaud (18541891) comme un des poètes maudits.
Son œuvre constitue un
tournant essentiel dans l'évolution des formes poétiques.
Issu de
la petite bourgeoisie de Charleville-Mézières qu'il déteste
profondément, il est élevé par une mère autoritaire qui se retrouve
seule avec ses enfants, après l'abandon de son mari.
Très jeune,
il affirme son goût pour la liberté et la poésie.
On lui connaîtra une
liaison orageuse avec Verlaine.
Rimbaud est resté célèbre pour
avoir abandonné très jeune la poésie.
À dix-neuf ans, il part pour
dix ans en Orient puis en Afrique, avant de revenir malade à
Marseille en 1891 et de se faire amputer d'une jambe.
Il meurt à
trente-sept ans.
Il est l'auteur d'Une saison en enfer (1873), des
Illuminations (1886).
Dans la lettre à Paul Demeny datée du 15 mai 1871, Rimbaud
définit le poète comme un voyant : « Je dis qu'il faut être voyant, se
faire voyant, par un long et raisonné dérèglement de tous les
sens.
»
Ainsi, le je subjectif du romantisme est remis en cause, car
comme le proclame Rimbaud, « je est un autre ».
Et le dérèglement
des sens ne sera rendu possible qu'à travers« l'alchimie du verbe».
Des connaissances sur le poème : en octobre 1870, Rimbaud a
fait une fugue de chez lui et trouve refuge à Douai chez les
demoiselles Gindre, tantes de son professeur lzambard.
Il en
profite pour rassembler 22 poèmes, dont « Le Dormeur du val »,
dans Les Cahiers de Douai, autrement intitulé Recueil Demeny.
Au
cours de sa fugue, Rimbaud aura assisté à des scènes de
dévastation, puisque 1870 est l'année de la guerre de la France
contre la Prusse qui aboutira à la fin du Second Empire, avant
l'épisode de la Commune et l'avènement de la Troisième
République.
La critique de la guerre, commune à plusieurs textes
du poète, se retrouve dans les vers du « Dormeur du val ».
Le poème s'inscrit dans le cadre de la première séquence
consacrée à la poésie et plus spécifiquement à l'étude du sonnet.
L'examinateur attend donc du candidat qu'il sache identifier cette
forme fixe (voir l'étude du poème de Louise Labé sur la définition
du genre).
Les textes choisis dans cette séquence illustrent
également l'évolution du sonnet.
Il aura été la forme noble par
excellence pendant la Renaissance.
Au xvm• siècle, il est dédaigné
par les écrivains des Lumières, avant d'être remis à l'honneur au
XIX" siècle par des poètes comme Baudelaire, Verlaine, Rimbaud
ou Mallarmé, qui s'en servent pour exprimer une nouvelle
conception du monde qui émergera sous la forme d'une
modernité formelle et poétique.
Toute l'analyse tentera de montrer comment se côtoient deux
lectures du poème au sein du sonnet.
Aussi, il est important pour
le candidat de s'appuyer sur :
- La versification du poème : dans ce sonnet, les entorses aux
règles classiques créent un effet de dissonance qui traduit
l'inquiétude sourde de ces vers, conduisant à la révélation ultime
de la mort du soldat.
Ainsi, dès le vers 3, l'oxymore (« haillons »/
«
D'argent ») est souligné par un rejet qui renforce le paradoxe de
cette alliance.
Au vers 4, un second rejet parachève le déséquilibre
de la première strophe, cassant le rythme propre à l'alexandrin
traditionnel.
De même, le vers 10 commence par un enjambement,
souligné par une tautologie : «
[ •••]
souriant comme/Sourirait ».
Ce
sourire ne manque pas d'inquiéter le lecteur.
La tautologie a valeur
ici de rétention d'information, de réticence : elle semble ne pas
apporter d'élément nouveau, ce qui donne d'autant plus de force
à l'antithèse qu'elle introduit.
« souriant comme/Sourirait un enfant
malade » oppose le motif de la vulnérabilité à la connotation
positive du sourire.
Ainsi tous les rejets, contre-rejets et
enjambements de ce poème sont particulièrement porteurs de
sens.
- Les figures de style : il convient de repérer la personnification du
paysage et la réification1 de l'humain à l'œuvre dans le poème.
En
effet, la rivière « chante » et accroche « follement ».
Sans compter
l'injonction à la nature du vers 11, « Nature, berce-le chaudement :
il a froid ».
En revanche, le soldat semble inerte, comme une chose
qui aurait perdu ses traits humains.
De même, les oxymores
annoncent la double lecture du poème et renforcent l'intensité de
l'image poétique ainsi créée par l'alliance de deux contraires,
«
haillons d'argent
cresson bleu
»
»
(v.
3-4),
«
la montagne fière
»
(v.
4),
«
le
(v.
6).
On pourra être sensible également aux
nombreuses métaphores qui révèlent la richesse sémantique des
1.
Réification: procédé qui consiste à prêter à un être animé des traits d'objets inanimés
(de res, chose en latin).
mots et leur polysémie.
Ainsi, le « trou de verdure » du vers 1 qui
est censé désigner l'endroit paisible où dort le personnage fait
écho aux « deux trous rouges » du dernier vers, mais il ne s'agit
plus de la même signification.
Les informations données par la question sur le texte
La question incite le candidat à repérer une opposition entre le
titre du sonnet, « Le Dormeur du val », et sa suite perçue comme
une orchestration tragique.
Il faut d'abord déterminer quelle est la
nature de cette opposition, comment elle est créée.
On peut se
demander ensuite quel sens donner à ce détournement des
attentes du lecteur.
On repérera donc :
- Le titre du sonnet: « Le Dormeur du val
»
s'annonce comme un
titre bucolique, qui laisse penser que le poème sera lyrique et
champêtre.
En effet, il fait clairement allusion à la poésie
romantique, et l'on pense au « Booz endormi
»
de Victor Hugo.
Plusieurs indices montrent dans le texte que le soldat dort :
«
sa
bouche ouverte » (v • 5) laisse penser qu'il a le sommeil heureux
de quelqu'un qui rêve.
Le verbe « dort » est repris en anaphore à
trois reprises.
De plus, le val, qui désigne une vallée très large,
· «
mousse de rayons » (v • 4).
Cette métaphore connote des jeux
de lumière, une euphorie de la plénitude, propre à une poésie
bucolique.
Pourtant, dans le cadre de l'étude d'un sonnet, il faut
être attentif au dernier vers, qui constitue une chute.
Le _dernier
vers, ici, éclaire particulièrement sur la signification véritable du
poème : « Tranquille.
Il a deux trous rouges au côté droit.
» En
réalité, ce dormeur est mort, et l'on comprend que la description
est en réalité celle du cadavre d'un soldat mort à la guerre.
Rimbaud ménage un effet de suspens qui correspond à une
orchestration tragique du poème.
- La mise en scène dramatique : elle est créée par la superposition
de deux niveaux de lecture : une première interprétation peut se
faire au premier degré, et faire du poème un tableau empli de
connotations sensorielles qui expriment la simplicité et la beauté
de la nature.
Mais une deuxième interprétation est suggérée
rétrospectivement, où chaque détail devient inquiétant et annonce
la mort du soldat.
Toute la force et le mystère du sonnet
proviennent de cette tension entre suspens et dévoilement.
Les limites imposées par la question
L'écueil majeur serait de réciter l'histoire du sonnet, sa fonction
et ses enjeux, à la lumière des autres textes de la séquence
étudiée.
Certes, il est important de retenir que Rimbaud joue avec
les codes traditionnels du sonnet pour exprimer la modernité de
sa langue poétique, mais il ne faut pas perdre de vue l'analyse
propre au poème : les entorses aux règles poétiques participent
de la mise en scène de l'horreur.
De plus, se pose avec ce sonnet
le problème de l'engagement du poète.
Rimbaud critique la
guerre, mais le candidat ne doit pas voir pour autant dans ce
poème l'expression d'un message idéologique qui en ferait un
poète engagé.
1Comprendre et analyser le texte
Le candidat peut procéder à une analyse linéaire rapide au
brouillon, qui l'aidera à construire sa problématique :
Vers 1 : le verbe « chanter », métaphore expressive mais banale
du murmure de l'eau, entre dans le lexique « euphorique
»
aux
côtés de« luit », « mousse », verbes qui associent les sensations
auditives, visuelles, tactiles avec ces connotations de légèreté,
d'effervescence, de gaieté innocente.
Le présentatif
«
c'est
»
fait
entrer le lecteur de plain-pied dans la scène, dont la vision nous
est restituée de manière frontale.
D'emblée se mêlent des
éléments naturels qui entrent en correspondance par le biais du
toucher O'eau de la rivière et l'herbe, évoquée par la « verdure »),
de l'ouïe Oe bruit de la rivière qui « chante »), et de....
»
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