Algérie 1983-1984 Le chadlisme triomphant Il n'est plus permis d'en douter: au terme d'une transition de cinq ans, l'Algérie a...
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Algérie 1983-1984
Le chadlisme triomphant
Il n'est plus permis d'en douter: au terme d'une transition de cinq ans,
l'Algérie a définitivement tourné en 1983 la page du Boumediénisme pour entrer
dans l'ère du "chadlisme".
Le colonel Chadli Bendjedid, 54 ans, a été réélu chef
de l'État pour cinq ans le 12 janvier 1984, avec 95,36% des suffrages.
Secrétaire général du parti FLN, ministre de la Défense, soutenu par l'armée qui
l'avait choisi en 1978 pour succéder à Boumediène, il dirige le pays avec
fermeté et a désormais les moyens de faire prévaloir ses vues.
Le Ve Congrès du
FLN réuni du 19 au 22 décembre 1983 a approuvé ses orientations et a débouché
sur un profond renouvellement du Comité central, instance suprême du parti.
Les plus proches collaborateurs de Boumediène, ceux que l'on appelait volontiers
les "barons", en ont été définitivement écartés.
C'est le cas de M.
Bouteflika,
qui dirigea pendant quinze ans, de 1964 à 1979, la diplomatie algérienne, de M.
Abdenelam, "père de l'industrialisation", de M.
Tayebi Barbi qui avait fait du
ministère de l'Agriculture un fief où il régnait sans partage, ou encore de MM.
Benchérif, ancien commandant en chef de la gendarmerie et Draïa, ex-chef de la
police.
Les uns et les autres avaient été "suspendus" du Comité central après
enquête de la commission de discipline.
La gestion passée de plusieurs d'entre
eux a en effet été mise en cause par la Cour des comptes dans le cadre de la
"campagne d'assainissement" lancée par le chef de l'État pour lutter contre le
laxisme et la corruption.
M.
Bouteflika a ainsi été condamné le 14 mai 1983 à
reverser au Trésor algérien plusieurs centaines de milliers de francs suisses
qu'il aurait détournés.
Rejetant vivement les accusations portées contre lui,
l'ancien ministre qui vit en exil en Europe a dénoncé un jugement par lui
assimilé à une "manoeuvre politique".
Plus significative encore est l'élimination du Comité central du colonel Mohamed
Salah Yahiaoui, chef de file des progressistes à qui Boumediène avait confié la
tâche de rénover le parti et les organisations de masse.
Disposant de soutiens
dans l'armée, il était apparu comme le rival le plus sérieux du colonel Chadli
Bendjedid dans la course à la succession et lors du Congrès de janvier 1979, ce
dernier avait dû composer avec lui et lui abandonner la direction du FLN.
Ce
bicéphalisme avait pris fin en mai 1980 lorsque l'armée, lasse des désordres
fomentés par les étudiants arabisants puis par les Kabyles, s'était prononcée
pour l'octroi de pleins pouvoirs au chef de l'État.
Celui-ci avait alors
remplacé M.
Yahiaoui par un apparatchik, M.
Messaadia, qui s'est employé avec
succès à reprendre en main le parti et les organisations de masse.
Mais M.
Yahiaoui, qui dispose de nombreuses amitiés en raison de son intégrité et de son
prestigieux passé de maquisard, était resté membre à part entière du CC.
Un nouveau personnel politique
L'élimination des "Boumédiénistes" a eu pour corollaire la promotion dans tous
les secteurs d'une nouvelle couche de dirigeants, effectuée par étapes et avec
le souci de ménager la transition.
Après avoir assuré pendant cinq ans la
direction du ministère du Plan où il a procédé à une remise en ordre de
l'économie, M.
Abdelhamid Brahimi, l'un des conseillers les plus écoutés du
président Bendjedid, a été nommé le 22 janvier 1983 à la tête du gouvernement en
remplacement de M.
Abdelghani.
Le cabinet a été renforcé par quatorze
vice-ministres, hauts fonctionnaires et technocrates de talent, qui vont pouvoir
ainsi faire un apprentissage ministériel.
Le même type de procédure a été
employé au bureau politique où apparaissent des membres suppléants parmi
lesquels deux jeunes colonels, le secrétaire général du ministère de la Défense,
M.
Benloucif et le directeur de la marine, M.
Rachid Benyelles.
Les cadres de
l'armée ont été rajeunis, plusieurs centaines d'officiers supérieurs issus pour
la plupart de l'Armée de libération nationale ayant été invités à prendre leur
retraite.
Il en a été de même dans le secteur industriel à l'occasion des vastes
opérations de restructuration engagées pour améliorer la productivité des
sociétés nationales.
La "révolution tranquille" entamée dès 1980 sous la houlette de M.
Chadli
Bendjedid a bénéficié des commentaires louangeurs d'une presse écrite et
audio-visuelle épurée de ses éléments contestataires et notamment des membres et
des sympathisants du Parti de l'avant-garde socialiste (PAGS) clandestin, qui se
posaient en gardiens jaloux de l'orthodoxie socialiste.
Quotidiennement, la
presse célèbre la "fidélité", la "rigueur", la "clairvoyance" et la "sagesse" du
"militant" Chadli Bendjedid.
Économie: décentralisation et réalisme
S'il n'est pas question d'une libéralisation économique comparable à celle mise
en oeuvre par Sadate en Égypte, les dirigeants ont poursuivi en 1983 leurs
efforts pour rentabiliser l'appareil de production installé à grands frais par
Boumediène.
La déconcentration et la décentralisation ont fait de notables
progrès: le 16 décembre 1983, l'Assemblée populaire nationale a adopté un projet
de loi créant 17 nouvelles willayas (départements), ce qui porte leur nombre à
48, et élevant le nombre des communes à 1 540 contre 704.
Le nouveau découpage
territorial sera effectif en 1985 en même temps que démarrera le nouveau plan
quinquennal 1985-1989.
Les quatre cents entreprises industrielles nées de l'éclatement des quelques
soixante-dix sociétés nationales qui formaient l'épine dorsale de l'économie
algérienne sont devenues opérationnelles.
Le secteur agricole a été lui aussi
réaménagé.
Ainsi les domaines autogérés et les coopératives de la révolution
agraire (CAPRA) ont été regroupés au sein d'un même secteur.
A la fin de
septembre 1983, on dénombrait 3 400 "domaines agricoles socialistes", couvrant
une superficie de 2 766 200 hectares.
Dans chacun d'entre eux a été nommé un
ingénieur agricole, un comptable et un chef de parc.
Une aide importante a été
accordée aux agriculteurs privés qui se vont vus distribuer 15 000 tracteurs et
70 000 moto-pompes.
Les opérations de restructuration et de remembrement ont été
parfois l'occasion de restituer des terres à leurs anciens propriétaires.
La
privatisation est désormais envisagée à moyen terme pour tous les domaines qui
continueraient à accumuler les déficits.
L'agriculture reste le souci premier
des dirigeants.
En raison d'une sécheresse persistante, la production de
céréales d'hiver est tombée en 1983 à 12 millions de quintaux, contre 22
millions en 1980.
Seules les productions maraîchères ont progressé.
Le quart
environ des recettes tirées du pétrole et du gaz a été consacré en 1983 à
l'achat à l'étranger de denrées alimentaires.
De façon générale, les responsables, tout en restant globalement fidèles au
choix socialiste, entendent se montrer réalistes et refusent tout dogmatisme.
L'entreprise privée est réhabilitée à condition d'être "non exploiteuse" et de
s'insérer harmonieusement dans la planification générale.
Si le monopole
d'importation de l'État est maintenu, des mesures ont été prises en décembre
1983 pour permettre aux petites et moyennes entreprises d'importer des
équipements dont la valeur est inférieure à 100 000 dinars (168 000 F).
Les
contraintes qui freinaient l'investissement privé dans le secteur immobilier ont
été en partie levées.
L'action engagée dès 1979 pour rétablir les équilibres économiques fondamentaux,
rompus durant la période précédente, s'est poursuivie.
L'accent a été mis sur
l'implantation de petites unités industrielles décentralisées, sur
l'amélioration des voies de communication, notamment ferroviaires, sur le
développement de l'appareil de distribution et des moyens de stockage, sur la
construction de logements afin de répondre à des besoins sociaux sans cesse
croissants en raison de l'élévation du niveau de vie (les revenus des ménages
auraient augmenté de 5% en 1983) et de....
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